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Initialement interdite de publicité dans le métro en raison de son titre provocateur, «Djihad» a finalement fait un tabac après plusieurs représentations en Belgique. Elle est souvent jouée devant des jeunes du primaire et du secondaire et à la fin des représentations, les spectateurs peuvent débattre avec l’auteur de la pièce pour permettre aux plus jeunes de mieux décoder les mécanismes favorisant le regain de tension et le repli communautaire. Des débats si intenses et surprenants que l’auteur a décidé d’en compiler la quintessence dans un livre intitulé «Comme un musulman en France», publié chez «Autrement».
Ismaël Saidi sait de quoi il parle: musulman pratiquant, il a vu croître le communautarisme depuis trois décennies, que ce soit en Belgique ou en France. Alors, inlassablement, il s’est donné pour mission de faire tomber les barrières, d’aller à la rencontre des uns et des autres, dans des lieux divers et variés. «Dans des collèges, des lycées, des prisons, des salles de fêtes, je prolonge la représentation par un dialogue avec le public», explique-t-il. «Lors de ces milliers de conversations, j’en ai entendu de toutes les couleurs : un véritable arc-en-ciel de craintes, de méfiance, de préjugés, tant chez des musulmans que chez des non-musulmans, dans les deux sens», ajoute l’artiste. Et de poursuivre : «Parce que moi, musulman né en Belgique de parents marocains, je suis convaincu que ce qui compte, c’est avant tout de se parler et de s’écouter, j’ai choisi de susciter la parole, de répondre quand je le pouvais, de partager mes hésitations, parfois. Ces échanges, les voici dans mon livre. Cette France de mille nuances, défiances et croyances, en voici le pouls».
Dans ce livre, il n’est pas question de revenir sur son parcours telle une autobiographie, mais Ismaël Saidi raconte néanmoins son enfance dans la banlieue de Bruxelles, celle d’un gamin attachant et futé qui trouve un moyen pour obtenir la protection des caïds du collège : écrire leurs rédactions et résoudre leurs équations … Un parcours guidé par un appétit de connaissance qui ne le quitte pas, aujourd’hui adulte, avec une volonté de rendre à présent cette main tendue qu’il a saisie à différents moments de sa vie. Aider les musulmans, et notamment les jeunes, à sortir de «la posture victimaire» dans laquelle beaucoup s’enferment, c’est aujourd’hui son principal défi. «Mon problème, ce sont les jeunes à qui l’on apprend dès l’enfance qu’ils sont des victimes, que la société ne veut pas d’eux, que la France est un pays raciste. On construit leur victimisation. On leur met des barrières», souligne-t-il dans une déclaration à nos confrères de «L’opinion.fr». «Ce ne sont pas les ghettos physiques qui sont fondamentaux. Il suffit de prendre le RER pour en sortir ! Le plus difficile, c’est de sortir de ses propres peurs. C’est s’extraire du ghetto mental qui est compliqué», précise le cinéaste qui se décrit comme une «lasagne identitaire» qui a toujours refusé de se laisser enfermer dans une catégorie, qu’elle soit religieuse ou sociale. «J’ai toujours pensé que notre identité était un genre de lasagnes, formée de plusieurs couches...», dit-il. «Ainsi, la lasagne identitaire que je suis est composée d’une couche de Belgique, une couche du Maroc, une couche d’islam, une autre de “judéo-chrétienté”, une autre encore de laïcité et de beaucoup d’épices», explique Ismaël Saidi. «Et parmi ces épices, il y avait de la Cabu, une épice qui a relevé mon goût pour l’humour, les croquis, la satire. Une épice qui a façonné l’être que je suis. Et cette épice venait d’être éparpillée par le souffle d’un canon» lors des attentats perpétrés contre la rédaction de Charlie Hebdo, conclut l’artiste.
Rappelons enfin qu’Ismaël Saïdi est né le 20 septembre 1976 en Belgique et a grandi à Schaerbeek, près de Molenbeek à Bruxelles. Diplômé en relations publiques de l’Université de Bruxelles, et en sciences sociales de l’Université catholique de Louvain, il a travaillé au sein de la police belge mais a aussitôt abandonné sa carrière pour se consacrer à sa passion première: le cinéma. «En fait, je n’ai pas laissé tomber mes diplômes. Ceux-ci étaient nécessaires pour me permettre de devenir cinéaste. On ne fait du cinéma que quand on a des choses à dire. Lesquelles viennent de l’expérience, de la vie mais aussi des études que l’on a faites. Donc, pour moi, c’était une suite logique», confie à Libé cet originaire de Tanger, optimiste et humaniste impénitent.
Extrait
Aussi, dire "bonjour" dans notre propre langue, à savoir le français pour nous qui vivons dans un espace francophone, était devenu exclu car on en avait fait la langue du "mécréant". Il fallait, pour se différencier et faire partie du groupe, dire bonjour de la même manière que le Prophète le faisait.
Et d'après les écrits, il disait "Salam Alaykoum wa rahmatoullah", ce qui signifie "Que la paix soit sur vous ainsi que la miséricorde de Dieu".
Bien sûr, personne ne s'est dit que s'il saluait en arabe, c'est parce qu'il était arabophone et que, s'il avait été russe, il l'aurait sûrement fait en russe. Personne ne s'est dit non plus que, dans les pays du Maghreb, on se salue en disant "Sbah el kheir", qui signifie "que ce matin vous soit plein de bonnes choses", ou qu'en Indonésie, le plus grand pays musulman au monde, on dit "Salamat Pagi", qui veut dire à peu près la même chose. Bref, aucune notion religieuse dans le fait de se dire bonjour ou de se serrer la main.
Sauf en France ou en Belgique: la religion et le communitarisme qui en ont découlé se sont enracinés bien plus qu'on ne pense, et la séparation commence très tôt : dès le premier mot."