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Au cœur de ce récit envoûtant se tisse une trame narrative riche en symboles et en émotions. Banel, incarnée avec grâce par Khady Mane, et Adama, interprété par le charismatique Mamadou Diallo, forment un jeune couple dont l'amour transcende les frontières du temps et de l'espace. La caméra explore avec finesse la lisière du réalisme magique, où les désirs et les croyances des protagonistes s'entremêlent aux puissants pouvoirs de la nature. L'univers visuel est captivant, s'appuyant sur une esthétique épurée et des paysages africains sublimes.
Le récit prend vie à travers les yeux d'un «ange scribe», un enfant qui observe le monde avec une innocence poignante, recueillant les actions bonnes et mauvaises des habitants du village. Cette perspective enfantine offre une dimension magique au récit, soulignant la tension entre le cœur et la raison, l'individualisme et le collectif, l'émancipation et les traditions ancrées dans la culture locale.
L'histoire d'amour entre Banel et Adama se déroule dans un cadre pittoresque, où les deux jeunes gens tentent de transcender les contraintes sociales pour construire leur propre destinée. Leur beauté et leur bonheur contrastent avec les éléments naturels qui se déchaînent autour d'eux. La sécheresse s'installe, les vaches meurent, les hommes partent, et le village se trouve à la merci des caprices du climat. Les visages des acteurs, riches en nuances, reflètent l'ampleur des émotions, de la sueur aux larmes, tandis que la nature elle-même devient un personnage puissant, évoqué à travers des mélopées, des chuchotements et des images évocatrices.
La réalisation de Ramata-Toulaye Sy est remarquablement soutenue par la bande sonore envoûtante de Bachar Mar-Khalife, créant une ambiance sonore immersive qui amplifie l'impact émotionnel du film. La photographie signée Amine Berrada est sensorielle, capturant la beauté brute du paysage tout en mettant en lumière les nuances des expressions humaines.
En choisissant l'Afrique comme toile de fond, Ramata-Toulaye Sy respecte les fondamentaux de la culture locale, offrant une représentation authentique et respectueuse. Son sens aigu de la puissance des images et sa capacité à transcender les frontières culturelles témoignent d'un talent prometteur. «Banel et Adama» est plus qu'un simple film ; c'est une expérience sensorielle, une ode à l'amour, à la nature, et à la lutte silencieuse entre les aspirations individuelles et les poids des traditions.
Toujours dans le cadre de la compétition officielle, les festivaliers ont eu l’occasion de découvrir, mercredi, «City of Wind», une exploration poignante et captivante du passage à l'âge adulte dans la ville impitoyable d'Ulaanbaatar, où les enjeux de la croissance prennent une dimension particulière à travers le prisme de la spiritualité et de la réalité brutale.
Premier long-métrage du réalisateur mongol Lkhagvadulam Purev-Ochir, le film nous plonge dans le monde complexe de Ze, interprété de manière convaincante par Tergel Bold-Erdene, un adolescent de 17 ans aux prises avec les défis de l'adolescence et de la foi chamanique.
Le film débute de manière envoûtante dans une tente, où une cérémonie mystique semble définir la vie de Ze. La juxtaposition du mysticisme et de la réalité crée une dynamique fascinante, ancrée dans une dichotomie entre spiritualité et rationalité. Purev-Ochir maîtrise habilement cette dualité, guidant le récit avec une main ferme tout en laissant les personnages dicter la direction du film.
Ze, bien qu'étant un chaman, demeure avant tout un adolescent ordinaire. La façon dont Purev-Ochir dépeint l'éclosion de la romance entre Ze et Maralaa (Nomin-Erdene Ariunbyamba) est remarquable. Loin de sous-estimer ou de surestimer la profondeur de leur amour adolescent, le réalisateur nous plonge dans leur joie simple, exprimée à travers des moments tels que des sorties au centre commercial ou la teinture commune de leurs cheveux.
L'équilibre subtil entre la foi de Ze et ses aspirations en tant qu'adolescent est remis en question lorsque Maralaa entre en scène. Sa participation forcée à la cérémonie chamanique suscite des doutes et de l'incrédulité, créant une tension intrigante. Le film explore également la crise de conscience de Ze, confronté non seulement aux défis liés à sa foi, mais aussi aux questions universelles auxquelles tout jeune adulte est confronté : quel genre de vie souhaite-t-il mener et sur quelles valeurs la fonder ?
«City of Wind» offre une vision franche de la vie à Ulaanbaatar, une ville dépeinte comme impitoyable, où les étudiants ne sont valorisés que pour leur potentiel commercial. Cette réalité impitoyable ajoute une couche supplémentaire à la complexité du voyage de Ze vers l'âge adulte. Le film sert ainsi de miroir, réfléchissant les dilemmes universels de la croissance à travers le prisme culturel et spirituel spécifique à la Mongolie.
La photographie du film est à couper le souffle, capturant la beauté brute des paysages mongols tout en soulignant l'intériorité des personnages. La bande sonore, également, contribue à l'atmosphère envoûtante du film.
«City of Wind» est, en effet, bien plus qu'un simple récit sur le passage à l'âge adulte. Il s'agit d'une exploration nuancée et immersive des complexités de la vie, de la spiritualité et de l'amour à travers les yeux d'un jeune homme confronté à des choix cruciaux.
Marrakech-Mehdi Ouassat