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A travers une trame déclinée patiemment, presque paresseusement, le roman, paru en 2015, aux éditions «Afrique Orient», débute en donnant envie de découvrir la suite. Le décor est habilement planté par la peinture des traits de caractère de chaque personnage, orientant ainsi le lecteur dans le dédale tumultueux de l’âme humaine.
Qui est le personnage principal : Imane, Ahmed, Youssef ou Catherine ? Chacun d’eux et tous à la fois. Pour les deux premiers, c’est un mariage bâclé à la source car fondé sur un arrangement aux relents mercantiles. « Ne fais rien qui puisse contrarier ton mari, conforme-toi à ses goûts… les hommes aiment les femmes qui ressemblent à leur mère, et puis tâche de bien gâter son ventre et son bas-ventre », lui conseille une vieille tante. Pour le second couple, c’est l’inverse : « Les aiguilles de la montre n’avançaient pas assez vite quand ils étaient loin l’un de l’autre ».
Histoires d’amour donc, mais d’amours contrariées par des questionnements qui remuent le tréfonds de l’âme. Est-il si simple d’aimer à l’intérieur d’une coulée tourmentée des jours ? Peut-on aimer contre sa nature foncière ? Etre soi ne coûte-t-il pas plus de souffrance que de joie ?
Maria Guessous ne se fait avare d’aucune interrogation. Sans préjugé ni faux-fuyant, elle affronte des sujets touchant à l’essence de la passion et de la pensée. Dans une écriture colorée, qui vient en renfort d’un engagement à plus avancer pour davantage comprendre la psychologie humaine, elle questionne sans relâche et sans prétention à une quelconque vérité. Car elle doute, et tout son roman est parsemé de cris de tolérance. A Imane, rien n’est imposé malgré l’imbroglio où elle se retrouve ; à Catherine, jusqu’au dernier moment, la liberté de choix reste inviolable.
Dans ce roman ample, mélange subtil de romantisme et de naturalisme, dont l’écriture effleure souvent les mots pour marquer la pudeur à s’immiscer dans les intimités, les images se lèvent et les impressions affleurent. Il revient au lecteur de les cueillir, de déceler l’enjeu véritable de ce récit : porter la tolérance et l’intelligence au chevet du dogmatisme.
Dans ce livre des amours incomprises, l’imagination se déroule sans entrave à ce point qu’elle pourrait en devenir réalité. La littérature accorde cette ubiquité car elle ne pactise pas avec la raison, mais établit plutôt un lien biologique avec le frisson de l’écriture. L’auteure s’autorise ainsi la traversée de tous les états d’âme : Imane qui aspire à une résilience avec la rencontre d’un ancien camarade de faculté ; Catherine qui s’emballe au contact d’un imam fréquenté sur Internet.
Le roman est riche d’impressions, de sensations, d’émotions. Il ne contourne pas les questions douloureuses : le renoncement, la discorde, l’incompréhension, la confrontation avec l’épreuve quotidienne du vide. D’un mot: les différences entre les êtres et leurs aspirations profondes à être eux-mêmes.
Et la fin, comme un gong, sonne pour justement rappeler ce droit à chacun en instillant, dans la chair des mots, que nous sommes davantage des êtres de culture que de nature ; que nos aspirations nous distinguent sans nous opposer car nous nous rejoignons fatalement autour de la même quête : la paix intérieure. Même si cela nous coûte un combat avec nous-mêmes.
«Ceux qui vivent sont ceux qui luttent», disait Victor Hugo.
* Cercle de littérature contemporaine