Entre découragement et espérance dans la région marocaine de l’Oriental


Par Elle Houby
Samedi 5 Mars 2016

A la périphérie du désert du Sahara, bordée par la côte rocheuse du Nord du Maghreb où il rencontre le bleu de la Méditerranée, se trouve la région orientale du Maroc. Nichée dans une contrée souvent verdoyante, essentiellement montagneuse, Oujda est la plus grande ville du Nord du Royaume et la capitale administrative de la région, avec une population d’environ 550.000 habitants.
 Oujda a connu la prospérité sous divers dirigeants à travers les siècles grâce à son emplacement stratégique au carrefour d'un complexe réseau de routes caravanières transsahariennes, près de la frontière avec l'Algérie, et à la jonction des réseaux ferroviaires algérien et marocain. Cela a donné à la ville un caractère cosmopolite, progressiste et adaptable.
 Elle reste une métropole animée malgré les difficultés, le Rif étant en effet la région la plus économiquement défavorisée du Maroc et la fermeture de la frontière algéro-marocaine en 1994 ayant eu une incidence particulière. Depuis 2003, il y a eu un encouragement officiel pour redynamiser la région ; avec l'augmentation du tourisme sur la côte Nord du royaume, des gisements miniers prometteurs et des perspectives agricoles vers le Sud, ainsi que l'amélioration de l’infrastructure routière régionale, il existe un potentiel manifeste pour que l'économie d’Oujda prospère. Les forêts constituent l'une des nombreuses ressources économiques et naturelles locales, avec la région du Rif la plus pluvieuse du Maroc. Pourtant, l'écologie est menacée en raison de la déforestation à grande échelle, due au surpâturage, aux feux de forêt et au défrichement pour l'agriculture, en particulier pour la création de plantations illégales, mais très lucratives, de cannabis. Le processus fait partie d'un cercle vicieux de la dégradation des sols et le décapage de la couche arable qui non seulement menace une région unique du Royaume, mais a également des ramifications plus larges.
 De même, les mineurs du Centre de protection de l’enfance d’Oujda (CPEO) représentent un microcosme du potentiel de croissance et d'opportunités mais le contraire aussi, malheureusement, non seulement dans le Rif et au Maroc, mais bien au-delà. La région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord abrite le taux de chômage des jeunes le plus élevé du monde, mais pour les quatre-vingts mineurs, âgés de 12 à 18 ans, qui se trouvent au CPEO, un nouveau partenariat avec la Fondation du Haut Atlas signifie que la croissance et les opportunités pourraient pointer à l'horizon.
 Ces mineurs se retrouvent au CSEO pour une multitude de raisons, mais ont deux choses en commun. « La présence des mineurs dans le centre de protection est ordonnée par le tribunal, car ils ont commis un délit puni par la loi», explique le directeur du CSEO, M. Ali Baidou. « Cependant, ils ont tous le désir d'être réintégrés dans la société et d’accéder au marché du travail pour s’aider eux-mêmes ainsi que leurs familles." Pour veiller à ce que les jeunes du centre n’adoptent pas un comportement nuisible à leur libération, ils ont besoin d’opportunités pour faire de leur séjour au CSEO une expérience plus positive et plus productive.
 Les activités liées à la terre, comme le jardinage, ont longtemps été appréciées pour leurs effets thérapeutiques et intégrés dans les programmes de soins. Des régimes similaires progressifs existent en milieu carcéral, avec des recherches préliminaires indiquant une corrélation claire entre la participation au programme et un faible taux de récidive. Dans la culture de plantes, les activités peuvent inclure la préparation et la consommation de fruits et légumes (ce qui améliore le régime diététique pénitentiaire) ou une forme de justice sociale pour les distribuer aux familles locales démunies, qui ont souvent des antécédents similaires à celles des détenus.
 Le pouvoir de transformation des semences est quelque chose que la Fondation du Haut Atlas (FHA) connaît bien. Fondée en 2000, elle se veut un catalyseur du développement à la base dans les communes vulnérables du Maroc, en animant des projets de développement participatif, dont l'un des plus couramment mentionnés est la culture des arbres fruitiers. Depuis sa création, la FHA a planté plus de 1,3 million d’arbres fruitiers bio indigènes et de plantes médicinales dans 13 provinces marocaines. En 2014, elle a lancé sa campagne pour un milliard d'arbres qui comprend le projet Sami, une initiative éducative du premier cycle. Dans son ensemble, le programme vise à soutenir le Royaume dans sa tentative de mettre fin à l'agriculture de subsistance, qui est à l'origine de la pauvreté rurale, ainsi qu’à compenser de graves défis environnementaux, notamment l'érosion et le déboisement.
 Conformément à la pratique courante de la FHA, les jeunes du CSEO ont été pleinement impliqués dès le départ, en participant à des réunions communautaires sous l'égide d’animateurs formés par la FHA, et en prenant des décisions concernant un projet qui comprenait une formation professionnelle pour acquérir des compétences en matière d'agriculture. Grâce à la création d'une pépinière d'arbres fruitiers produisant un total de 400.000 amandiers, figuiers, oliviers et grenadiers, les jeunes du CSEO apprendront les subtilités de l'arboriculture à travers toute la filière, de  l’ensemencement à la vente. Ils auront ainsi un débouché immédiat et auront un sentiment réel d'accomplissement, ainsi qu'une compétence professionnelle sur le long terme.
 Lorsqu'il a été demandé au président de la FHA, le Dr Yossef Ben Meir, « Pourquoi des arbres? », la réponse reflète une passion unique, issue de la conviction de l'expérience. « Le Maroc a besoin de planter un milliard d'arbres et de plantes et d’habiliter ses jeunes en difficulté. Nous pouvons faire les deux à la fois », explique-t-il au siège de la FHA à Marrakech. « Etablir des pépinières dans les centres de sauvegarde de l’enfance et doter les mineurs des compétences nécessaires pour participer à l'ensemble de la filière agricole, c’est leur meilleure chance pour un avenir couronné de succès et répond aux besoins essentiels des ruraux. »
 Pour les quatre-vingts mineurs du CSEO, un projet de culture d'arbres bio ne peut pas résoudre tous les problèmes, mais c’est un début très prometteur. En outre, si ce projet pilote mis en œuvre avec succès, devait être reproduit à l'échelle nationale, il aurait la capacité d’apporter des avantages vitaux pour l'économie et l'écologie de la région et de stimuler en même temps des changements sans précédent chez les jeunes Marocains, mettant fin à leur accablement tout en leur donnant espoir en un avenir meilleur.

Responsable de l’information à la Fondation du Haut Atlas.


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