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De ce point de vue, l’éclairage de Guillaume Jobin est un courant d’air pur et constitue un précieux apport pour mettre à mal les mythes socialement construits : « Ce n’est pas une biographie enflammée de Mohamed V ou un aride ouvrage d’histoire du nationalisme, mais une sorte d’article de journaliste de quatre-cents pages, destiné à expliquer et faire savoir ce que furent les relations franco-marocaines ».
Parfois, c’est un regard extérieur qui permet de penser autrement le passé. L’un des points forts du livre est de déconstruire les approches classiques de la biographie et de se pencher sur un personnage historique important pour penser un contexte à partir des processus sociaux et politiques qui le constituent. C’est le déroulement des événements historiques sur une vingtaine d’années ainsi que les relations coloniales franco-marocaines qui sont les personnages principaux du livre : « De même que Lyautey, le Résident n’est pas une biographie, mais un travail d’analyse et de réflexion sur la triple relation entre le Maréchal, le Maroc et la France, Mohamed V, le Sultan, n’est pas une biographie du Souverain, mais une étude approfondie destinée au grand public, de son œuvre en tant que chef d’État du Maroc, sous contrôle franco-espagnol, de 1926 à 1945. Un troisième tome, en cours de préparation, abordera la tranche de 1945 à 1956, clôturant cette trilogie sur les relations coloniales de la France et du Maroc ».
L’autre aspect important de l’ouvrage est la fine restitution des enjeux politiques et l’exploration des pratiques sociales du quotidien, en centrant sur une analyse des rapports de pouvoir : « L’histoire du Maroc contemporain ne se résume pas à une lutte pour le pouvoir, entre Français et Marocains, elle est beaucoup plus complexe. Tout d’abord, les Français se font concurrence entre eux pour la mainmise sur le Royaume ; les Marocains se divisent aussi, et surtout, la société marocaine évolue profondément sur tous les plans, économique, sociologique, politique ».
Des conceptions réifiées de l’histoire, telles que celles postulant que le Dahir berbère aurait impulsé le nationalisme, que la gauche française aurait lutté contre la colonisation ou que Le Petit prince de Saint-Exupéry aurait été écrit au Maroc, sont discutés dans l’ouvrage. La seconde Guerre mondiale est également évoquée, notamment au niveau des actions de Mohamed V à l’égard des juifs marocains. Si l’on part de l’idée, avec Hannah Arendt, que la colonisation a été une abomination dont la portée reste encore à être objectivée, notamment en mettant en relation les violences physiques et symboliques que les colonisateurs ont exercées sur les territoires africains avec les violences exterminationnistes des régimes totalitaires, le troisième volume de cette trilogie devrait s’avérer passionnant.