Fenêtres … Abdellatif Lâabi : le Cosmopolitisme d’un Poète

Abdellatif Lâabi est incontestablement l’une des voix les plus distinguées de la littérature marocaine. Sommité du dire poétique et romanesque, il s’illustre universellement aujourd’hui pour l’ensemble de son œuvre et se déclare officiellement prix Goncourt de poésie 2009. La consécration de Lâabi se veut essentiellement une reconnaissance de l’effort fourni par ce citoyen du monde qui se réclame de l’Humanisme comme fondement de son être et de son écriture. Le regain d’intérêt que connaît l’œuvre de Lâabi tire son originalité de sa profondeur du fait qu’elle est inscrite dans un cadre historiquement particulier. En effet, Lâabi a vécu l’expérience des années de plomb qui ont marqué le Maroc à un moment donné de son Histoire. Il avait, militantisme intellectuel oblige, donné naissance à la tribune avant-gardiste de l’époque : Souffles, lieu des débats et controverses de haut niveau. Lâabi écrivait comme il respirait. Son écriture était/est le lieu de la manifestation inconditionnelle d’une volonté d’être. D’où la valeur esthétique et emblématique de son écriture. D’où la tenue de sa poésie comme hymne à la Liberté de l’Homme quel qu’il soit. La poésie de Lâabi, sa langue d’élection, s’enracine dans les ténèbres de la condition humaine en vue d’interroger sa relation avec le monde comme lieu d’errance et de perte existentielles. De la vacuité ontologique de l’être, Lâabi restructure l’épreuve de l’existence et tente de lui arroger un nouveau sens. Carrefour de la mémoire et du corps, son dire poétique traverse les oublis de l’Histoire et sonde l’Infini de l’expérience humaine comme œuvre en devenir. De l’incertain Lâabi forge le certain. De l’impossible il crée le possible. Transe, son œuvre est profondément une interrogation ontologique qui s’essaie à la révélation de la difficulté d’habiter un monde caduc et dénaturé. Aussi est-il que, dans son essence, la pratique scripturale de Lâabi est une pratique qui ne triche pas avec le sens d’être. La gageure n’est point évidente dès lors que derrière le dire poétique, dans toute son élasticité, se dissimule l’indicible, l’impensé et l’impensable dans toute leur indétermination. Par conséquent, si le texte de Lâabi est hermétiquement fermé, s’il ne se prête pas à la lecture facile, c’est parce qu’il est le produit de l’exercice de la douleur et de l’espoir d’être. L’œuvre de Lâabi retrace le cheminement d’un passé tellement lourd d’expériences et, par là même,  elle ouvre largement les portails d’un futur meilleur. Le poète a, bel et bien, eu l’audace de dévoiler l’épreuve du carcéral et, parallèlement,  de penser en filigrane l’avenir et le devenir de l’homme universel. Le fou d’espoir, chez Lâabi,  rejoint le rêveur attiré dans un voyage de déchirement intérieur scrutant les énigmes de ce je/tu/il dans la relation fort ambiguë qu’il tisse avec un monde problématique. C’est dans ce sens que L’œuvre de Lâabi se propose d’initier le lecteur à la pratique de l’art de l’interprétation libre visant le saisissement du sens comme expérience individuelle.
Authentique, l’œuvre de Lâabi a le bonheur de briller présentement outre-mer. Elle s’universalise tout en universalisant la littérature marocaine comme trace indélébile dans le puzzle mondial des Lettres. Bientôt d’autres Noms. Bientôt d’autres Exploits…