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Saïd, 29 ans, coiffeur, fait partie des personnes qui ont pris contact avec l’un de ces intermédiaires grâce à un ami installé depuis quelques mois en Italie. Il a réussi à décrocher une promesse d’embauche, dans l’attente de l’acquisition du contrat final. Aujourd’hui, il croise les doigts et attend avec impatience l’obtention d’un contrat en bonne et due forme avant l’entame des démarches administratives auprès du consulat d’Italie à Casablanca. « L’intermédiaire m’a demandé l’envoi d’une copie de la CIN et du passeport ainsi que 3.000 DH pour couvrir les frais de ce qu’il appelait ‘’prise de rendez-vous’’. Je dois maintenant attendre la validation du contrat par les autorités italiennes compétentes. Cela peut prendre une semaine, un mois ou deux, voire plus. L’intermédiaire m’a promis de me contacter une fois le contrat validé. Il compte m’envoyer une copie sur WhatsApp en contrepartie de 70.000 DH que je dois déposer auprès de l’un des membres de sa famille. Après, j’aurais droit à une copie du contrat pour entamer les procédures relatives à l’obtention du visa», nous a-t-il confié.
Toutefois, Saïd sait que rien n’est sûr et que cette aventure peut aboutir comme elle peut échouer. « Nombreux sont ceux qui ont été victimes d’intermédiaires escrocs ou qui ont vu tout simplement leur contrat invalidé pour une raison ou une autre. Mais, on tente le tout pour le tout », dit-il en souriant.
En effet, la vente de contrats de travail est un commerce connu et ancien, notamment dans certaines régions du Maroc. Il s’agit d’un marché lucratif même s’il est difficile de chiffrer les recettes générées par ce trafic, qui demeure dominé par des intermédiaires et des réseaux qui peuvent facilement se transformer en escrocs.
Que savons-nous sur ces contrats ? Qu’en est-il de leur nature juridique, de leur prix et de leur circuit de circulation? Quid de la réalité de la demande européenne concernant les travailleurs étrangers? Quel rôle jouent les intermédiaires et leurs réseaux? Qu’en est-il du rôle des autorités compétentes et de la responsabilité des pays d’accueil? Décryptage.
Forte demande de main-d’œuvre étrangère
Aujourd’hui, l’Europe cherche désespérément des travailleurs étrangers. Le vieillissement de la population et les niveaux insuffisants de migration y sont pour beaucoup. La pandémie de Covid-19 a également chamboulé les conditions de travail et remis en cause plusieurs postulats. Selon la dernière édition de l’enquête réalisée par Pôle emploi français sur les « besoins en main d’œuvre» (BMO 2023) des entreprises, plus de trois millions de projets de recrutement sont prévus cette année. 72% d’entre eux concernent des emplois durables dans l’hôtellerie-restauration, l’agriculture, la santé ou encore les services à la personne. Plus précisément, 300.000 postes sont à pourvoir dans la restauration, 50.000 dans les transports, ou encore 80.000 dans les bâtiments.
En Allemagne, pas moins de 87% des entreprises familiales allemandes interrogées par l’Institut Ifo de Munich ont déclaré ressentir les effets de la pénurie de main-d’œuvre. Idem pour l’Autriche où plus de 250.000 postes sont vacants et la Finlande où tous les secteurs souffrent d’un recrutement à la peine et d’une pénurie de main-d’œuvre. Notamment dans les secteurs de la santé et des services sociaux, ainsi que dans les secteurs de l’alimentation et de l’hébergement. La tendance est la même du côté de l’Espagne où les entreprises peinent à trouver des travailleurs, notamment dans les secteurs de la gastronomie, du tourisme et de la construction.
Pour faire face à cette situation, tous les moyens sont bons pour attirer la main-d’œuvre étrangère dans l’espace Schengen, allant même jusqu’à sa naturalisation. Tel est le cas de l’Allemagne qui compte réduire les obstacles bureaucratiques à l’immigration, raccourcir les délais de naturalisation et faciliter la plurinationalité. C’est le cas également de l’Espagne qui envisage, elle aussi, de réformer la réglementation en matière d'immigration et d’assouplir les exigences actuellement requises pour obtenir des documents de séjour et de travail. L’objectif est de pouvoir répondre aux besoins de main-d'œuvre de certains secteurs économiques pour lesquels les recrutements s'effectuent désormais sur un marché du travail mondial. La voie contractuelle fait partie des pistes empruntées pour embaucher cette main-d’œuvre étrangère.
Réseaux, prix et nature des contrats
Au Maroc, la vente des contrats de travail en provenance des pays de l’UE est un phénomène qui ne date pas d’hier. Nombreux sont les Marocains qui ont immigré grâce à cette voie. Aujourd’hui encore, il y a de plus en plus de demandes concernant ces contrats de la part de personnes qualifiées comme celles non-qualifiées.
Aziz Kattouf, militant des droits de l’Homme installé à Milan, soutient qu’«il y a une répartition des marchés de contrats au Maroc entre ceux en provenance de l’Italie dominé par une clientèle issue de l’axe Béni Mellal, El Kelaâ des Sraghna, Souk Sebt et Khouribga et ceux en provenance de la France fortement demandés par une clientèle issue de Souss, Berkane et Oujda. Les personnes issues de la région orientale et Nador ciblent ceux d’origine roumaine. La Roumanie est utilisée souvent comme un point de passage avant de rejoindre l’espace Schengen», nous a-t-il précisé. Et de poursuivre : «Il y a un autre marché de contrats qui concerne certains métiers qui exigent une très bonne qualité de formation comme l’Allemagne et le Canada. Ce marché est peu connu et peu d’informations filtrent concernant les prix des contrats et les intermédiaires ».
Au sujet de la nature de ces contrats, notre interlocuteur distingue entre les contrats saisonniers qui prennent fin après un certain temps et ceux renouvelables qui permettent un séjour légal sur le territoire du pays concerné. Mais il précise, cependant, que cette dernière catégorie ne garantit pas la sécurité de l’emploi et suscite certains problèmes pour les embauchés comme le fait que des patrons refusent de renouveler ces contrats ou exigent une somme d’argent conséquente pour le faire. « Certains employeurs osent même disparaître des radars en laissant pour compte les employés recrutés », ajoute-t-il. Concernant les intermédiaires, notre interlocuteur soutient que ce sont d’anciens travailleurs en agriculture ou en bâtiment ou autres qui ont de bonnes relations avec le patronat. « Ils procèdent souvent soit en complicité avec les employeurs ou via des sociétés écrans. Certains sont de simples escrocs qui prétendent avoir des contrats et tiennent à percevoir des avances auprès d’un grand nombre de candidats à la migration avant de disparaître. Ce fut le cas d’un trafiquant à Benslimane qui a pu engranger trois millions de DH et qui s’est volatilisé, précise-t-il. Certains intermédiaires se sont spécialisés dans des services annexes, comme c’est le cas en Espagne où ils vendent des contrats aux migrants appelés à renouveler leur titre de séjour après trois années d’installation dans ce pays. Ces contrats obligatoires pour le renouvellement du titre de séjour sont vendus entre 50.000 et 70.000 DH. Sans parler des intermédiaires spécialisés dans les rendez-vous relatifs aux visas ou dans la facilitation de l’obtention des visas ou encore dans la fourniture des pièces obligatoires pour avoir un visa (compte bancaire, attestation de travail,...). Il y a même ceux qui peuvent procurer de faux visas ».
Les intermédiaires escrocs œuvrent également via certaines agences ou sociétés fictives ou par le biais des écoles de langues. Certains d’entre eux opèrent via les réseaux sociaux en lançant des portails électroniques et en les reliant à des pages sur les réseaux sociaux. Ils publient également un lien électronique vers un site européen de l'immigration pour assurer "plus de crédibilité".
Sur ces pages sont déposées des annonces sur les «opportunités d'émigrer en Europe» via des contrats de travail, en échange de sommes d'argent destinées à couvrir les frais liés aux procédures administratives (frais d'inscription, frais de déplacement, ...). Les responsables de ces portails ou pages Facebook demandent souvent aux intéressés l’envoi d’une copie de la carte nationale d'identité, et une copie du reçu de transfert de l'argent sur un compte de l'entreprise et promettent d'envoyer le contrat par poste. Plusieurs victimes de ces opérations d’escroquerie ont cru qu'il s'agissait de plateformes officielles, avant de réaliser que l'affaire est liée à des escrocs professionnels.
Certains intermédiaires rassurent les candidats qu’ils seront accueillis par un agent affilié à leur entreprise une fois arrivés au pays de destination. Ils s'engagent même à leur fournir repas et logement. Et pour gagner leur confiance, les escrocs communiquent via l'application "WhatsApp", et conseillent aux cibles de suivre les étapes prescrites, notamment le paiement du montant relatif à l’achat du contrat.
Saïd a une idée de ces conditions d’accueil et de travail. En effet, l’intermédiaire l’avait déjà averti qu’il serait logé seulement une semaine chez lui une fois qu’il débarque en Italie et qu’il devrait trouver un travail par ses propres moyens. Son ami installé en Italie depuis une année, évoque de mauvaises conditions de logement et de travail. « Il vit dans une maison vétuste à la campagne avec plusieurs autres migrants de différentes nationalités et il s’est trouvé obligé de travailler dans l’agriculture alors qu’il ne s’agit pas de son domaine de spécialisation », nous a-t-il confié.
S’agissant des prix des contrats de travail, Aziz Kattouf nous a indiqué qu’au cours des dernières années, ils ont atteint des seuils inabordables. Tel est le cas des contrats en provenance de la France dont les prix s’élèvent à 140.000 DH contre 100.000 DH auparavant. En Italie, les prix sont passés de 60.000 ou 70.000 DH à 100.000 DH. « A noter qu’actuellement, ce marché n’est plus dominé par les seuls intermédiaires étrangers, les employeurs français ou italiens y ont fait leur entrée. Il y a même l’émergence de nouveaux marchés comme le Portugal, le Canada et la Roumanie même si cette dernière n’appartient pas à l’espace Schengen», nous a-t-il révélé.
Relation de travail ou trafic illicite de migrants ?
Pour Hassan Laajaj, consultant en droit social et relations professionnelles et ancien directeur de travail, les contrats en provenance de l’étranger et en circulation au Maroc sont des promesses de pré-embauche et non des contrats en bonne et due forme. Il s’agit, en effet, d’un document destiné à faciliter les procédures d’obtention de visas pour les candidats à l’émigration. « Ces documents sont encadrés par les lois du pays de destination puisque le contrat ainsi que l’employeur sont des étrangers », nous a-t-il précisé.
De son côté, Said Machak, enseignantchercheur à l'Université Sidi Mohamed Ben Abdellah de Fès, nous a expliqué que ces contrats s’inscrivent dans le cadre des accords bilatéraux en matière de circulation, de séjour et d’emploi, entre le Maroc et plusieurs pays dont la France, l’Espagne et l’Italie. « Ces accords sont considérés comme le cadre juridique et le document de référence concernant les travailleurs migrants. Tel est le cas de l’accord conclu avec la France permettant de faire venir les travailleurs saisonniers selon une procédure simplifiée», indique-t-il. A rappeler que la France accueille chaque année environ 16.000 travailleurs saisonniers étrangers, selon un récent rapport du Sénat intitulé : «Immigration clandestine : une réalité inacceptable, une réponse ferme, juste et humaine», qui proviennent en quasi-totalité de trois pays : la Pologne, le Maroc (environ 7.000 saisonniers chacun) et la Tunisie (900 personnes). Les Marocains constituent 75% des saisonniers étrangers en France, presqu’exclusivement des hommes employés au Smic par des exploitants agricoles, en particulier dans les régions de Provence-Alpes-Côte d’Azur, Nouvelle-Aquitaine, Auvergne-Rhône-Alpes et Occitanie.
Malgré cela, notre interlocuteur souligne que les contrats de travail en circulation échappent souvent à ce cadre réglementaire et font l’objet de transactions de la part des intermédiaires ou des employeurs. « Au niveau du Maroc, peu nombreux sont les contrats qui passent par les canaux officiels, notamment l’ANAPEC. En effet, ces contrats sont dominés par des intermédiaires qui manœuvrent dans le cadre de réseaux ou en complicité avec des employeurs étrangers », observe-t-il. Une action jugée illégale, selon lui, puisqu’elle ne se différencie pas trop du trafic illicite des migrants. «Le fait de vendre des contrats à plusieurs personnes contre des sommes allant jusqu’à 100.000 DH ou plus par personne signifie qu’on n’est plus dans des relations de travail entre un employeur et un employé, mais, plutôt, dans une relation de trafic dont l’objet est de faciliter l’immigration de certaines personnes. Bref, ces contrats sont devenus des instruments du trafic illicite puisqu’ils correspondent bien à la définition onusienne du trafic des migrants qui décrit ce dernier comme toute activité destinée à « aider une personne à passer illégalement une frontière ou à séjourner illégalement dans un pays afin d'en retirer un avantage financier ou matériel » », a-t-il développé.
Selon Saïd Machak, la responsabilité de cet état de fait est du ressort des pays d’accueil qui n’assument pas leur rôle de contrôle en procédant à des vérifications des contrats en question, en cherchant à savoir s’il s’agit de vrais ou de faux documents et si véritablement il y a eu un déplacement de l’intéressé vers le pays concerné. « Il n’y a pas non plus de contrôle des conditions de travail des recrutés (affiliation aux services sociaux, respect des horaires de travail, hygiène,...). Une mission qui s’avère parfois impossible puisque ces marchés de contrats se développent dans des zones d’ombre à l’abri des radars des pouvoirs publics ».
Carte bleue européenne :Attirer les travailleurs hautement qualifiés
La carte bleue européenne est un permis de travail et de séjour qui permet aux citoyens non européens de travailler et de vivre dans un pays de l'UE, à condition qu'ils aient un diplôme ou une qualification équivalente, et une offre d'emploi qui respecte un seuil de salaire minimum.
Des règles révisées entrent en vigueur d'ici la fin de l'année 2023, fixant la durée de l'offre d'emploi à un minimum de six mois et ramenant le seuil salarial à au moins 100% du salaire annuel brut moyen dans le pays d'emploi.
La durée de validité de la carte bleue va jusqu'à quatre ans et elle peut être renouvelée. Les titulaires de la carte peuvent amener les membres de leur famille pour vivre avec eux dans l'UE. Elle est reconnue dans tous les pays de l'UE, à l'exception du Danemark et de l'Irlande.
Le permis unique : un permis de travail temporaire et spécifique à un pays
Pour ceux qui ne sont pas éligibles à la carte bleue européenne, le permis unique est une option. Il s'agit d'un permis de travail et de séjour combiné, délivré pour une durée maximale de deux ans par le pays de l'UE où le citoyen non membre de l'UE travaillera et vivra.
La directive sur le permis unique de 2011 est actuellement en cours de révision. Pour rendre l'UE plus attrayante, il est proposé de réduire le processus de candidature de quatre mois à 90 jours. Pour les candidats déjà titulaires d'un permis ou sélectionnés dansle cadre d'un partenariat de talents de l'UE, le processus pourrait être réduit à 45 jours.
Le permis ne sera plus lié à un employeur spécifique, permettant aux travailleurs de changer d'emploi, facilitant l'appariement de la main-d'œuvre et réduisant la vulnérabilité du travailleur à l'exploitation. Les travailleurs seraient également autorisés à conserver le permis unique tout en étant au chômage jusqu'à neuf mois.
Après l'approbation de la position de négociation du PE en avril, les discussions sur la forme finale de la loi peuvent commencer avec le Conseil.
A qui s'adresse le permis unique ? Le permis unique révisé s'applique à presque tous les travailleurs non ressortissants de l'UE et leurs familles, les étudiants ayant un emploi, les travailleurs saisonniers et les réfugiés. Cependant, les personnes en attente de traitement d'une demande d'asile ne peuvent pas demander le permis unique. Il ne couvre pas les travailleurs indépendants.
Statut de résident de longue durée de l'UE
Le statut de résident de longue durée de l'UE permet aux citoyens non européens de séjourner et de travailler dans l'UE pour une durée indéterminée. Il a été introduit en 2003 en tant que moyen de promouvoir la migration légale et l'intégration des citoyens non européens. Une fois accordé, la personne peut se déplacer et travailler librement au sein de l'UE.
Ces règles sont également en cours de révision. Le Parlement veut réduire l'exigence de résidence nécessaire pour se qualifier de cinq à trois ans, comme le propose la Commission, et inclure les réfugiés et d'autres groupes confrontés à des obstacles. Les nouvelles règles garantiraient l'égalité de traitement avec les citoyens de l'UE dans des domaines tels que l'emploi, l'éducation et les prestations sociales.
Les enfants dont les parents ont le statut de résident de longue durée acquerraient automatiquement le même statut, quel que soit leur lieu de naissance. Qui n'est pas éligible au statut de résident de longue durée de l'UE ?
Le statut de résident de longue durée de l'UE n'est pas accordé aux citoyens non européens qui :
• étudient ou suivent une formation professionnelle
• ont une demande en cours de protection temporaire ou internationale
• résident dans l'UE uniquement à titre temporaire en tant que jeune au pair, en tant que travailleur détaché par un prestataire de services aux fins d'une prestation de services transfrontalière ou en tant que prestataire de services transfrontalier.
Reconnaître les qualifications des migrants dans l’UE
Les députés européens demandent également des règles européennes reconnaissant les qualifications des travailleurs migrants. Ils veulent que les qualifications professionnelles ainsi que les aptitudes et compétences acquises par un citoyen non-UE dans un autre pays de l'UE soient reconnues de la même manière que celles des citoyens de l'UE. Il appartient à chaque pays de l'UE de décider de la reconnaissance des qualifications acquises en dehors du territoire de l'UE.
En 2019, environ 48% des migrants hautement qualifiés occupaient des emplois peu ou moyennement qualifiés, contre seulement 20% des citoyens de l'UE. L'emploi le plus courant est celui de nettoyeur ou d'aide domestique, tandis que 62% des entreprises de programmation informatique et 43% des entreprises de construction signalent des pénuries de main-d'œuvre.
Les pays de l'UE peuvent exiger un certain niveau de langue avant d'accorder un séjour de longue durée, mais dans ces cas, ils doivent proposer des cours gratuits.
Source : www.europarl.europa.eu/
Il ajoute qu’«au niveau national, les travailleurs migrants sont à l’intersection du droit des migrations, du droit du travail, du droit relatif aux droits de l’Homme et du droit pénal. Chacune de ces disciplines, avec ses principes et ses objectifs (protection du travailleur, sanction, compensation), ses concepts et techniques (comme la charge de la preuve), réglemente une part du phénomène migratoire et n’interagit pas toujours harmonieusement ». Et malgré la multitude de documents politiques, il existe peu d’instruments juridiques contraignants régissant les droits des travailleurs migrants. En dépit de la nature largement débattue du phénomène, la migration est en général perçue comme hors du champ d’application du droit du travail.
A ce propos, il explique que si le terme «travailleur migrant» peut englober différentes catégories de travailleurs, il revêt néanmoins un certain flou lorsqu’il s’agit de tracer ses frontières. L’article 11 de la Convention n° 97 de l’OIT sur les travailleurs migrants de 1949 (révisée) définit le terme «travailleur migrant» comme «une personne qui émigre d’un pays vers un autre pays en vue d’occuper un emploi autrement que pour son propre compte ; ce qui inclut toute personne admise régulièrement en qualité de travailleur migrant ». La même définition est donnée par l’article 11 de la Convention n°143 sur les travailleurs migrants de 1975. La Commission d’experts déclare que la Convention n°97 s’applique aux migrants internationaux en vue d’occuper un emploi, aux réfugiés et aux personnes déplacées, ainsi qu’aux membres de la famille des travailleurs migrants.
L’article 2 paragraphe 1 de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille prévoit que «l’expression «travailleurs migrants» désigne les personnes qui vont exercer, exercent ou ont exercé une activité rémunérée dans un Etat dont elles ne sont pas ressortissantes». Quelle que soit la motivation principale pour immigrer, la Convention considère l’engagement dans une activité rémunérée comme un élément de base pour définir le travailleur migrant.
ANAPEC et placements à l’international
Et qu’en est-il du rôle de l’ANAPEC dans la réglementation du marché des contrats de travail à l’étranger ? En effet, cette institution dispose d’une Division de placement à l’international (DPI) qui s’adresse aux Marocains en partance à l’étranger dans le cadre des contrats de travail. La fonction de placement à l’international concerne, d’une part, le «traitement des offres d’emploi» reçues de l’étranger et prospectées, et, d’autre part, la connaissance des profils des candidats à l’émigration. La DPI a pour rôle la coordination, le développement des activités de placement à l’étranger, la gestion de la migration, la définition du programme annuel de placement international et les relations avec les partenaires institutionnels, en coordination avec la DMCC (Direction du marketing de la communication et de la coopération de l’ANAPEC), et les employeurs étrangers.
Selon un rapport sur les capacités de l’ANAPEC à gérer les placements à l’international datant de 2014, 32.913 placements ont été effectués entre 2001 et 2009 au niveau de l’Europe, l’Afrique et l’Asie et ont permis la conclusion de 31.025 CDD, soit 94,26% et 1.888 CDI (5,74%). En 2016, 2.618 employés marocains ont été placés à l’international dont 87,43% en tant que travailleurs saisonniers contre 329 en emplois qualifiés. En 2017, l’ANAPEC a atteint près de 4.500 contrats à l’étranger dont 4.000 ayant trait à l’emploi saisonnier.
Menace imminente
Pour Abdelkrim Belguendouz, universitaire et spécialiste des questions migratoires, la responsabilité de l’ANAPEC est engagée dans ce dossier même si les responsables de cette agence préfèrent faire la différence entre les cas individuels qui croient être du ressort du ministère de l’Emploi et les cas collectifs qui relèvent des prérogatives de l’ANAPEC.
Pourtant, il considère que s’il y a trafic illicite des contrats de travail, les raisons sont à chercher soit dans l’absence de voies légales pour les candidats à l’immigration, soit dans l’absence d’accords de séjour et d’emploi avec certains pays, soit dans le manque de contrôle de la part des autorités compétentes. En effet, il estime que toute sortie de la main-d’œuvre doit passer par les canaux légaux. Toutefois, il a tenu à souligner que même les contrats qui passent par le ministère de l’Emploi ne bénéficient pas des suites nécessaires pour contrôler leur mise en œuvre une fois à l’étranger comme ce fut le cas auparavant via les services consulaires.
S’agissant des accords bilatéraux relatifs à la main-d’œuvre, il soutient qu’une grande partie d’entre eux dont certains signés depuis fort longtemps, ne sont plus opérationnels. D’autant que certains pays du Nord tentent de redonner vie à ces accords et ne jugent pas utile de signer de nouveaux, notamment en ce qui concerne la migration des compétences. « Le risque est plus grand dans l’avenir, estime notre interlocuteur, notamment avec la promulgation prochaine du Pacte européen sur la migration et l’asile. En effet, cette réforme en cours de discussions dans les instances européennes va permettre d’institutionaliser et d’accentuer l’exode des compétences d’autant que l’UE cherche des recrutements directs sans aucun passage par quelconque structure ou institution dans les pays d’accueil. Pis, l’objectif de l’UE n’est pas seulement d’attirer les talents de pays tiers comme le Maroc, mais également de les retenir et de les garder », analyse Abdelkrim Belguendouz.
Une réalité des plus compliquées, selon lui, au vu de l’absence d’une politique de gestion de la main-d’œuvre claire ainsi que de moyens humains et financiers, sans parler des défiances au niveau de l’information et de la communication ainsi qu’au niveau de l’institutionnalisation et de l’organisation opérationnelle. A noter également l’absence de suivi et de continuité, d la multiplicité des intervenants et des rivalités institutionnelles et la gestion court-termiste, sans mise en perspective et sans cohérence, préférant le « picorage » et les effets d’annonce. « En fait, pour certains de nos responsables, l’essentiel est de réduire le chômage et d’assurer des recettes en devises», a conclu Abdelkrim Belguendouz.
Hassan Bentaleb
L’immigration comme solution à la pénurie de main-d’ œuvre
Rédigé avec l’Organisation internationale pour les migrations (rattaché à l’ONU depuis 2016), le rapport en reprend la définition d’immigrant : une personne qui vit dans un autre pays que celui de sa naissance. Le rapport en dénombre 280 millions aujourd’hui.
Cela tombe bien, car il y aurait environ 30 millions d’emplois libres dans les 30 premières économies mondiales. Les dirigeants d’entreprises sondés par le BCG ne s’y trompent pas: ils sont 72% à estimer que l’immigration est bénéfique au développement de leur pays, contre 41% pour le grand public.
Immigration peu qualifiée
La France est le 7e pays d’accueil avec un peu plus de 9 millions d’immigrants. Et si l’immigration permet de combler une partie du besoin d’emplois, ceux-ci demeurent souvent peu qualifiés. En effet, selon l’Institut national des statistiques (Insee), 42% des immigrés d’âges actifs sont peu ou pas diplômés, c’est-à-dire qu’ils ont atteint, au plus, un niveau équivalent au brevet des collèges.
Dans un rapport publié en 2021, deux économistes, Emmanuelle Auriol et Hillel Rapoport, expliquaient ainsi que pour la période 2000-2010, la contribution des immigrés à l’accroissement du stock de travailleurs hautement qualifiés n’a été que de 3,5% en France alors qu’elle était de plus de 10 % au Royaume-Uni, en Australie ou au Canada.
Source : https://www.ouest-france.fr/