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À l'image du pays qu'il raconte, toujours douloureux des blessures de la guerre et des ravages des extrémismes, le film nous promène sur une terre dévastée où tout est à reconstruire. A commencer par les esprits et la mémoire collective. Ecran large, images magnifiques, un peu trop composées peut-être parfois, un peu trop belles sans doute, au risque de faire perdre à l'histoire un peu de son âpreté. "Terre et cendre" n'en est pas moins un beau film. Un film lent, et mystérieux.
Par moments, certes, on aurait préféré une mise en scène moins hiératique, moins visiblement soucieuse d'esthétique. Mais comment oublier la détresse du vieux Dastaguir, qui ne comprend plus rien à ce monde dont les valeurs ont volé en éclats.. ?
«Un pont, une rivière asséchée dans un paysage désolé, la guérite d'un gardien mal luné, une route qui se perd à l'horizon, un marchand qui pense le monde, un vieillard, un petit enfant, et puis l'attente. Rien ne bouge ou presque. Nous sommes en Afghanistan. Le vieil homme va annoncer à son fils qui travaille à la mine, le père du petit, qu'au village tous sont morts sous un bombardement. Il parle, il pense : enfer des souvenirs, des attentes, des remords, des conjectures, des soupçons. C'est une parole nue qui dit la souffrance, la solitude, la peur de n'être pas entendu...», lit-on dans le synopsis du film.
Le film «Terre et cendre» est avant tout un projet très original. «Nous sommes en 1981, c'est un matin, j'emprunte depuis deux semaines une piste poussiéreuse qui mène à une mine de charbon dans le nord de l'Afghanistan. Je suis là afin de réaliser un reportage sur la vie ouvrière des mineurs. Avant de prendre la piste de la mine, je traverse un pont où j'aperçois un vieillard adossé au parapet, le regard perdu. A côté de lui, un petit garçon regarde curieusement les passants et les camions qui traversent le pont. Ces deux regards me clouent sur place. Je vois dans leurs yeux toute la catastrophe d'une guerre. Je veux les prendre en photo, malheureusement ou pas, l'appareil ne fonctionne pas. Ces deux visages restent gravés dans mon esprit. Vingt ans après, j'emprunte de nouveau la piste poussiéreuse de la mine... Dès les premiers instants, on s'aperçoit que l'environnement est dépouillé, réduit à un pont, une route et un chemin... On se rend compte tout de suite d'un côté, de la beauté grandiose du paysage afghan et de l'autre, de la dureté d'une nature et d'un pays marqué par la guerre », se souvient le cinéaste. Certes, un film où le metteur en scène s'autorise des échappées oniriques et poétiques particulièrement réussies : les apparitions des morts et les rêves du vieil homme sont souvent magnifiques. On notera aussi l'audace d'un auteur qui n'hésite pas à montrer une femme nue, ce qui est une petite révolution pour un film afghan. Enfin, les dialogues sont souvent poétiques et la fin du film est vraiment belle car jouant sur une amertume très forte. Toutefois, pour apprécier un tel film, il faut être en pleine possession de ses moyens car le cinéaste a choisi une voie ardue : celle de la contemplation.
«Le premier film de fiction d'Atiq Rahimi est empreint d'une majesté qui rend justice à un pays magnifique, l'Afghanistan, (...) où l'on ne doit pas rigoler tous les jours. La splendeur formelle pourrait surprendre : elle n'est pourtant pas une esthétisation de la guerre, mais le signe des retrouvailles sentimentales, d'une sensualité topographique, d'un homme longtemps tenu éloigné d'un pays aux racines si profondes», note le journaliste et critique de cinéma Antoine de Baecque dans Libération.
Bref, «Terre et cendre» est un très beau film sur le plan esthétique comme sur le plan émotionnel. Cette histoire si simple et si réaliste suffit de façon poignante à nous faire toucher du doigt. Cette grande simplicité alliée aux magnifiques paysages et à la vérité des personnages fait de «Terre et cendre» un film à voir sans tarder.