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"Depuis le 8 décembre (jour de la chute d'Assad) jusqu'à ce jour, je n'ai ressenti aucune joie", confie cette femme de 35 ans à l'AFP. "Je pensais qu'une fois sur place, tout irait mieux. Mais la réalité est que tout ici est (...) très douloureux".
Errant entre services de sécurité, prisons, morgues et hôpitaux, Wafa fait partie des nombreux Syriens qui continuent de chercher des traces de leurs proches disparus pendant la guerre dévastatrice en Syrie qui a fait plus d'un demi-million de morts depuis 2011.
"J'ai lu la fatigue sur le visage des proches des disparus", dit cette responsable de la communication de l'ONG Syria Campaign qui vivait jusqu'à récemment en Allemagne.
En 2021, elle avait été invitée à l'ONU à témoigner sur le sort des dizaines de milliers de disparus, qui constitue l'un des aspects les plus douloureux de la guerre.
Après l'arrivée au pouvoir d'une coalition de groupes islamistes le 8 décembre, des milliers de détenus ont été libérés par les nouvelles autorités.
Lorsqu'elle est retournée dans l'un des centres de détention les plus redoutés de Damas, la Branche 215, où elle a elle-même été détenue pour avoir participé aux manifestations anti-Assad en 2011, elle a trouvé des documents mentionnant son père.
"C'est déjà un début", dit-elle. A présent, Wafa "veut la vérité" et compte poursuivre son travail de recherche depuis la Syrie. "Aujourd'hui, je rêve seulement d'une tombe, d'un lieu où, le matin, je pourrais aller parler à mon père. Les tombes sont devenues nos plus grands rêves", dit-elle.
Youssef Sammaoui, 29 ans, lui aussi revenu d'exil, était présent fin décembre aux côtés de Wafa Mustafa lors d'une manifestation à Damas pour réclamer de connaître le sort de ses proches disparus.
"Quand je suis rentré, c'était la première fois que je réalisais qu'ils n'étaient plus là", déclare ce jeune homme, rentré d'Allemagne après 12 ans d'exil. "J'ai réalisé que mes proches s'étaient habitués à leur absence, mais pas moi". Il dit avoir fui la guerre civile après que son cousin a été arrêté et battu par les forces gouvernementales en 2012.
Son oncle, venu s'enquérir du sort de son fils à l'hôpital, a été arrêté à son tour et exécuté, selon M. Sammaoui.
C'est en regardant les milliers de photos dites de "César", prises entre 2011 et 2013 et documentant tortures et meurtres dans les prisons syriennes qui ont fuité hors du pays, qu'il a reconnu son cousin et appris sa mort.
Selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH), plus de 100.000 personnes sont mortes dans les prisons et centres de détention depuis 2011. "On réclame que justice leur soit rendue, pour soulager notre souffrance", déclare M. Sammaoui.
Si après la chute de Bachar al-Assad, de nombreux Syriens sont rentrés au pays, certains hésitent encore à revenir dans un pays désormais aux mains des islamistes.
Fadwa Mahmoud, 70 ans, est sans nouvelle de son mari Abdelaziz al-Khayer, figure de l'opposition communiste, et de son fils, enlevés en 2012. En 2013, elle a dû fuir en Allemagne de crainte d'être également arrêtée. "Personne ne sait vraiment ce qui va se passer, donc je préfère être prudente", confie cette femme, cofondatrice de l'ONG Families For Freedom, jointe par téléphone.
Pour Mme Mahmoud, le nouveau pouvoir "ne prend pas encore au sérieux le dossier" des disparus.
Si celui-ci s'est engagé à rendre justice aux anciens détenus et disparus, Mme Mahmoud regrette que le nouvel homme fort, Ahmad al-Chareh, n'ait "pas répondu" aux sollicitations des proches de disparus syriens pour le voir, alors "qu'il a rencontré la mère d'Austin Tice" journaliste américain porté disparu depuis 2012. "Pourtant, la révolution n'aurait pas abouti sans les sacrifices de nos (proches) détenus", dit-elle.