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Cheb Kader signe son grand retour sur
le marché du disque avec «Dima raï», un album qui rappellera aux fans et amateurs de musique raï la voix et les compositions qui ont autrefois fait vibrer le public et résonné aux USA, Japon, Maghreb et en Europe.
Celui que l’on considère comme l’un des
précurseurs du raï moderne n’a rien
perdu de son talent.
Le chanteur
marocain apporte
ici un peu de parfum à la scène musicale, après une longue absence.
A la joie du public qui se souvient encore de ses titres enchanteurs
et rythmes chaloupés. L’occasion aussi pour
la nouvelle génération de redécouvrir l’œuvre du chanteur et mettre enfin un visage sur des morceaux qu’ils ont
forcément écouté
sans connaître leur
véritable auteur.
Libé : Vous êtes au Maroc dans le cadre de la promotion de votre dernier opus, « Dima Raï ». Comment se déroule-t-elle ?
Cheb Kader : Je suis ici, effectivement, dans le cadre de la promotion de mon nouvel album, sorti il y a une quinzaine de jours au Maroc. Tout se passe plutôt bien et je suis très heureux d’être ici. Pour tout dire, c’est toujours un plaisir de revoir le public marocain qui m’est très cher.
C’est avec beaucoup d’amour que vous parlez du Maroc. Qu’est-ce qui vous rend heureux de retrouver le bled ?
Beaucoup de choses. Il y a les retrouvailles des amis, la bonne humeur des gens et le climat très particulier du pays que l’on ressent dès qu’on pose ses pieds sur le sol marocain. J’ai toujours autant de plaisir de revenir d’autant plus que je me sens en forme. On a vraiment envie de bouger quand on est au Maroc.
Cette ambiance joyeuse inspire-t-elle l’artiste que vous êtes ?
Bien sûr. Je suis originaire de la région de Berkane. A Saidia, où j’ai une maison, il n’y a pas mieux pour l’inspiration : on a la mer à côté, du soleil, une belle nature, un beau climat.
Revenant à votre nouvel opus qui serait une sorte de mise au point
D’abord, je sors très peu d’albums sur le marché, quasiment un tous les 10 ans. Ensuite, il s’est passé beaucoup de choses entre 2002 et 2012, suite à l’avènement de l’Internet. Bien qu’on ne me voie plus dans les médias, bien de mes chansons -très connues dans le milieu des initiés du raï- ont continué à faire leur chemin. Le problème est que j’ai retrouvé des commentaires sur des réseaux sociaux (Facebook, Skype, etc.) disant que certaines appartiendraient à un autre artiste.
J’ai donc voulu reprendre les choses en main pour dire que Cheb Kader, c’est bien toutes ces chansons que vous appréciez. J’ai voulu mettre un visage sur celles-ci et qu’on attribue à tort à d’autres. Surtout la nouvelle génération qui ne me connaît pas forcément.
Peut-on dire que votre longue absence de la scène a contribué à créer cette confusion? Cette situation vous a-t-elle touché?
Tout à fait. Cela m’a beaucoup touché d’autant plus que ces chansons sont comme mes enfants. Cette confusion m’a paru tout à fait injuste. Il faut rendre à César ce qui est à César. D’où l’intérêt de cet album qui, par ailleurs, propose de redécouvrir des chansons qui n’étaient pas connues de la nouvelle génération.
Cette longue absence n’influence-t-elle pas votre rapport à la musique?
Sans doute. Cela dit, c’est déjà une bonne chose pour un musicien que de ne pas être pressé de sortir un album. Un musicien est comme un bon cuisinier : quand il met sa marmite sur le feu, il doit lui laisser le temps de cuir et mijoter. La musique c’est un peu pareil. Même si on est inspiré et qu’on peut faire une bonne cuisine rapidement, je pense qu’il faut savoir attendre. Cela ne sert à rien d’occuper le terrain bêtement sans rien proposer à ses fans et à son public.
Sans chauvinisme aucune, que pensez-vous du public marocain ? Quelle est sa particularité ?
La particularité du public marocain est qu’il n’est pas seulement un public marocain mais aussi un public africain. J’ai eu l’occasion de travailler avec mes frères africains à l’étranger, il y a toujours de la musique, même quand on enterre un mort. Malgré les difficultés de la vie, ici comme partout en Afrique, la musique fait partie de notre vie. Au Maroc, on n'a pas besoin de chauffer le public, il l’est déjà à la base. Il aime la fête et réagit tout de suite.
Vous êtes le seul artiste du raï qui ait fait ses débuts à partir de l’étranger et non dans son pays d’origine. Cela fait une grande différence ?
C’est certain que cela fait une grande différence. Effectivement, je suis parti à l’étranger très jeune en 1975, à 8 ans. Mais ce qu’il faut retenir, c’est qu’on compose en fonction du pays où l’on réside, des problèmes que l’on vit, ce qui fait qu’au bout du compte, on ne véhicule pas le même message.
En ce qui me concerne, je me suis posé plusieurs questions : pourquoi n’étais-je pas autorisé à rentrer dans une discothèque malgré mes 15 ans ? Pourquoi fallait-il se réveiller à 8h du matin pour pouvoir écouter de la musique africaine diffusée à l’émission télévisée « Mosaïque » sur FR3 (devenue France 3). Ces questions ont forcément influencé l’artiste que je suis devenu.
Que vous apporte la France d’alors sur le plan professionnel ?
J’ai grandi dans un pays où j’ai pu découvrir tout ce qui est variété internationale. Ce qui est très important par rapport à l’influence que j’ai eue par la suite : funk, reggae, rock, jazz… Et toutes les musiques traditionnelles que j’ai découvertes en France. Ce qui fait qu’il s’est produit un mélange naturel dans les années 87/88. J’ai été un des pionniers du raï moderne qui n’a pas été compris tout de suite, parce que les gens ont cru que c’était tout sauf du raï. Et moi, je disais très souvent : « Ce qui n’est pas du raï aujourd’hui le deviendra demain ».
Avez-vous le sentiment qu’il y a eu une évolution sur ce point ?
Heureusement que cela a beaucoup évolué. Parce que les artistes, ceux qui sont là encore aujourd’hui, ont pris conscience que leur musique était surtout une main tendue. Et qu’il fallait absolument proposer quelque chose d’accessible. La difficulté avec la musique orientale, c’est qu’elle n’est pas tellement accessible, ce n’est pas quelque chose qui fait partie des soirées mondaines… Pourtant, on la connaît et, même on l’apprécie.
Faut-il pour autant l’adapter ?
On n’a pas de choix. C’est un peu le travail que je fais depuis 87. Si l’on veut passer normalement dans les émissions de télévisions française, belge, allemande ou autres, il va falloir rendre nos chansons plus accessibles afin qu’elles soient faciles à retenir et surtout apprendre à les écourter. Car, en Afrique, nous aimons bien les longues chansons, ce qui n’est pas le cas là-bas. En plus, il faut bien sûr se faire plaisir et faire plaisir à tous.
Sur ce point, je pense avoir eu raison puisque par la suite, après 87, on a pu faire des tournées partout dans le monde. J’ai joué aux Etats-Unis, au Japon, dans toute l’Europe et c’était toujours avec le même engouement, le même accueil.
Quelle image vous renvoie la société française d’aujourd’hui comparativement à celle que vous avez connue dans les années 75 ?
L’image change pour le Maghrébin et le Français et donc la société française dans son ensemble, d’autant plus que le monde a changé et la crise est passée par là. Les difficultés ne sont plus les mêmes : il n’y a plus de travail et cela se ressent à travers les nouvelles diffusées à la télévision.
On est en ce moment en France dans une période électorale dont on voit les sujets qui ressortent. Il faut déplorer le fait qu’on ressorte très injustement les mêmes thèmes, sauf les vrais. On parle beaucoup des musulmans, des minarets et dernièrement de la viande halal pour une raison qu’on ne comprend pas d’ailleurs. Des sujets qui ne servent pas la société. On a envie d’entendre des dirigeants parler du chômage, des crises… bref, des vrais problèmes.
Etes-vous satisfait de votre carrière ? Pensez-vous avoir atteint les objectifs que vous vous étiez fixés au départ?
D’un point de vue artistique, je crois avoir atteint un but que j’aurais du mal à croire. On est parti d’un style traditionnel accessible uniquement aux Maghrébins, émigrés. On se retrouve aujourd’hui avec une musique qui est diffusée partout dans le monde, qui passe dans les discothèques tout à fait normalement. C’est aussi là quelque chose qui est entré dans les mœurs. Aujourd’hui, on me connaît un peu partout. Très sincèrement, je n’aurais jamais imaginé atteindre ce niveau-là.
Un mot aux Marocains qui apprécieront sans doute l’album « Dima Raï »?
Je suis très fièr de mes origines marocaines. Les Marocains ont une grande culture. Il est important de rappeler que notre pays est le carrefour, de l’Afrique et de l’Europe. Il y a une espèce de mélange artistique qui se fait ici, ce qui donne un grand public que peuvent envier tous les artistes.
le marché du disque avec «Dima raï», un album qui rappellera aux fans et amateurs de musique raï la voix et les compositions qui ont autrefois fait vibrer le public et résonné aux USA, Japon, Maghreb et en Europe.
Celui que l’on considère comme l’un des
précurseurs du raï moderne n’a rien
perdu de son talent.
Le chanteur
marocain apporte
ici un peu de parfum à la scène musicale, après une longue absence.
A la joie du public qui se souvient encore de ses titres enchanteurs
et rythmes chaloupés. L’occasion aussi pour
la nouvelle génération de redécouvrir l’œuvre du chanteur et mettre enfin un visage sur des morceaux qu’ils ont
forcément écouté
sans connaître leur
véritable auteur.
Libé : Vous êtes au Maroc dans le cadre de la promotion de votre dernier opus, « Dima Raï ». Comment se déroule-t-elle ?
Cheb Kader : Je suis ici, effectivement, dans le cadre de la promotion de mon nouvel album, sorti il y a une quinzaine de jours au Maroc. Tout se passe plutôt bien et je suis très heureux d’être ici. Pour tout dire, c’est toujours un plaisir de revoir le public marocain qui m’est très cher.
C’est avec beaucoup d’amour que vous parlez du Maroc. Qu’est-ce qui vous rend heureux de retrouver le bled ?
Beaucoup de choses. Il y a les retrouvailles des amis, la bonne humeur des gens et le climat très particulier du pays que l’on ressent dès qu’on pose ses pieds sur le sol marocain. J’ai toujours autant de plaisir de revenir d’autant plus que je me sens en forme. On a vraiment envie de bouger quand on est au Maroc.
Cette ambiance joyeuse inspire-t-elle l’artiste que vous êtes ?
Bien sûr. Je suis originaire de la région de Berkane. A Saidia, où j’ai une maison, il n’y a pas mieux pour l’inspiration : on a la mer à côté, du soleil, une belle nature, un beau climat.
Revenant à votre nouvel opus qui serait une sorte de mise au point
D’abord, je sors très peu d’albums sur le marché, quasiment un tous les 10 ans. Ensuite, il s’est passé beaucoup de choses entre 2002 et 2012, suite à l’avènement de l’Internet. Bien qu’on ne me voie plus dans les médias, bien de mes chansons -très connues dans le milieu des initiés du raï- ont continué à faire leur chemin. Le problème est que j’ai retrouvé des commentaires sur des réseaux sociaux (Facebook, Skype, etc.) disant que certaines appartiendraient à un autre artiste.
J’ai donc voulu reprendre les choses en main pour dire que Cheb Kader, c’est bien toutes ces chansons que vous appréciez. J’ai voulu mettre un visage sur celles-ci et qu’on attribue à tort à d’autres. Surtout la nouvelle génération qui ne me connaît pas forcément.
Peut-on dire que votre longue absence de la scène a contribué à créer cette confusion? Cette situation vous a-t-elle touché?
Tout à fait. Cela m’a beaucoup touché d’autant plus que ces chansons sont comme mes enfants. Cette confusion m’a paru tout à fait injuste. Il faut rendre à César ce qui est à César. D’où l’intérêt de cet album qui, par ailleurs, propose de redécouvrir des chansons qui n’étaient pas connues de la nouvelle génération.
Cette longue absence n’influence-t-elle pas votre rapport à la musique?
Sans doute. Cela dit, c’est déjà une bonne chose pour un musicien que de ne pas être pressé de sortir un album. Un musicien est comme un bon cuisinier : quand il met sa marmite sur le feu, il doit lui laisser le temps de cuir et mijoter. La musique c’est un peu pareil. Même si on est inspiré et qu’on peut faire une bonne cuisine rapidement, je pense qu’il faut savoir attendre. Cela ne sert à rien d’occuper le terrain bêtement sans rien proposer à ses fans et à son public.
Sans chauvinisme aucune, que pensez-vous du public marocain ? Quelle est sa particularité ?
La particularité du public marocain est qu’il n’est pas seulement un public marocain mais aussi un public africain. J’ai eu l’occasion de travailler avec mes frères africains à l’étranger, il y a toujours de la musique, même quand on enterre un mort. Malgré les difficultés de la vie, ici comme partout en Afrique, la musique fait partie de notre vie. Au Maroc, on n'a pas besoin de chauffer le public, il l’est déjà à la base. Il aime la fête et réagit tout de suite.
Vous êtes le seul artiste du raï qui ait fait ses débuts à partir de l’étranger et non dans son pays d’origine. Cela fait une grande différence ?
C’est certain que cela fait une grande différence. Effectivement, je suis parti à l’étranger très jeune en 1975, à 8 ans. Mais ce qu’il faut retenir, c’est qu’on compose en fonction du pays où l’on réside, des problèmes que l’on vit, ce qui fait qu’au bout du compte, on ne véhicule pas le même message.
En ce qui me concerne, je me suis posé plusieurs questions : pourquoi n’étais-je pas autorisé à rentrer dans une discothèque malgré mes 15 ans ? Pourquoi fallait-il se réveiller à 8h du matin pour pouvoir écouter de la musique africaine diffusée à l’émission télévisée « Mosaïque » sur FR3 (devenue France 3). Ces questions ont forcément influencé l’artiste que je suis devenu.
Que vous apporte la France d’alors sur le plan professionnel ?
J’ai grandi dans un pays où j’ai pu découvrir tout ce qui est variété internationale. Ce qui est très important par rapport à l’influence que j’ai eue par la suite : funk, reggae, rock, jazz… Et toutes les musiques traditionnelles que j’ai découvertes en France. Ce qui fait qu’il s’est produit un mélange naturel dans les années 87/88. J’ai été un des pionniers du raï moderne qui n’a pas été compris tout de suite, parce que les gens ont cru que c’était tout sauf du raï. Et moi, je disais très souvent : « Ce qui n’est pas du raï aujourd’hui le deviendra demain ».
Avez-vous le sentiment qu’il y a eu une évolution sur ce point ?
Heureusement que cela a beaucoup évolué. Parce que les artistes, ceux qui sont là encore aujourd’hui, ont pris conscience que leur musique était surtout une main tendue. Et qu’il fallait absolument proposer quelque chose d’accessible. La difficulté avec la musique orientale, c’est qu’elle n’est pas tellement accessible, ce n’est pas quelque chose qui fait partie des soirées mondaines… Pourtant, on la connaît et, même on l’apprécie.
Faut-il pour autant l’adapter ?
On n’a pas de choix. C’est un peu le travail que je fais depuis 87. Si l’on veut passer normalement dans les émissions de télévisions française, belge, allemande ou autres, il va falloir rendre nos chansons plus accessibles afin qu’elles soient faciles à retenir et surtout apprendre à les écourter. Car, en Afrique, nous aimons bien les longues chansons, ce qui n’est pas le cas là-bas. En plus, il faut bien sûr se faire plaisir et faire plaisir à tous.
Sur ce point, je pense avoir eu raison puisque par la suite, après 87, on a pu faire des tournées partout dans le monde. J’ai joué aux Etats-Unis, au Japon, dans toute l’Europe et c’était toujours avec le même engouement, le même accueil.
Quelle image vous renvoie la société française d’aujourd’hui comparativement à celle que vous avez connue dans les années 75 ?
L’image change pour le Maghrébin et le Français et donc la société française dans son ensemble, d’autant plus que le monde a changé et la crise est passée par là. Les difficultés ne sont plus les mêmes : il n’y a plus de travail et cela se ressent à travers les nouvelles diffusées à la télévision.
On est en ce moment en France dans une période électorale dont on voit les sujets qui ressortent. Il faut déplorer le fait qu’on ressorte très injustement les mêmes thèmes, sauf les vrais. On parle beaucoup des musulmans, des minarets et dernièrement de la viande halal pour une raison qu’on ne comprend pas d’ailleurs. Des sujets qui ne servent pas la société. On a envie d’entendre des dirigeants parler du chômage, des crises… bref, des vrais problèmes.
Etes-vous satisfait de votre carrière ? Pensez-vous avoir atteint les objectifs que vous vous étiez fixés au départ?
D’un point de vue artistique, je crois avoir atteint un but que j’aurais du mal à croire. On est parti d’un style traditionnel accessible uniquement aux Maghrébins, émigrés. On se retrouve aujourd’hui avec une musique qui est diffusée partout dans le monde, qui passe dans les discothèques tout à fait normalement. C’est aussi là quelque chose qui est entré dans les mœurs. Aujourd’hui, on me connaît un peu partout. Très sincèrement, je n’aurais jamais imaginé atteindre ce niveau-là.
Un mot aux Marocains qui apprécieront sans doute l’album « Dima Raï »?
Je suis très fièr de mes origines marocaines. Les Marocains ont une grande culture. Il est important de rappeler que notre pays est le carrefour, de l’Afrique et de l’Europe. Il y a une espèce de mélange artistique qui se fait ici, ce qui donne un grand public que peuvent envier tous les artistes.