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Intervenant lundi dernier à Rabat lors d’une rencontre avec des agences de presse, le ministre de l’Intérieur a souligné que le travail de surveillance et de contrôle des frontières coûte annuellement pareille bagatelle et mobilise 13.000 personnes de jour comme de nuit. «Nous faisons tous ces sacrifices dans le cadre de la coopération internationale et de la confiance avec nos partenaires», a-t-il dit en réaffirmant l’engagement sans faille du Maroc dans la lutte contre l'a migration irrégulière. Une déclaration qui balaie d’un revers de la main les propos tenus par le chef du gouvernement lors d’une interview accordée en juin dernier à l’agence de presse espagnole EFE en évoquant le pactole de 60 millions de dollars par an. Des dépenses auxquelles l’Union européenne n’a que rarement contribué, a précisé Benkirane.
Pourtant, les deux chiffres avancés par les deux hauts commis de l’Etat partagent au moins un trait. A savoir celui du flou qui les entoure. En fait, nombreuses sont les interrogations que suscitent ces données. D’abord, au niveau de leur fiabilité. Les sommes de 60 ou de 250 millions de dollars ne sont-elles pas exagérées? Une question des plus légitimes au vu des dernières révélations divulguées par les données compilées par «Migrants Files», un collectif de journalistes européens, sur la lutte contre la migration. Ces derniers ont démontré que l’ensemble des pays de l'Union européenne ont déboursé en 15 ans de lutte près de 13 milliards d'euros, soit 866 millions d’euros par an. La participation d’un seul pays comme la France s'élève à près de 3 milliards d’euros. A noter que ces montants concernent uniquement la lutte contre la venue des migrants par voie terrestre et maritime et ne comptabilisent pas les moyens déployés pour la lutte contre l'immigration par les voies aériennes. Au vu de ces chiffres, le Maroc aurait-il les moyens financiers de dépenser 3,75 milliards de DH en 15 ans afin de lutter contre la migration irrégulière? Si oui, cet argent provient-il directement du budget général de l’Etat ou s’agit-il des dons et d’aides européens?
Ensuite, s’agit-il d’un budget fixe ou fluctuant ? En fait, les flux des migrants irréguliers en transit par le Maroc n’ont jamais été constants. Les chiffres de Frontex, l’agence qui contrôle les frontières extérieures de l’Europe, éclairent bien la situation. Ils démontrent que ces flux sont mouvants et qu’ils se sont déplacés vers l'Est. Les spécialistes sont unanimes à considérer que la tendance générale est à la stabilisation au niveau de la route de l'Ouest (Espagne, Portugal, Maroc, Sénégal, Sahara) du fait des accords passés entre l'Espagne, le Maroc et le Sénégal et des efforts marocains et algériens consentis pour lutter contre les réseaux de passeurs.
La Méditerranée centrale et orientale est devenue la voie principale d'immigration clandestine vers l'Europe. Près de 170.757 entrées illégales ont été détectées fin 2014 à partir de la Libye et 50.831 en provenance de Turquie. La majorité des 2.641 arrestations de passeurs réalisées au second trimestre 2014 près des frontières extérieures de l'Union, ont eu lieu en Méditerranée où les interpellations se sont accrues de 50% depuis un an. Si la situation est telle, pourquoi les autorités marocaines continuent-elles à dépenser la même somme chaque année dans leur lutte contre la migration irrégulière?
Enfin, où sont passés tous ces millions de dollars ? Mohamed Hassad mentionne seulement le travail de contrôle et de surveillance sans préciser, pour autant, le contenu de ce travail et s’il y a inclu la formation et l’équipement des forces de l’ordre ainsi que la mise à niveau des postes frontières. Qu’en est-il également des opérations de reconduite forcée ou volontaire? Qu’en est-il de l’aide au retour, des opérations d’éloignement à l’intérieur du pays, de l’analyse du risque migratoire et de la prise en charge sociale des migrants (hébergement, soins médicaux…)? Ces dépenses sont-elles supportées seulement par le ministère de l’Intérieur ou par d’autres départements comme ceux de la Justice et de la Santé ? Et last but not least, combien coûte la migration irrégulière au niveau de le scolarisation des enfants des migrants irréguliers et des soins médicaux dispensés ainsi qu’en termes d’emploi ?
Le tableau risque de demeurer des plus flous puisqu’aucun chiffre fiable et avéré ne permet de quantifier réellement les entrées illégales au Maroc. Les estimations des uns et des autres vont du simple au double. Le département de l’Intérieur évoque 25.000 migrants irréguliers sur le territoire national, d’autres sources parlent de 60.000 voire davantage. Même la loi de Finances ne nous a pas porté secours puisqu’elle ne mentionne aucun chiffre concernant la lutte contre la migration irrégulière. Les rapports établis par le ministère de Hassad se contentent souvent d’énumérer les actions entreprises au niveau des arrestations de migrants en situation irrégulière, de démantèlement de réseaux de passeurs et de refoulement de ces migrants vers leurs pays d’origine sans mentionner des détails sur le coût de ces opérations. Apparemment, ce sujet semble être encore une tabou et les statistiques ne sont là que pour donner raison au gouvernement comme le dit la fameuse maxime : « La raison d'être des statistiques, c'est de vous donner raison ».