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considéré comme le James Brown de l’Atlas.
Décédé depuis longtemps, il est aujourd’hui
complètement oublié. Ses disques poussiéreux
ont été retrouvés à Casablanca par un passionné
allemand qui a décidé de les faire
connaître, en éditant
un album complet.
Il y a quelques mois, on vous parlait du fameux projet «Habibi Funk», une initiative du label allemand «Jakarta Records» visant à faire renaître de leurs cendres les trésors oubliés du funk et du groove d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient. La première sortie dudit projet était une très bonne réédition du groupe tunisien «Dalton». Aujourd'hui, c'est avec le Marocain Fadaul que le label continue d'explorer les années 70 et 80.
Cette résurrection, on la doit donc à un passionné allemand, Jannis Stuerz, fondateur du label «Jakarta Records». Lors d'une virée dans l’ancienne médina de Casablanca, il y a quelques années, il tombe sur des vinyles au fond d'un magasin. Le gérant lui explique qu'il était disquaire avant que l'arrivée de la cassette ne l'oblige à fermer son magasin. Ce qui lui reste là sont les disques qu'il n'a pas écoulés, des rebuts de l'histoire, fossilisés. Mais un disque avait particulièrement retenu l'attention de Jannis. Signé «Fadaul et les Privilèges», ce qui l'a particulièrement marqué est la mention d'un certain James Brown dans les crédits.
«Fouiller dans les disques de ce magasin, essentiellement des 45 tours, m’a pris une journée et un disque en particulier attira mon attention», explique Jannis Stuerz. «C’était celui du groupe «Fadaul et les Privilèges», lequel mentionnait au dos du disque les crédits de James Brown concernant la chanson «Sid Redad» ajoute-t-il. «Inutile de dire que j’étais impatient d’écouter ça et la première fois que je l’ai entendu, j’ai été bouleversé ! Une reprise de «Papa got a brand new bag» chantée en arabe et backée en live par un trio !», s’étonne Jannis, avant d’ajouter: «Difficile de décrire la musique sans l’écouter au préalable. Mais après m’être familiarisé avec le genre, il m’a semblé évident de résumer le répertoire sous l’appellation «Arabic funk played with a punk attitude» (Du funk arabe joué avec une attitude punk)». «C’est pour moi ce qui serait la définition la plus fidèle», précise le fondateur de «Jakarta Records». «Je me suis très vite retrouvé contaminé, voire obsédé par ce disque mais durant mes recherches personne n’était en mesure de me renseigner quant à l’origine de cet homme, de ces vinyles oubliés, même Google ne m’a été d’aucune aide. Une sorte de parenthèse oubliée dans l’Histoire de la musique. Alors j’ai continué à sillonner le Maroc à la recherche d’informations introuvables !», souligne-t-il, avant de préciser que c’est le fait d’avoir trouvé d’autres disques de Fadaul qui lui a redonné espoir. «J’ai insisté et le fait de tomber sur d’autres disques de Fadaul m’a redonné espoir. Un total de 4 albums signés Fadaul existait. Tous avaient le son «rough» du morceau «Sid Redad». Des interprétations énergiques, une voix puissante et une ambiance live palpable et irrésistible !», commente-t-il.
Ce n’est qu’en 2014 que Jannis finit par trouver des informations sur Fadaul via un membre d’un autre ancien groupe marocain, «The Golden Hands», apprenant du coup son décès. Ce fut alors le début d'une enquête qui a mené Jannis jusqu'à un certain chanteur nommé Tony Day. Lequel savait où la famille de Fadaul avait vécu pendant les années 80… S'ensuit un nouveau voyage au Maroc, des courses en taxi, des coups de fils et puis un soir où Jannis se trouve devant la maison de la famille de Fadaul en plein cœur de Casablanca. Il se rend compte que celle-ci n’y vivait plus, mais les voisins savaient où il travaillait avant sa retraite, et de fil en aiguille, il a fini par rencontrer une de ses sœurs. Selon elle, Fadaul était à la fois peintre, acteur mais surtout musicien. Et c’est bien son amour à James Brown, qui l’a mené à ce mélange entre funk et sonorités traditionnelles. Marié et père de deux enfants, c'est en 1991 que Fadaul a quitté notre monde. Sans platines vinyles, sa famille n'avait pas écouté sa musique depuis un quart de siècle… Toujours selon Jannis, «l'enthousiasme de la famille de Fadaul à l'idée d'une réédition a été un vrai bonheur», c'était devenu pour lui «une cause». «Pouvoir aujourd'hui écouter l'ensemble de «Azmanah Sa'Ib» (Les temps sont durs), le premier album de Fadaul, 45 ans, après sa sortie initiale, est une grande victoire pour ce passionné infatigable.
Notons enfin que l’album de huit titres est sorti, en décembre dernier, en version CD, vinyle, et digitale. Il a été accompagné d’une pochette avec un livret de notes, des photos et des traductions des paroles. Les profits des ventes reviendront, par ailleurs, à parts égales au label et à la famille du chanteur.