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Pourtant, selon un récent rapport de l’AMDH sur la situation des migrants et des réfugiés à Nador, ces efforts ont été déployés en violation grave des droits de l’Homme. Ledit document a enregistré plusieurs cas d’arrestations, de refoulements ou d’enfermement opérés au détriment des lois et conventions idoines et se sont soldés par des morts, des blessés et des portés disparus.
Retour sur les chapitres les plus saillants de ce rapport
Arrestations et refoulements
à la pelle
Selon ledit document, 2019 a été sans doute l’année de la poursuite des campagnes de traque et d’arrestation des migrants et des demandeurs d’asile lancée en 2018 par les autorités marocaines. L’AMDH Nador a pu comptabiliser 134 opérations au cours desquelles près de 4400 arrestations ont été effectuées, principalement au niveau des campements en forêt, mais aussi à l’intérieur des maisons ou dans des cafés, à la rue et à l’intérieur des moyens de transport. Ces arrestations n’ont épargné ni les migrants titulaires de cartes de séjour légales, ni les femmes fussent-elles enceintes, ni les enfants. Cependant l’AMDH précise que le nombre des arrestations a chuté et s’est rapproché de celui enregistré avant 2018. Une situation due en grande partie à une diminution considérable des effectifs des migrants présents à Nador durant toute l’année.
2019 a été également caractérisée par une multiplication surprenante des arrestations des convois de migrants en mer après avoir quitté le littoral marocain et parfois dans des zones très proches du territoire espagnol. Ces arrestations ont été opérées soit par la
marine Royale, soit par la Guardia civil espagnole. Lors des arrestations effectuées par les forces de l’ordre espagnoles, les migrants sont transbordés en mer sur des bateaux de la marine marocaine qui les déposent au niveau du port de Béni Ensar où ils sont arrêtés par les gendarmes ou la police.
En 2019, les expulsions des migrants vers leur pays d’oirigine se sont poursuivies de plus belle pour ceux qui ont été arrêtés à Nador. Ainsi, l’AMDH Nador a pu comptabiliser 35 opérations en 2019, au cours desquelles près de 600 migrants ont été expulsés via des autocars qui prennent leur départ à partir du centre d’enfermement d’Arekmane vers l’aéroport de Casablanca. Une grande partie des personnes expulsées sont issues du Cameroun, de la Côte d’Ivoire, de la Guinée-Conakry, du Sénégal, du Mali et du Burkina Faso.
L’AMDH précise que ces données ne sont que des estimations approximatives vu la difficulté de recenser tous les convois d’expulsion qui opèrent généralement tard la nuit et qui sont constitués de bus qui sont parfois comparables à ceux utilisés pour les refoulements vers le Sud du Maroc ou vers la frontière algérienne. Toutes les expulsions se faisaient à partir du centre d’enfermement d’Arekmane qui est un centre de vacances du ministère de la Jeunesse et des Sports que les autorités ont réquisitionné pour le transformer en centre d’enfermement illégal géré par une commission locale où siègent le caïd d’Arekmane, les gendarmes et les forces auxiliaires.
Le rapport indique que 2019 a été caractérisée aussi par le retour aux opérations de refoulement vers la frontière algérienne avec des cadences plus importantes. Ces refoulements ont concerné aussi bien des migrants arrêtés à Nador qu’à Tanger. Depuis Nador, pas moins de 10 refoulements vers la frontière algérienne ont ainsi eu lieu en 2019.
Ledit rapport avance que ces refoulements se font de plus en plus dans des conditions très difficiles. « Si les migrants, surtout femmes, ne sont plus menottés durant le trajet, ils ne reçoivent dans la majorité des cas qu’une très maigre ration alimentaire composée de pain, d’une petite bouteille d’eau et parfois une boîte de conserve de sardines et une petite bouteille de jus. Il leur est interdit de descendre des bus pour acheter de quoi manger pour eux et pour leurs enfants. Ils sont obligés de rester sur leur faim tout au long du trajet et sont généralement débarqués dans des zones désertes où il est parfois très difficile de trouver une boutique pour s’approvisionner. Même les nouveau-nés ne sont pas pris en considération puisqu’ils ne reçoivent aucune ration de lait infantile », indique-t-il.
Tentatives de franchissement
des barrières en baisse
Comme ce fut le cas pendant les dernières années, 2019 n’a enregistré que six tentatives d’assauts contre les barrières grillagées des présides occupés qui ont permis à quelque 120 migrants subsahariens d’accéder à Mellilia. La finalisation de la quatrième barrière à lames tranchantes du côté marocain, la militarisation excessive de cette «frontière» et les attaques presque quotidiennes des campements des migrants au Sud de Gourougou sont les principales causes de cette régression, d’autant plus que le recours à cette pratique est désormais l’apanage des migrants les plus pauvres et qui n’ont pas les moyens de payer leur traversée par mer.
Les tentatives d’escalader les barrières qui séparent les présides occupés du reste du Maroc n’émanent pas uniquement des migrants subsahariens, mais aussi des refugiés yéménites, syriens ou des demandeurs d’asile tunisiens et algériens à qui on a refusé d’accorder une protection internationale et qui se sont trouvés bloqués à Nador durant de longs mois.
Violence à l’égard des migrants
L’année dernière a été caractérisée aussi par une grande violence dans les interventions des autorités envers les migrants subsahariens qui s’est traduite par une augmentation importante du nombre des blessés reçus à l’hôpital de Nador, ce qui rappelle la situation des années 2014 et 2015. Selon les statistiques de la délégation provinciale de la santé à Nador, sur un total de 2.401 migrants subsahariens reçus à l’hôpital Hassani et par les centres de santé et dispensaires situés à Zeghanghane, Selouane, Arouit et Béni Ensar en 2019, 311 migrants blessés ont reçu des soins. Le reste, soit 2.100 cas, concerne surtout des migrants malades ou des femmes en couches, ce qui rend compte des conditions très difficiles qu’endurent les migrants dans les campements en forêt.
2019 a été également marquée par un chiffre significatif ; en l’occurrence celui des migrants morts reçus à l’hôpital Hassani de Nador. Selon les services municipaux chargés de la morgue de cet hôpital, celle-ci a reçu 81 cadavres de migrants subsahariens (29 femmes, 50 hommes et 2 bébés).
Leur répartition selon le lieu de découverte des cadavres montre la prédominance des décès en mer avec 76 cas, alors que les 5 autres cas sont morts dans les campements de migrants installés dans les forêts de Nador. Les cadavres repêchés en mer provenaient principalement du littoral de la province de Nador (Béni Chiker, Bouyafar et Arekmane), mais aussi des communes côtières de Driouch (Amejaou, Tazaghine et Temsamane).
Ces morts ne sont pas, la plupart du temps, identifiés et sont souvent inhumés sous x. Selon les statistiques fournies par les services municipaux chargés de la morgue et du cimetière de Nador, 58 migrants subsahariens seulement y ont été inhumés dont deux bébés. Aucun de ces 58 cadavres n’a été identifié. Leurs tombes ne comportent qu’un numéro, le sexe et la date d’inhumation dans un état peu matérialisé (recouvertes de terre avec un bout de béton où sont inscrites les données suscitées).
Mais, il n’y a pas que le problème des cadavres non identifiés qui est en nette hausse. Il y a également l’augmentation des cas de disparition de migrants le long de leur parcours migratoire. La majorité des cas de disparition concerne des convois en mer. Pour Nador, 13 cas de disparition de convois ont été enregistrés en 2019. Il s’agit d’une augmentation surprenante des cas de disparition sur cette voie migratoire causée principalement par les supputations des autorités espagnoles et marocaines concernant la mise en place d’un système de secours efficace et coordonné.
Enfermement illégal
Le rapport de l’AMDH a observé, en outre, la hausse du nombre des enfermements planifiés, illégaux et continus dans le temps d’un nombre important de migrants subsahariens en plusieurs lieux aménagés et ouverts par l’administration loin de tout contrôle judiciaire et sans texte juridique les permettant. Cet enfermement illégal est aussi « ségrégatif » puisqu’il ne concerne que les migrants subsahariens après des interpellations au faciès, alors que les autres migrants et refugiés, qu’ils soient maghrébins, syriens, yéménites, bangladeshis ou autres, sont toujours arrêtés sous contrôle judiciaire et dans des lieux relevant de l’administration pénitentiaire.
L’AMDH estime que l’enfermement a évolué dans le sens suivant :
- Une extension spatiale à presque tout le nord marocain : Nador, Tanger et Driouch.
- Une multiplication des lieux d’enfermement : on a passé de 0 à 3 puis actuellement à 6 lieux;
- Des lieux d’enfermement utilisés pendant toute l’année.
- Une extension à l’extérieur des commissariats et des sièges de la gendarmerie vers des lieux à caractère civil;
- Des durées d’enfermement de plus en plus longues.
- Des conditions d’enfermement très difficiles.
- Des lieux d’enfermement, mais surtout des lieux de violations des libertés hors de tout cadre juridique dans des locaux qui ne relèvent pas de l’administration pénitentiaire ni dans des locaux de garde à vue. Aucune décision écrite et motivée n’est notifiée aux intéressés, conformément aux dispositions de la loi n°02-03 relative à l’entrée et au séjour des étrangers au Maroc.
A ceci, s’ajoute le confinement des migrants subsahariens qui ne sont autorisés à s’installer et circuler qu’au niveau de certaines forêts et aux alentours des campements à Nador. Leur installation dans des logements loués en ville et leur libre circulation sont interdites par les autorités qui procèdent à leur arrestation dès qu’ils quittent ces forêts de survie.
- La durée d’arrestation varie de quelques jours à quelques semaines. Hors de toute procédure judiciaire.
- Les migrants arrêtés font l’objet de prise de photos et d’empreintes et sont auditionnés par les représentants de certaines ambassades de pays africains en attendant leur éloignement ou leur déportation.
- Ils subissent des violences et des traitements inhumains. Les malades et parfois les blessés ne sont pas transportés à l’hôpital. Ils vivent dans des conditions d’hygiène déplorables. Leurs téléphones sont saisis et ils ne reçoivent aucune visite des ONG ou des avocats.