Le nombre des migrants irréguliers arrivés en Europe est-il en hausse ou en baisse ? Alors que pour Frontex, les chiffres sont en chute libre depuis deux ans ; pour les activistes de la société civile, c’est l’inverse qui se produit et ils évoquent même une situation inédite. Un communiqué de presse de l’Agence européenne chargée du contrôle et de la gestion des frontières de l’UE, a indiqué à ce propos que le nombre de détections de passages frontaliers illégaux sur les principales routes migratoires européennes a chuté de 25% en novembre par rapport au mois précédent pour atteindre près de 14.400 alors que le nombre total enregistré sur l’ensemble des routes migratoires européennes durant les 11 premiers mois de 2019 a été inférieur de 10%, soit près de 124.600. Sur la route Méditerranée orientale, le nombre de migrants en situation irrégulière qui ont emprunté la route de la Méditerranée orientale a diminué en novembre de 20% par rapport à octobre pour s'établir à environ 9.700. Pourtant, cette route continue à représenter les deux tiers de toutes les détections de passages frontaliers illégaux vers l'Union européenne. Le nombre total de détections enregistré dans cette région au cours des 11 premiers mois de cette année a été supérieur de 42% à ce qu’il a été il y a un an, soit plus de 74.100. Les Afghans représentaient près d'un migrant sur trois détectés sur cette route, tandis que les Syriens représentaient un autre quart des migrants en situation irrégulière. Concernant la Méditerranée occidentale, le nombre de migrants en situation irrégulière ayant traversé la Méditerranée occidentale en novembre a chuté de 80% par rapport au mois précédent pour s'établir à 950 personnes. Le total pour la période janvier-novembre s’est élevé à près de 22.200, soit moins de la moitié du chiffre enregistré durant la même période de l'année dernière. Les Marocains représentaient 28% des migrants sur cette route au cours des 11 premiers mois de 2019, tandis que les Algériens en représentaient 17%. Une baisse du nombre de migrants irréguliers a été observée au niveau de la Méditerranée centrale qui a enregistré un recul de 46% en novembre, soit 1.200 personnes. Le total pour les 11 premiers mois de l'année a atteint près de 13.200, en baisse de 43% par rapport à la même période de l'année dernière. Les Tunisiens, les Soudanais, les Ivoiriens et les Pakistanais ont été les plus représentés par nationalités sur cette route au cours des 11 premiers mois de 2019. Les routes des Balkans occidentales ont enregistré en novembre plus de 1.900 tentatives d’entrées irrégulières. Le total des 11 premiers mois a atteint plus de 10.600, soit le double de celui d'il y a un an. Les ressortissants afghans représentaient près de la moitié des migrants détectés sur cette route. Des chiffres que remet en cause Hassan Ammari, membre d’Alarme Phone, qui soutient que les flux migratoires demeurent en hausse comme en atteste le nombre des embarcations de fortune qui cinglent chaque semaine vers le Vieux continent. « Ces flux ont même continué sur le trend haussier durant les mois de novembre et décembre, plutôt réputés par la chute du nombre de sorties en mer à cause des mauvaises conditions météorologiques. Une situation inédite puisqu’on n’a pas vu pareille chose depuis fort longtemps», nous a-t-il indiqué. Et de poursuivre : «Cette situation suscite nombre d’interrogations. Qui est derrière cette frénésie ?. Les mafias du trafic humain ou les candidats à la migration qui sont prêts à risquer leur vie quel que soit l’état de la météo ou celui de la mer ? Je me demande comment des gens sensés peuvent accepter le risque d’affronter des vagues hautes de trois à quatre mètres». Hassan Ammari nous a aussi précisé que cette situation ne concerne pas uniquement le Maroc, mais également l’Algérie et la Tunisie. D’après lui, il y a une forte activité des réseaux du trafic humain à Mostaganem et à Oran en Algérie, à port Saïd près de Saïdia au Maroc et à Kerkennah et Benghardan en Tunisie. «Les chiffres sont difficiles à recueillir, mais nous avons compté dernièrement 666 personnes mortes ou portées disparues et cinq zodiacs également portés disparus. Nous avons aussi noté l’existence, au cours des dernières semaines, de beaucoup de familles algériennes qui nous ont contactés pour avoir des informations concernant leur progéniture, vu que le mois d’octobre a enregistré beaucoup de disparus », nous a-t-il expliqué. Même évaluation de la part d’Omar Naji, viceprésident de l’AMDH section Nador, qui nous a affirmé que les drames de la migration se poursuivent de plus belle en Méditerranée comme en atteste le nombre des cadavres qui ont été repêchés dernièrement. Notre source n’hésite pas à qualifier les sorties en mer des migrants durant ces mois de « convois kamikazes ». « C’est difficile à comprendre comment des individus prennent le large avec des vents violents et des vagues de plusieurs mètres. Pour les trafiquants, peu importent les conditions météorologiques, l’état de la mer et les vies humaines. Ce sont de vrais criminels sans foi ni loi», nous a-t-il indiqué. Et de préciser : «Ces convois transportent des candidats à la migration souvent d’origine subsaharienne. Les Marocains sont très vigilants et ne risquent pas leur vie lorsque la météo est mauvaise et la mer déchaînée». Mais, qu’en est-il du renforcement du contrôle des frontières et de la mise en place de mesures restrictives envers les migrants irréguliers ? « L’Etat continue à arrêter et à refouler entre 400 ou 500 personnes par mois. Pourtant, les sorties se sont multipliées, voire triplé. En une seule journée, nous avons enregistré la présence de 12 zodiacs en Méditerranée », nous a expliqué Hassan Ammari. Et de poursuivre : « C’est devenu récurrent. Plus l’Etat resserre l’étau, plus les migrants finissent par trouver une nouvelle route migratoire. Même les routes passant par les Iles Canaries ont repris du service actuellement alors que Frontex s’est vantée il y a quelques années d’avoir tari les flux migratoires sur cette route. Actuellement, le nombre des sorties détectées s’élève à 10 contre deux ou trois tentatives auparavant». Omar Naji soutient, de son côté, que le trafic humain bat son plein dans la région grâce à des réseaux structurés impliquant plusieurs personnes et plusieurs niveaux de responsabilité. « Prenez le cas de Nador, entre la forêt où sont cachés les migrants et la mer d’où sortent les barques de fortune, il y a 40 km de route, je me demande comment ces migrants et leurs passeurs peuvent se déplacer sur pareille distance sans être inquiétés?», a-t-il conclu.