Des femmes de défis à la Fondation des trois cultures : Des Marocaines à la conquête de leurs droits


Narjis Rerhaye
Vendredi 2 Juillet 2010

Des femmes de défis à la Fondation des trois cultures : Des Marocaines à la conquête de leurs droits
Des femmes, des femmes et encore des femmes. Des femmes de défi, ainsi nous les avons voulues. Ainsi sont-elles. Des Marocaines qui se battent, se fraient un chemin dans des chemins inexplorés, sinueux, inattendus.
Non, leur vie n'est pas un long fleuve tranquille. Oui, leur vie est un roman. Le roman de femmes qui ont pris leur destin en main, le roman de Marocaines à la conquête de leurs droits, en quête d'un Maroc meilleur, un Maroc où l'égalité, la dignité, la justice, la citoyenneté sont de vraies valeurs et non plus des slogans échappés de discours qui fleure la langue de bois.
A Séville, ces Marocaines ont accepté avec une immense générosité de lever un pan du voile.  Lever cet indicible voile pour raconter leur parcours, témoigner de leurs combats, livrer leur vécu, le vécu de femmes du Maroc et fières de l'être.
A Séville donc et deux jours durant, ces femmes belles, rebelles, conquérantes, plurielles, riches de leurs différences et tellement fortes dans leurs combats et batailles, ont été écoutées. Leurs batailles n'ont jamais été faciles et elles ne le seront jamais.
Les yeux secs, la cinéaste Narjiss Nejjar se souviendra longtemps des réactions à la Tartuffe après qu'elle ait filmé les femmes de ce village du Maroc profond qui n'avaient pas d'autre horizon que celui de la prostitution.
Des femmes pionnières, premières est encore plus juste, qui ont osé briser le silence ou investi des citadelles, hauts lieux masculins, souvent dans la plus grande des solitudes.
Solitaire la sculpteure Ikram Kabbaj l'a été et l'est encore. Le mot sculpteur a-t-il vraiment un féminin ? Ikram Kabbaj sculpte des formes, ose les formats géants du haut de son 1m60 peut-être un peu moins.


Des femmes solitaires s'emparent de citadelles


Autre solitaire dans le monde de l'économie et la haute finance, Dounia Taarji a été l'une des chevilles ouvrières de la Bourse de Casablanca en participant à la conception  des textes légaux et réglementaires et à la mise en place du nouveau système de conception de cotation électronique. Une femme gendarme de la Bourse, une réalité marocaine. Puisque Dounia Taarji a présidé aux destinées du conseil déontologique des valeurs mobilières.
Briser le mur du silence, c'est ce que fait malheureusement trop souvent Najat Anwar dans sa lutte contre la pédophilie en terre marocaine. C'est ce que font aussi Najat Mjid la passionaria des enfants de la rue et dont le parcours a été évoqué par Amina L'Malih et Aicha Ech Chenna, mère courage qui a tendu la main aux filles mères, ces mamans célibataires dont on détourne le regard par lâcheté.
Des femmes, des femmes et encore des femmes à l'assaut des droits de leurs mères, sœurs, filles. Femme de loi et d'honneur, Zhor Al Hoor, la présidente de chambre à la cour suprême et grande conseillère pour les affaires familiales, a dit la justice en rendant justice aux femmes bien avant la révolution de velours qu'est le code de la famille, réhabilitant ces femmes sans statut qu'étaient celles répudiées, jetées à la rue, sans droit, sans justice.
Des femmes de défis, des femmes aux premières lignes du combat pour la dignité humaine. La lutte contre la violence faite aux femmes est une question de dignité humaine. On l'oublie trop souvent et à Amnesty international-Maroc, l'activiste Touria Bouabid n'en finit pas de le rappeler au quotidien dans son programme d'éducation et de sensibilisation aux droits humains.
Des femmes aussi qui ont choisi de donner à lire ce Maroc tel qu'il est et tel qu'on rêverait qu'il soit. Editrice, Leila Chaouni s'est fait naturellement une spécialité en publiant des livres qui ont un sens, des livres pas forcément commerciaux. Ouvrages d'anciens détenus politiques, ouvrages militants, livres féministes et engagés, c'est le combat de Leila Chaouni depuis une vingtaine d'années déjà. C'est par le livre aussi que la psychiatre Ghita Khyat s'est imposée aux consciences féminines dont elle a sondées l'âme, racontant à sa manière ce Somptueux Maroc des femmes.


Des silences qui se brisent et des féminins qui s'imposent


Les Marocaines investissent des citadelles nouvelles. Des chemins inexplorés deviennent possibles. On ose des féminins. Prédicatrice par exemple. Des femmes de religion à l'image de Karima Zouhair qui, tous les jours, diffuse, explique, propage un islam de tolérance, sur le terrain là où sont les oubliés et les sans-voix.
Le Maroc change. Ses femmes aussi. Peut-être que le Maroc change parce que porté par toutes ces femmes que l'on a longtemps caché dans la pénombre. Elles sont aujourd'hui dans la lumière et la lumière leur va si bien.
L'ivresse des lumières du pouvoir ne semble pas les avoir gagnées. Et c'est tant mieux. Des " executive women ", disent les anglo-saxons. Des femmes qui assurent, affiche la publicité.
Femme de pouvoir, les Marocaines le seront-elles un jour en politique ? Si la politique porte chaque jour davantage leurs empreintes, elles sont encore trop rares pour imprimer leur marque.  Le plafond de verre est encore trop souvent plancher de verre. La discrimination positive est une manière de contribuer à féminiser notre parlement et nos communes. Mbarka Bouida est le résultat de cette politique de discrimination positive que le Maroc a fait sienne à travers l'adoption de la liste nationale, cette liste électorale exclusivement féminine. Mais Mbarka Bouida n'est pas que cela. Cette députée a refusé de se laisser prendre au piège de la femme alibi. Ne vous fiez pas à sa frêle allure, Mbarka Bouida est la plus jeune élue  du Parlement et elle aussi la présidente de la commission des affaires étrangères à la chambre des représentants.
Des femmes de défis, des femmes d'influence comme seules peuvent l'être les journalistes. A la télévision, cette influence est encore plus grand quand elle est exercée avec talent et professionnalisme. La télévision, c'est justement toute la vie de Samira Sitaïl. Derrière le petit écran, elle a gravi tous les échelons : journaliste, présentatrice vedette, animatrice de grandes émissions, grand reporter jusqu'à être aujourd'hui la directrice générale adjointe d'une télévision publique, 2M. Du jamais vu dans un organigramme de l'audiovisuel en terre marocaine.
Donnez- leur le pouvoir, elles feront des miracles, avait dit un jour un Sage. Au village, tous l'avaient pris pour un illuminé. On l'a isolé, éloigné, mis en quarantaine. Sa vérité, la vérité, a fini par être sa condamnation
Tous les jours à la faculté de sciences juridiques, économiques et sociales de Ain Sebaa, la doyenne Jamila Houfaidi Settar fait des miracles. Réhabilitant la culture du savoir, elle a réussi le miracle de donner à voir des étudiants qui croient en ce qu'ils font, dans une faculté longtemps à l'agonie, otages de barbes incultes ou de jeunes qui font des rêves d'Icare, se brûlant les ailes en brûlant de l'autre côté du détroit.
Le pouvoir de la recherche, Mounira Amor Gueret l'a pris grâce son savoir, son expertise, son talent. Directrice de recherche au CNRS (Centre National de la Recherche Scientifique), elle est à la tête du  laboratoire " Instabilité génétique et cancérogenèse " à l'Institut Curie à Paris et dirige l'unité mixte de recherche " Stress génotoxiques et Cancer " .
Le Maroc change. Ses femmes aussi. Peut-être que le Maroc change parce que porté par toutes ces femmes que l'on a longtemps caché dans la pénombre. Elles sont aujourd'hui dans la lumière et la lumière leur va si bien.
Des success story  au féminin. Oui, assurément, passionnément mais pas seulement. Parce que ces Marocaines, ces femmes de défis portent en elles des combats mais aussi toutes les blessures d'une société qui est en train de se réconcilier avec son autre moitié.


 " Femmes de défis " est une rencontre qui a été organisée les 29 et 30 juin 2010 par la Fondation des Trois Cultures, à Séville, sous la coordination de Narjis Rerhaye et Mohamed Ennaji.




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