Défections, enlèvements et assassinats : La mort mystérieuse de Beiba remet sur le tapis la crise qui secoue le Polisario


M'Hamed Hamrouch
Samedi 10 Juillet 2010

Il va sans dire que la mort du négociateur en chef du Polisario, annoncée en début de semaine, est due moins à cette " crise cardiaque " comme Mohamed Abdelaziz s'évertuait désespérément à le faire croire qu'à cette crise profonde qui frappe le sommet du front. Mahfoud Ali Beiba, puisque c'est de lui qu'il s'agit, ne serait pas mort d'une crise cardiaque, encore moins d'une mort naturelle, comme l'ont crié, haut et fort, à Laâyoune ou à Tindouf, ses proches parents, qui revendiquent une enquête internationale pour éclairer les circonstances mystérieuses dans lesquelles il est décédé, non loin du siège de la sécurité militaire algérienne, situé en banlieue algéroise. Il serait mort " empoisonné ", comme s'était empressé de dire un proche d'Ali Beiba, pointant d'un doigt accusateur le fameux DRS (Département Renseignement et sécurité algérien). Cette thèse resterait la plus plausible, d'autant plus que le défunt se serait persuadé, au bout d'intenses et néanmoins infructueuses négociations, que la solution d'autonomie proposée par le Maroc serait la seule alternative à un conflit vieux de 35 ans. Ali Beiba, qui fut également président du soi-disant " Parlement sahraoui " (Conseil national sahraoui), n'a simplement exprimé qu'une conviction pourtant largement partagée par ses pairs, au sommet du front Polisario. " Il ne savait peut-être pas que cet " avis ", manifesté en privé, allait être intercepté par les services de renseignement algériens et lui coûter une bonne dose de cyanure ", présume un proche de la famille Beiba, basée à Laâyoune. Ramdane Ould Messaoud, président de l'Association sahraouie de défense des droits de l'Homme (Assadeh), n'écarte pas non plus cette piste, d'autant moins qu'il a lui-même failli laisser des plumes du côté de Tindouf durant de longues années de détention. " Tous les moyens sont bons pour mater toute velléité d'opposition dans les camps, à plus forte raison quand cela émane d'un haut responsable frontiste comme Mahfoud Ali Beiba ", certifie le président de l'Assadeh, à l'origine de la célèbre plainte déposée fin 2008 auprès de l'Audience espagnole (la plus haute juridiction espagnole) contre les tortionnaires du Polisario et qui a coûté à Brahim Ghali, ancien chef de la défense du front, son poste de représentant du Polisario à Madrid.
Mais passons, car la mort mystérieuse de Mahfoud Ali Beiba soulève bien d'autres interrogations sur le sort certes moins cruel mais autrement ingrat que Mohamed Abdelaziz, appuyé par la grande muette algérienne, a réservé à ses vieux "camarades ". Les exemples sont légion. Pas plus tard qu'en juin dernier, les observateurs avertis du dossier apprenaient qu'Ahmed Berrih, patron de la sécurité du Polisario dans les camps et les zones militaires, était enlevé dans des circonstances non moins mystérieuses. Jusqu'à aujourd'hui, le sort de cet ancien haut responsable reste complètement ignoré. Ce même dirigeant aurait disparu alors qu'il s'apprêtait à rejoindre le Maroc dans le plus grand secret. Selon nos sources, c'est le téléphone espagnol de Berrih, mis sur écoute par les services du DRS, qui aurait trahi son intention de regagner la mère patrie. Là encore, un grand mystère plane sur la disparition de ce haut responsable, de son nom de guerre Ahmed Khalil. Une nouvelle parenthèse vient ainsi d'être fermée sur le parcours de cet ancien quadra du Polisario ayant occupé pendant une dizaine d'années le poste de responsable de la sécurité dans les campements de Tindouf et les zones militaires du front.
Et ce n'est pas tout. En début 2010, on apprenait par ailleurs que le représentant du Polisario auprès des Nations unies, Ahmed Boukhari, avait fait fausse compagnie à Mohamed Abdelaziz, après avoir obtenu la nationalité américaine. Et c'est à Washington qu'il a annoncé avoir pris ses distances avec le Polisario, en présence même de son chef Mohamed Abdelaziz avec lequel il aurait eu une " prise de bec ".
Vu l'ampleur et le rythme des défections qui secouent la " tête " du Polisario, ajoutés aux vagues de ralliements avoisinant aujourd'hui le seuil de 500 transfuges, rien que durant les trois derniers mois, il y a lieu de se demander si Mohamed Abdelaziz ne finira pas par prêcher dans le désert.
Qui a dit que la nature a horreur du vide.


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