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Première chaîne de l'histoire à se voir attribuer seule la diffusion d'un débat présidentiel, CNN a proposé à ses concurrentes de reprendre le programme sur leur antenne, jeudi soir, mais à certaines conditions.
Le logo de CNN devra apparaître à l'écran et toute promotion de l'événement par le concurrent devra mentionner le "débat présidentiel CNN", selon le Los Angeles Times. Sollicitée par l'AFP pour confirmer ces informations, CNN n'a pas commenté.
"C'est une opportunité incroyable" pour la chaîne, estime Jeffrey McCall, professeur de communication à l'université DePauw. CNN a là l'occasion de "s'imposer de nouveau comme une source d'information dans l'esprit de beaucoup d'Américains".
En septembre 2020, le premier débat présidentiel entre Joe Biden et Donald Trump avait rassemblé plus de 73 millions de téléspectateurs, toutes chaînes confondues.
Devancée par sa rivale Fox News dans les audiences sans discontinuer ces 22 dernières années, CNN a même systématiquement cédé la deuxième place à MSNBC depuis 2017.
Si les trois stations peinent depuis le départ de Donald Trump de la Maison Blanche, CNN est, de loin, la plus affaiblie, et ne réunit plus qu'environ 400.000 téléspectateurs par jour en moyenne, soit un tiers de ses performances de 2020.
Selon les grilles de programmes transmises, les quatre grandes chaînes nationales ABC, CBS, NBC et Fox retransmettront le débat, de même que Fox News et MSNBC.
"Tout le monde ne va pas regarder sur CNN, mais ils verront les journalistes de CNN et la production de la chaîne", souligne Mark Lukasiewicz, professeur de journalisme à l'université d'Hofstra. "Et si cela se passe bien, si le public réagit favorablement, ça va jouer pour CNN."
"Il est probable que Trump attaque CNN et ses modérateurs à l'antenne. Ça fonctionne toujours bien avec sa base", prévient néanmoins Mark Feldstein, de l'école de journalisme de l'université du Maryland.
L'ancien chef de l'Etat a publiquement critiqué la chaîne à des dizaines de reprises depuis sa première campagne présidentielle, l'accusant de partialité.
"Avec Trump on ne sait jamais à quel jeu il joue et si ce n'est pas une embuscade tendue à CNN pour parler des médias de gauche qui s'acharnent sur lui", avertit Mark Feldstein.
Pour Mark Lukasiewicz, les concessions obtenues par CNN, mais aussi ABC qui diffusera le second débat, sont "importantes pour pouvoir contrôler un débat".
Contrairement aux éditions précédentes, l'émission sera enregistrée sans public. "Il n'y aura pas de supporteurs en délire, prêts à rire ou à réagir aux attaques de Donald Trump", décrit l'universitaire.
Second changement majeur, le micro d'un candidat sera coupé lorsque ce n'est pas à son tour de s'exprimer. Il sera donc "plus difficile" pour Donald Trump d'"agresser" Joe Biden, de le couper ou de dépasser son temps de parole, considère Mark Lukasiewicz.
Mais pour Jeffrey McCall, Jake Tapper et Dana Bash, les deux modérateurs, vont devoir se livrer à un numéro d'équilibriste.
"Il est important qu'ils ne se mêlent pas au débat", dit-il. "S'ils transforment ça en une double conférence de presse", en interagissant avec les candidats, "ils risquent de se faire accuser d'être biaisés, par les deux camps, mais surtout par les téléspectateurs de droite".
La ligne éditoriale de la chaîne a connu plusieurs soubresauts depuis l'élection de Donald Trump. Sous le règne du patron Jeff Zucker, CNN avait adopté un style pugnace, volontiers critique du président Trump.
Arrivé après la démission brutale de Jeff Zucker, Chris Licht a totalement changé de cap, promouvant une couverture mesurée, sans coups d'éclat, qui a déstabilisé une partie de la rédaction.
Son remplaçant, Mark Thompson, intronisé l'été dernier, a stabilisé le navire, qui continue, néanmoins, de naviguer à vue, dans un univers médiatique ultra-polarisé, qui suit la tendance du paysage politique.
"Si CNN fait du super boulot", anticipe Jeffrey McCall, "elle peut démontrer au pays qu'elle est un média professionnel et équilibré, et peut-être, rallier quelques téléspectateurs."
"Il y a toujours une demande d'objectivité", plaide Mark Lukasiewicz, qui cite les audiences, toujours conséquentes, des journaux télévisés des grandes chaînes nationales. "Mais sur le câble, je ne suis pas sûr que les gens vont migrer après le débat."