Les nouveaux films aussi sont au rendez-vous, donnant à la rentrée cinématographique son véritable sens. Désormais, ce sont des films marocains qui font l'actualité du cinéma dans notre pays. Et le film qui sort cette semaine est emblématique de la dynamique qui porte la production cinématographique nationale. “Histoire d'un lutteur Machaouchi” marque en effet l'arrivée d'un nouveau jeune cinéaste, Mohamed Ahed Souda qui signe ici son premier long métrage. Nouveau ne veut pas dire novice, Ahed Souda connaît bien la profession du cinéma, et il a pris son temps avant de se lancer dans l'aventure du long métrage. Il a beaucoup travaillé dans les productions internationales, réalisant parallèlement ses courts métrages à un rythme régulier. Passant de l'exercice de style, n'hésitant pas à parodier les films d'action américains comme dans son premier court métrage, “Le silence violé” (récompensé à Oujda en 2003) à l'exercice de réflexion métaphysique puisant dans le conte et le récit traditionnel des éléments narratifs et visuels, voir à ce titre “R'da” ou “Les yeux du cœur” ; Ahed Souda aime ce qu'il fait et s'investit beaucoup dans la promotion de son travail. Au retour, ces films ont bénéficié d'une importante visibilité internationale et ont même décroché des prix dans de grands festivals continentaux à Ouagadougou, par exemple, à l'occasion du Fespaco…
Il était alors tout à fait naturel que cette activité mûrisse pour aboutir au long métrage. Pour son premier essai, Ahed Souda n'a pas choisi la facilité puisque son film aborde un conte populaire qui suppose un immense travail de reconstitution historique.
Une dimension qui ne réussit guère au cinéma marocain jusqu'à présent…faute de moyens, disent certains. “Histoire d'un lutteur Machaouchi” semble apporter d'autres éléments de réponse au défi de la reconstitution historique et il démontre surtout que le cinéma marocain peut oser. Non seulement le film tient le pari sur le plan technique mais il séduit par son récit ouvert sur la réception ouverte au grand public.
Il concrétise en fait un double projet : cinématographique et culturel : réussir un film qui ramène le public dans les salles par ses qualités techniques et artistiques mais aussi faire œuvre par le récit filmique de promotion du patrimoine culturel avec dans le cas de figure la restitution d'un sport de combat typiquement marocain, celui des lutteurs Machaouchi. Pour se faire, rien ne vaut une belle histoire d'amour. Et le film de Ahed Souda en raconte une, celle d'un brillant menuisier, Slimane (Hicham Bahloul), modeste mais ambitieux qui tombe amoureux de la belle Saadia (Rim Chmaou) fille d'un riche commerçant de Khlii (viande séchée dans de la graisse, caractéristique des villes impériales), Haj Mfadel (Amidou, très authentique). Pour parvenir à l'objet de son désir, un obstacle de taille s'interpose. Il s'agit de Tabokh (Abdellah Ferkouss), un riche marchand de bétail qui cherche lui aussi les faveurs de la jeune fille et n'hésite pas à recourir au chantage pour faire pression sur le père. Celui-ci trouve cependant un subterfuge pour départager les deux protagonistes : il les invite à se livrer à un duel Machaouchi, sorte de lutte gréco-romaine très populaire au sein des artisans des médinas marocaines.
Le jeune menuisier va-t-il pouvoir relever ce défi ?
Le terrible marchand de bétail est un champion en la matière réputé en outre pour ses coups bas. Le film, à l'instar des scénarii parfaitement rodés du genre, reporte cette ultime confrontation jusqu'à ce que le jeune menuisier accomplisse un voyage initiatique qui le mène dans plusieurs villes du Maroc (cf. le voyage de la protagoniste de Kill Bill).
Il en revient aguerri ayant découvert un maître (Kaghat) aveugle ayant perdu un œil par un geste antisportif du marchand de bétail. Le duel final est donc largement préparé : quelle fin nous prépare alors Ahed Souda ? A vous de la découvrir dans une salle de cinéma.