"Je suis optimiste pour la simple raison que les parties ne veulent pas poursuivre un conflit qui leur coûte cher" humainement, financièrement et en terme d'image, estime Mustafa Alani, spécialiste des questions de sécurité au Gulf Research Center basé à Genève.
Selon lui, les belligérants subissent "une énorme pression pour trouver une stratégie de sortie" car "ils sont conscients de leur incapacité à atteindre une victoire parfaite" par les armes.
Les rebelles contrôlent la capitale Sanaa et des régions du Nord --leur berceau historique--, de l'Ouest et du Centre. Les forces pro-Hadi ont reconquis des zones du Sud, mais peinent à progresser en dépit d'une campagne aérienne intensive de la coalition arabe, qui a fait de nombreuses victimes collatérales.
Le 8 octobre, un raid aérien de cette coalition menée par Ryad a fait, selon l'ONU, 140 morts et 525 blessés lors d'une cérémonie funéraire à Sanaa, un carnage qui a marqué une nouvelle escalade impliquant les Américains, alliés des Saoudiens.
Les 9 et 12 octobre, les rebelles yéménites ont été accusés d'avoir tiré des missiles sur des navires de guerre américains en mer Rouge, ce qui a entraîné pour la première fois une intervention contre eux des Etats-Unis qui ont fait usage de missiles de croisière sur des sites de radars.
Selon François Heisbourg, conseiller à la Fondation pour la recherche stratégique à Paris, les rebelles ont juste voulu montrer à Washington qu'il y avait "un prix à payer" pour son soutien à l'Arabie saoudite, mais les Etats-Unis, qui sont dans une période de transition, ne devraient pas aller au-delà de frappes ponctuelles.
Dans la nuit du 15 au 16 octobre, des responsables américains de la Défense se sont d'ailleurs montrés prudents quant à la nature d'éventuels nouveaux tirs de missile.
Quelques heures plus tôt, un coup de théâtre avait marqué une première désescalade: la coalition pro-saoudienne qui, dans un premier temps, avait nié toute responsabilité dans le carnage du 8 octobre à Sanaa a admis --fait rarissime-- une énorme bavure commise "sur la base d'informations erronées". Elle a annoncé des "compensations" pour les familles des victimes "civiles".
Un peu plus tard, on apprenait que plus de 100 personnes blessées lors des frappes à Sanaa étaient évacuées, avec deux otages américains, vers le sultanat d'Oman qui joue souvent un rôle d'intermédiaire entre les Houthis et l'Iran chiite d'une part, et ses voisines du Golfe, les monarchies arabo-sunnites, de l'autre.
Vendredi, le Royaume-Uni a annoncé qu'il présenterait un projet de résolution au Conseil de sécurité de l'ONU "appelant à l'arrêt immédiat des hostilités et à une reprise du processus politique", parallèlement à l'accès à l'aide humanitaire.
A la veille du carnage à Sanaa, le médiateur de l'ONU Ismaïl Ould Cheikh Ahmed avait évoqué la possibilité d'une trêve de 72 heures renouvelable.
"Il y a une pression énorme à l'intérieur et à l'extérieur du Conseil de sécurité" pour que les belligérants reprennent les négociations, souligne M. Alani.
Mais, jusqu'ici, la principale pierre d'achoppement a été la résolution 2216 (avril 2015), qui exige le retrait des rebelles des territoires conquis depuis l'été 2014 et la restitution des armes.
"Les Houthis ne sont pas prêts à appliquer la 2216 car ils s'estiment traités injustement", relève M. Alani.
Parallèlement, cette résolution ne dispose pas de mécanismes d'application contraignants, dont une date butoir.
Selon lui, "c'est la raison pour laquelle il y a cette impasse et le maintien (par la coalition) d'une pression militaire et économique pour que (les rebelles) acceptent une bonne partie de la résolution, pas nécessairement tout".