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El Gusto, le film, c’est d’abord l’histoire d’une rencontre, comme il en existe seulement dans les contes des Mille et Une Nuits. En 2003, alors en villégiature dans la région d’Alger, se baladant dans la Casbah à la recherche d’un souvenir, Safinez Bousbia rencontre Monsieur Ferkoui. L’artisan et l’ex-étudiante en architecture sympathisent rapidement - le miroitier va jusqu’à évoquer son passé de musicien, le temps délicieux où il était élève au Conservatoire de M’hamed El Meddah, alias El Anka (le grand).Dans les années 50, l’héritier de Cheïkh Nador enseignait effectivement la musique chaâbie au sein d’un orchestre où Mohamed El-Ferkioui jouait de l’accordéon, jusqu’à ce que la guerre d’indépendance disperse irrémédiablement le cercle de musiciens. Fascinée par le récit du vieil homme, la polyglotte Safinez Bousbia se découvre une passion, change radicalement d’orientation professionnelle portée par l’idée fixe de rassembler à nouveau tous les membres d’El Anka.
Depuis, Safinez Bousbia a comblé toutes les espérances. Tout en travaillant à l’écriture de ce premier film, elle a impulsé la reformation de l’Orchestre El Gusto d’Alger qui s’est notamment produit sur diverses grandes scènes européennes dans le giron d’un album distribué par EMI. Aujourd’hui, El Gusto devient logiquement un film qui raconte la genèse de ces retrouvailles après plus de 50 années de silence : un parcours de deux années marqué par des recherches des deux côtés de la Méditerranée jusqu’à ce concert historique qui réunit une quarantaine de musiciens.
El Gusto de Safinez Bousbia constitue une chance de plonger aux racines de cette musique extrêmement populaire, de découvrir l’influence d’El Anka qui sortit le chaâbi jusque-là confiné dans les fumeries, d’appréhender un temps où artistes juifs et musulmans vouaient un culte à la joie de vivre, à la bonne humeur et à l’optimisme.
En France, on connaît le chaâbi, de Mahboub Bati à Dahmane El Harrachi, plus particulièrement grâce au sublime “Ya Rayah” réactualisé par Rachid Taha. D’ailleurs, n’est-ce pas le titre phare d’El Gusto ? A l’instar du Buena Vista Social Club où Wim Wenders arpentait les rues de La Havane, la caméra de Safinez Bousbia capte les souvenirs tout en laissant une grande place à la musique. Dans les yeux, la joie cède parfois à la mélancolie, à la tristesse des déchirures passées. Les couleurs n’en demeurent pas moins vives, les notes délicates. Voici le témoignage d’un esprit fraternel qui se veut immortel. Comme la musique, comme El Anka, il ne peut disparaître ; il renaît constamment de ses cendres.