Cette initiative, qui sera précédée par une conférence le lundi 1er septembre 2009, intervient dans le cadre des efforts déployés par le groupe d'Amitiés Maroc-Monaco en vue de rapprocher les cultures des pays des deux rives de la Méditerranée et de promouvoir des relations d'échange et d'amitié entre la Principauté et le Maroc.
La renommée des artistes marocains proposés et la qualité créative des oeuvres exposées devront permettre d'ouvrir une fenêtre lumineuse sur les arts plastiques en tant qu’aspect fascinant du patrimoine culturel moderne : «Quelle belle aventure donc que cette rencontre spirituelle sur le sol de la Principauté. Tout est dans le plaisir de l'échange et la pertinence de la créativité. A travers cette exposition, nous partageons nos émotions et nous renforçons le dialogue entre les cultures», confié à Libé Abderrahmane Ouardane, président de l'Association Arkane. En effet, depuis plus d'un demi- siècle, fortement imprégnés d'une tradition millénaire et résolument tournés vers l'avenir, les arts plastiques n'ont cessé d'évoluer et d'imposer une présence notable à l'échelle internationale. D'ailleurs la trentaine d'oeuvres exposées traduisent avec force le lien intime qu’entretient la création plastique marocaine avec le patrimoine traditionnel et le souci inaliénable de parler le langage universel des temps modernes. Grande figure de l’art abstrait, Abdellah El Hariri a l'art d'instrumentaliser lignes, nuances et signes pour en faire un langage sacré qui plonge dans une sphère de spiritualité magique et imprime des émotions indicibles. La démarche plastique de cet artiste relève de la liberté gestuelle, voire lyrique et loin de tout usage ornemental des motifs calligraphiques et architecturaux. Il s’agit d’une scénographie chromatique qui crée une festivité de couleurs et de formes variées et débordantes. L’artiste gère sciemment l'espace de la toile et la soumet à une tension permanente, celle qui anime la vision artistique du peintre et le maintient dans un équilibre problématique. Les œuvres de ce peintre se veulent l’association entre archétypes ancestraux et abstraction contemporaine. Il marie merveilleusement les signes et les symboles immémoriaux des profondeurs de son territoire imaginaire, avec les apports des courants artistiques venus d’ailleurs. Ici, l’artiste crée un nouveau langage visuel, dynamique et tendu vers l’inconnu. Cette transfiguration poétique du patrimoine est, en ce sens, une entreprise éminemment moderne. Ses nouvelles formes qui nous éblouissent par leur lumière et leur fraîcheur ne naissent donc pas du néant. Elles sont le résultat d’un travail sur la mémoire d’artistes transfigurant le réel dans l’univers symbolique du signe. Quant à Abderrahmane Ouardane, artiste chercheur, arpente les méandres de ses origines berbères et traite de manière diabolique les signes, les symboles et les allégories pour en extraire les marques indélébiles d'une culture ancestrale... Matières, collages, formes, signes … autant de repères visuels incarnent des valeurs émotionnelles, et que l’artiste étale entre transparence et opacité. Il s’agit des textures plastiques plurielles qui suggèrent une série de compositions inspirées de notre terroir. Chaque création est un univers labyrinthique où s’entremêlent signes, symboles et rythmes ; un univers original qui décompose l’ordre objectif pour recomposer un monde subjectif conforme à ses états d’âme et à ses introspections. Les matières qu’il utilise sont une alchimie des traces , mêlant peinture à l’huile, au safran, passant par les pigments naturels, alliant poudre, sable, écorce de noyer...tout ingrédient pouvant exprimer au mieux ses attentes.
Ouardane a toujours aimé capter les traces indélébiles de la mémoire vouées à l’effacement, en revisitant les espaces suspendus entre l’oubli et la réminiscence, propices à la réflexion et à la méditation. Marquée à jamais par ses souvenirs d'enfance, Leila Cherkaoui ressuscite l'âme des mémorables quartiers de l'ancienne médina. Elle nous plonge dans la solitude des arcades historiques de ses ancêtres et brave à coups de pinceaux vifs, tous ces moments forts qui ont gravé profondément sa mémoire. Artiste hypersensible et discrète, Leila capte les mystères de la lumière et transcende les apparences du réel pour nous dévoiler l'esthétique des états épurés et le désir de spiritualiser la peinture néo-figurative, tout en traduisant des éléments latents et nostalgiques de notre vécu qui font référence aux rêves.
Pour sa part, Said Raji, peintre à la marque sûre et au geste fougueux, nous propose des créations imposantes qui traitent le phénomène de la mémoire dans son rapport à l'espace. Il livre à chaque fois une guerre acharnée aux ténèbres et tente, sans cesse, d'arracher cette précieuse lumière qui donne sens, force et magie à ses oeuvres. Dans ses récents travaux, on décèle un style fondé sur la spontanéité du geste et la notion de la vitesse, ce qui dynamise davantage la surface de la toile dans une organisation informelle proche des artistes abstraits : « Je pense tout simplement qu’il faut respecter le récepteur en lui offrant un travail de qualité de façon à pouvoir le fidéliser, ce qui donne plus d’assurance et de continuité. », affirme l’artiste. Chaque touche se veut une note polyphonique qui participe à l’élaboration des lignes de force, du mouvement ascendant de « croisée des chemins » ou de ses états d’âme « entre le dedans et le dehors », en entraînant l’œil dans le labyrinthe des gestes qui nous font pénétrer dans les espaces intérieurs. Nouveau tournant stylistique dans son parcours pictural, la peinture de Raji se veut non allusive mais toujours connotative. Elle structure la surface par la vie des touches, dans un esprit qui symbolise «le retour aux sources» et l’esprit d’une nouvelle sensibilité.