Droit à la vérité et vérité escamotée : Le black-out sur les affaires Ben Barka, El Manouzi… a la vie dure


Larbi Bouhamida
Vendredi 24 Mars 2017

Le 24 mars, les Nations unies commémorent la Journée internationale pour le droit à la vérité en ce qui concerne les violations flagrantes des droits de l’Homme et pour la dignité des victimes. A l’instar des pays du monde, le Maroc célèbre cette journée qui a pour but d’honorer la mémoire des victimes de violations flagrantes et systématiques des droits humains et de promouvoir l'importance du droit à la vérité et la justice. Une occasion également pour rendre hommage à ceux qui ont consacré leur vie à la lutte pour promouvoir et protéger les droits de l'Homme pour tous et l’ont même perdue.
Une commémoration au goût d’inachevé, puisque le Maroc traîne encore quelques dossiers des années de plomb malgré les avancées qu’il a réalisées en matière de droits de l’Homme. A preuve, les cas Mehdi Ben Barka, Houcine El Manouzi, etc.
En effet, plus d’un demi-siècle s’est écoulé sans que toute la lumière n’ait été jetée sur l’assassinat de cet homme qui fut l’un des leaders incontournables de l’opposition marocaine et l’un des symboles forts du combat pour la libération, la démocratie et la justice sociale.
Militant au long cours, Mehdi Ben Barka a entamé sa vie politique par une lutte acharnée contre le Protectorat où l’enthousiasme le disputait au courage n’ayant comme seules sources nourricières que le peuple et une conscience de classe chevillée au corps.
Son assassinat continue donc de nous interpeller avec d’autant plus de force que les questions essentielles qu’il avait soulevées demeurent encore sans réponse. Comment est-il mort ? Qui sont ses assassins ? Où a-t-il été enterré ? Les responsabilités concernant son assassinat ont-elles été établies? Toutes ces interrogations lancinantes continuent - et continueront- à tarauder notre mémoire collective et nos consciences.
Il est, en effet, indéniable que, même si des truands notoires ont pris part à l’enlèvement de Mehdi Ben Barka le 29 octobre 1965 devant la Brasserie Lipp à Paris, des complicités au niveau des Etats concernés par sa disparition sont tellement patentes qu’un demi-siècle après cette forfaiture, l’obstacle principal à l’établissement de toute la vérité reste la raison d’Etat. Une justification  érigée en principe intangible face aux exigences de justice et de vérité sans lesquelles le deuil de Ben Barka ne pourrait être fait. Ni par sa petite famille, ni par sa famille politique.
Pour ce qui est de Houcine El Manouzi, mécanicien d’avion, militant syndicaliste, et membre du parti des forces populaires, il a été enlevé le 29 octobre 1972 dans la capitale tunisienne par les services de sécurité pour être transféré au Maroc dans le coffre d’une voiture diplomatique.
Il a fallu près de trois décennies de lutte acharnée et risquée menée par sa famille et ses amis pour que l’Etat marocain consente à reconnaître sa détention au secret. Malheureusement cette reconnaissance officielle de fait,s avérés et vérifiés n’est pas allée au-delà en ce jour de commémoration de l’anniversaire de la date de son enlèvement. Son sort est toujours inconnu à ce jour.
Même l’Instance équité et réconciliation (IER) n’a pas été au-delà, dans le cadre de ses compétences non judiciaires en matière d’investigations. Certains témoins cités par la famille du regretté n’ont jamais été auditionnés.
L’un d’eux, qui avait joué un rôle important dans l’organisation de l’enlèvement de Tunis, est décédé au début de l’année 2007. De même que des faits qui engagent l’implication directe de responsables de la DGED et de la Gendarmerie Royale dans sa disparition n’ont pas été restitués dans le rapport final de l’IER dont les recommandations pour la poursuite des investigations sont restées lettre morte, puisqu’ aucune avancée significative n’a été enregistrée dans l’élucidation du sort de Houcine El Manouzi.
Tant son père que sa mère se sont armés de patience jusqu’au dernier jour de leur vie et sans avoir cessé, pour autant, de réclamer une vérité qui s’éloignait au fur à mesure que les témoins et les personnes impliquées décédaient.
S’agit-il, dans ce cas comme dans celui de Ben Barka, d’une volonté délibérée de « tuer » la vérité, de perpétuer la loi du silence et de remettre en cause les fondements de la justice transitionnelle et de la réconciliation nationale qui l’avait sous-tendue ?
En cette Journée internationale pour le droit à la vérité concernant les violations flagrantes des droits de l’Homme, n’est-il pas opportun de réclamer, encore une fois, que celle-ci soit établie pour toutes les victimes des années de plomb et que cette sombre page de l’histoire du Maroc soit tournée à jamais ?


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