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monumentale réalisée par l’artiste Farid Belkahia a été inaugurée récemment, à Marrakech. L’œuvre du plus ancien des sculpteurs du Maroc, qui a en effet étudié la sculpture lors de sa
formation en scénographie à l'Académie de Théâtre de Prague en 1959, constitue, selon les porteurs de ce
projet socio- culturel, une parfaite expression de la conscience écologique de l’artiste et de son esprit
de compassion à l’égard de la planète. Par la même occasion, il a été procédé au lancement d’un concours d’architectes, pour la
réalisation sur le même site d’un premier Musée de
l’olivier en Afrique et dans
le monde arabe.
Libé : La thématique de l’arbre a été parmi vos préoccupations plastiques majeures. Comment vous est venue l’idée de réaliser cette sculpture gigantesque dédiée à l’olivier ?
Belkahia : Vu mon parcours artistique, il n'y a rien de surprenant à ce que j’en vienne à la sculpture. Depuis les années 70, j’ai fait des bas-reliefs en cuivre qui sont déjà considérés comme des sculptures, car c'est un travail en volume et qui suppose un rapport immédiat à la matière. Par ailleurs, j’ai réalisé des sculptures en métal: l’ODEP possède une magnifique « Tour de la mémoire » entreposée dans son siège à Casablanca, une dans une ville du Sud de la France ainsi qu'en Corée du Sud au parc Olympique de Séoul lors des Jeux Olympiques. Toute mon oeuvre s’inscrit dans une problématique sculpturale pensée en termes de volume. Il est à rappeler que j’ai fait plusieurs dessins des sculpteurs car pour moi le dessin est à la peinture ce que le mot est à la poésie. Il constitue le véritable laboratoire de mon imagination.
La sculpture, inscrite dans un cercle géant de 7 mètres de diamètre, est réalisée spécialement pour le site Janat Azaiton sur commande de Soft KLK. C’est une traduction de la volonté de cette société citoyenne qui parie dans sa politique immobilière sur l’épanouissement artistique et la restitution de la mémoire collective. Elle est faite en acier anti-corrosion auto- protecteur dont la maquette a été dessinée sur papier en 1989. J’aime toujours travailler à partir du cercle. Cette forme énigmatique de grande dimension symbolise la quête d'un monde où l'homme serait réconcilié avec l'origine. L'enjeu de la mémoire est l'axe même de ma démarche.
Comment interprétez-vous cette sculpture sur le plan symbolique ?
Symboliquement, cette oeuvre est particulièrement significative à plus d'un titre. D'une part, il s'agit d'un cercle, c'est- à-dire la forme parfaite selon toutes les traditions, mais ce cercle est de surcroît habité par un arbre, sacré s'il en faut, puisqu'il s'agit d'un olivier, un autre symbole sacré de vie et de perfection renvoyant à l'origine du monde. Cet arbre porte également des valeurs de tolérance et d’ouverture qui fondent la culture universelle. Ainsi, j’ai bien voulu intégrer des signes graphiques comme le cercle et la flèche en une sorte d'alphabet qui fonctionne comme un repère nécessaire à l'expression d'une conception particulière de l'être. C’est l’expression libre de mon grand intérêt pour la mémoire et le cheminement de l'homme à travers la tradition. J’ai toujours affirmé que la modernité n'est perceptible qu'à partir d'une assimilation des valeurs anciennes. Aussi cette sculpture est-elle conçue dans le total respect de notre culture, car c'est un arbre stylisé et qui ne se confond en aucun cas avec l'arbre tel qu'on le rencontre dans la nature.
Quel regard portez-vous sur l’intégration de la sculpture dans l’espace urbain ?
L'intégration de la sculpture dans l'espace urbain est une excellente initiative et une grande audace de la part des promoteurs de Soft KLK, Zhor Kabbaj El Ayoubi, Mohamed Kabbaj et Rachid Khayati. Cette société qui se positionne comme leader en matière de promotion culturelle a posé les jalons d’une opération immobilière écologiquement responsable dans la tendance des techniques à haute performance environnementale. C’est la première fois dans l’histoire de l’architecture au Maroc qu’une œuvre d’art emblématique est intégrée par des promoteurs au sein d’un programme immobilier. J’ai bien apprécié l’idée fédératrice de cet organisme privé, celle de réaliser un projet urbanistique conscient et cohérent, porteur de valeur ajoutée artistique et culturelle, sociale et environnementale. Je souhaite que l’Etat adopte la philosophie de ce projet-pilote animé par la volonté d’apporter quelque chose de nouveau et d’utile et qui contribue à enrichir davantage le capital culturel de nos villes et à valoriser l’environnement des générations futures. Il est temps de généraliser cette expérience pour marquer les infrastructures immobilières et les associer à des projets culturels susceptibles de donner une dimension artistique à notre paysage urbain.
Vous êtes parmi les artistes qui revendiquent le droit à la mémoire et entreprennent une aventure dont la tradition est l’avenir de l’homme.
J’estime que l’art est un pur produit de la recherche et de la créativité. Je suis persuadé que mon discours ne peut se passer d'une conscience écologique ni de compassion à l'égard de la planète. Mon œuvre est résolument engagée et trouve sa source d’inspiration dans les matériaux originels et les symboles de la vie. Comme je le dis dans un de mes textes, la tradition est le futur de l'homme. Autrement dit, l'assimilation de la modernité n'est pensable que si l'on structure sa mémoire, mais aussi celle de l'histoire à partir de repères fondateurs. C’est à travers la pratique que tout se décide. Je ne concrétise jamais une idée abstraite ; c’est le concret qui me mène vers l’abstrait. La recherche doit toujours aller de l’avant ; il faut que se crée, continuellement, entre ce que je fais et moi, une aventure. J’ai besoin, non pas d’un rapport conflictuel, mais d’un rapport passionnel avec mon travail. Ce qui m’importe, c’est d’avoir un contact sensuel avec les matériaux que je travaille, et le désir et l’aventure que je crée avec lui. Mon travail est une façon moderne de retoucher des éléments que l’on est peut-être en train d’oublier et d’occulter. Je n’ai pas de frontière, ni cette volonté de m’ancrer pour me donner une identité. D’autant que, dans un monde en voie de globalisation, il sera impossible de créer en vase clos.