Comment les Espagnols jugent-ils les non Espagnols ?

Les préjugés à l’égard des Marocains trop marqués par l’influence des médias et partis extrémistes


Mourad Tabet
Vendredi 18 Mars 2022

Comment les Espagnols jugent-ils les non Espagnols ?
Les Espagnols vouent de l’aversion envers les Marocains. C’est ce qui ressort du dernier baromètre du Centre espagnol de recherche sociale (CIS) de mars 2022 publié ce jeudi.
L’une des questions posées aux enquêtés est celle concernant la perception par les Espagnols des citoyens du monde, soit quel sentiment ils éprouvent envers les citoyens de différentes nationalités : la sympathie ou l’antipathie ?

Selon ce baromètre, les moins bien notés sont les Russes (22,7%), suivis des  Chinois (11,9%) et des Marocains (9,9%).
En revanche, les Espagnols expriment de la sympathie envers les Ukrainiens (15,7%, peut-être en raison de la guerre actuelle dans leur pays), les Portugais (13,7%) et les Japonais (10,8%).
Il convient de noter que presque 4000 Espagnols ont participé à cette enquête menée par le CIS.

Le résultat de cette étude concernant les Marocains n’est pas surprenant, puisque le sentiment d’aversion qu’éprouvent les Espagnols envers leurs voisins du Sud est fondé notamment sur des préjugés et des arrière-pensées que les partis politiques, les médias et même des organisations espagnoles, des journalistes et des analystes politiques ne cessent d’alimenter et de perpétuer.

Il suffit de lire la presse de ce pays pour saisir cette réalité. A titre d’exemple, le journal Okdiario a publié un article d’opinion le 18 mai 2021 dont le titre est révélateur : «Le Maroc, le grand ennemi» (Marruecos, el gran enemigo). Un autre quotidien espagnol, ABC, a, quant à lui, publié un article d’opinion (contenant d’ailleurs de fausses informations) de Ricardo Martínez Isidoro sous le titre «Le Maroc, un ennemi à nos portes ?» (Marruecos, enemigo a las puertas?). Dans cet article, l’auteur souligne que «le Maroc est l'ennemi traditionnel de l'Espagne depuis près de deux siècles».

«Les principaux journaux espagnols d’information générale transmettent une image un peu déformée du Maroc, conditionnée tant par le faible espace dédié à ce pays dans leurs pages que par le nombre limité des sujets, généralement liés au conflit », lit-on dans une étude intitulée « L’image du monde arabo-musulman dans la presse espagnole»  publiée en 2008.

La même étude souligne en outre que «la présence (du Maroc dans la presse espagnole) se réduit fondamentalement à une série de sujets dont les limites contribuent à la transmission d’une image bien déterminée de ce pays de l’Afrique du Nord. Ainsi, le Maroc apparaît dans les principaux journaux espagnols liant principalement les réclamations sur la souveraineté de Sebta et Mellilia, au conflit du Sahara, à l’absence de libertés civiles, à l’immigration, au trafic de drogue ou au  terrorisme. En fait, le conflit et la polémique sont privilégiés, contribuant à relier le Maroc à des attributs négatifs ».

Par ailleurs, il y a quelques jours, Fernando Alejandre, ex-chef d’état-major de la Défense (JEMAD) de l’armée espagnole (entre 2017 et 2020) a souligné dans son nouvel ouvrage «Roi servi et patrie honorée» que «le Maroc représentera une menace directe pour l’Espagne, qui finira par se matérialiser dans un premier temps au moyen d’éléments hybrides en mode Intifada pour se transformer peu à peu en un conflit armé plus conventionnel ».

En outre, des partis politiques espagnols alimentent les préjugés contre les Marocains par leurs discours xénophobes et racistes. Ainsi, en novembre 2020, le quotidien El Español avait publié plusieurs messages vocaux WhatsApp de la section du parti Vox au préside occupé de Sebta, dans lesquels le secrétaire général de ce parti dans cette ville, Juan Sergio Redondo, a décrit le Maroc comme un pays "maître chanteur" et les Marocains comme une «bande de salauds».

Lors d’un débat sur la question migratoire au Parlement espagnol, ce même parti avait appelé en février 2021 le gouvernement espagnol et l'Union européenne à prendre des mesures contre trois pays, en l’occurrence le Maroc, l'Algérie et la Mauritanie, consistant en ce que «les visas ne soient plus accordés aux citoyens de ces pays» et que «des sanctions leur soient imposées» suite à une «invasion migratoire».

Déjà en 2019, ce parti populiste qui surfe sur un thème qui préoccupe l’opinion publique espagnole, avait provoqué un tollé en présentant une proposition de loi au Congrès des députés (Chambre basse du Parlement espagnol) dans laquelle il avait exhorté le gouvernement à procéder à la construction d’un mur séparant les deux présides occupés de Sebta et Mellilia du reste du Maroc, pour faire face au problème de l’immigration.

Mourad Tabet


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