La 15ème édition du Festival international du cinéma méditerranéen de Tétouan a ouvert ses festivités sous le signe de l’hommage et de la reconnaissance. Samedi déjà, lors de la cérémonie d’ouverture, c’est un film de 1979, « Alexandrie pourquoi ? », du défunt réalisateur Youssef Chahine qui a été projeté à la centaine d’invités réunie au Théâtre espagnol. Dimanche matin, c’est également par un moment fort que les organisateurs du Festival ont souhaité ouvrir le bal à travers un colloque spécialement dédié au réalisateur égyptien qui a su, des décennies durant, marqué de son empreinte le paysage cinématographique arabe.
Né en 1926 à Alexandrie, Youssef Chahine est issu d’une famille catholique. En 1947, il se rend aux Etats-Unis où il entame des études cinématographiques à Pasadena, tout près du cœur de Hollywood. Un voyage qui déterminera largement sa vision du 7ème art et dont il fera écho bien plus tard dans l’une de ses dernières productions « Alexandrie… New York ». De retour en Egypte, il réalise en 1951 « le Fils du Nil » ; film avec lequel il se présentera pour la première fois au Festival de Cannes. C’est le début pour lui d’une longue carrière cinématographique alternant les genres, de la comédie, au cinéma d’aventures, en passant par le mélodrame et la comédie musicale. En présentant « Alexandrie pourquoi ? » au Festival de Berlin, Youssef Chahine connaît une consécration internationale en obtenant l’Ours d’argent et le Grand prix du jury. Ce film sera le premier volet d’une trilogie autobiographique comprenant « la Mémoire » en 1982 et « Alexandrie encore et toujours » en 1990. L’ensemble de l’œuvre «chahinienne» sera primé au 50ème anniversaire du Festival de Cannes. Il décède le 27 juillet 2008 au Caire.
C’est notamment en présence de Mahmoud Hamida, acteur égyptien, véritable compagnon de route de Chahine puisqu’il a notamment joué dans trois grands films du cinéaste, que de nombreux critiques et cinéastes ont évoqué, lors de ce colloque, le parcours remarquable du réalisateur ainsi que la portée universelle de sa filmographie. Dans ses films, comme l’ont rappelé les conférenciers, Youssef Chahine choisit de raconter le vécu, la réalité d’une situation géopolitique complexe où le monde arabe et plus particulièrement l’Egypte sont confrontés à la colonisation. Il utilise pour cela la rigueur et le savoir-faire du cinéma hollywoodien pour raconter une réalité égyptienne. Loin des canons du cinéma égyptien de l’époque, il oscille entre l’autobiographie et l’histoire, la fiction et le documentaire; chaque film complétant le précédent… Les thèmes chers à Youssef Chahine sont d’ordre social. Du côté des opprimés, Chahine ne cessera de militer à travers ses films contre les injustices et les inégalités qui frappent la société égyptienne… Plus qu’un cinéaste, Youssef Chahine est un homme engagé ; un engagement qui trouvera écho à travers le langage cinématographique, comme nous le rappelle Mustapha Mesnaoui: « Youssef Chahine n’était pas uniquement un réalisateur doué, mais bien plus que cela, un militant. »