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Certes, la spectaculaire mobilisation des débuts s'est émoussée, notamment les jours de semaine où les rassemblements peinent à attirer plus d'une centaine de personnes dans la plus grande ville de l'Etat de l'Oregon (650.000 habitants). Mais les manifestants, surtout des jeunes de moins de 25 ans,sont bien là, déterminés à faire entendre leurs voix à deux mois du scrutin présidentiel, alors que les bavures policières ne cessent de continuer.
"Si on veut changer le système, on doit continuer à le dire dans les rues, au moinsjusqu'à l'élection",
estime "S", un manifestant qui ne donne que l'initiale de son prénom. "Trump a fait un boulot pourri, le pays n'a jamais été aussi divisé", s'emporte-t-il, accusant le président républicain d'instrumentaliser le mouvement.
Donald Trump cite en effet régulièrement en exemple les manifestations de Portland, qui dégénèrent parfois en affrontements avec la police, pour agiter le spectre d'une Amérique à feu et à sang, à la merci des "voyous" d'extrême gauche et autres "terroristes de l'intérieur" en cas de victoire de son adversaire démocrate Joe Biden.
"Nous ne cherchons pas à mettre le feu, nous ne cherchons pas à provoquer des émeutes. Nous sommes là pour faire passer notre message", assure à l'AFP Reese Monson, 30 ans, l'un des leaders du mouvement "Black Lives Matter" ("Les vies noires comptent") à Portland, avant un rassemblement devant un commissariat de la ville. Quelques dizaines de jeunes casqués et masqués, pour beaucoup des militants antifascistes vêtus de noir, insultent et provoquent les policiers qui les éblouissent en retour à l'aide de puissants projecteurs. Ce soir-là, la situation ne s'envenimera pas, contrairement à beaucoup d'autres qui se sont terminés dans l'odeur des gaz lacrymogènes.
Reese Monson, "présent chaque jour depuis le début", reconnaît et regrette que "parfois des individus faisant partie ou non de notre groupe utilisent « Black Lives Matter » pour menacer la police ou provoquer la violence". "Mais nous avons le droit de manifester et de nous exprimer (...) nous n'allons pas partir en courant parce que la police nous dit de le faire", souligne-t-il.
Quelques minutes après l'inter- view, M. Monson sermonnera un "antifa" au sang chaud,se disant "fa- tigué" de ressasser les mêmes consignes: "On est là pour BLM!", martèle-t-il. Car si le noyau dur des manifestants s'est très bien organisé depuis la naissance du mouvement fin mai, avec infirmiers bénévoles, distribution gratuite de nourriture et d'équipements de protection, il est loin d'être réellement structuré ou homogène.
Des militants anti-racistes y côtoient des groupes d'ultra-gauche en tenue de combat, des étudiantes politisées en short et sandalettes et une poignée de curieux et de marginaux. Illustration de cette difficulté à coordonner le mouvement, le vote péniblement organisé mercredi soir dans un parc de l'est de Portland où quelque 150 personnes s'étaient rassemblées. Certains veulent marcher sur le commissariat, d'autres rester dans le quartier pour y défiler... Conclusion, 45 minutes plus tard: "Nous n'avons pas le temps de trouver un consensus dans le noir".
Une petite centaine de participants seulement prendra finalement le chemin du commissariat. De nombreux manifestants de Portland ont toutefois un point en commun: la peur d'actions violentes de la part de groupes d'extrême droite. Parfois armés et prônant la suprématie blanche, ces groupes sont bien implantés dans la région et habitués aux démonstrations de force depuis la première campagne présidentielle de Donald Trump en 2016.
Dans un contexte déjà tendu, Aaron Danielson, 39 ans, un partisan d'un groupuscule d'extrême droite, nommé Patriot Prayer, a été tué par balle samedi à Portland, dans des circonstances encore troubles qui font l'objet d'une enquête.
Donald Trump a dénoncé la mort d'un "homme pieux", "exécuté dansla rue". Craignant pour leursécurité, les militants anti-racistes de Portland rechignent à être filmés et insistent pour communiquer via des messageries cryptées. Mercredi soir, une manifestante avait renoncé à descendre dansla rue car elle n'avait "pas encore de gilet pare-balles", at-elle expliqué à l'AFP.