Casablanca : entre splendeur et décadence

La Ville Blanche sous l’œil d’une Française expatriée


Soifia Aliamet
Samedi 21 Novembre 2009

Casablanca : entre splendeur et décadence
Parler du Royaume à l’étranger revient souvent à penser presque instantanément aux villes impériales, avec en tête du palmarès des plus souvent citées, Marrakech qui reste l’indétrônable « number one ».
La Ville Blanche, quant à elle, semble être la grande oubliée des guides touristiques dédiés au Royaume et avec sa seule étoile au compteur, elle ne peut guère rivaliser avec ses voisines impériales. A l’évocation de Casablanca les réactions ne sont jamais nuancées. Soit l’interrogé ne tarira pas d’éloges sur une ville qu’il décrira comme « ouverte, moderne et dynamique » soit, au contraire, il vous conseille de « passer votre chemin » en ajoutant « qu’il n’y a rien à voir ».
Le fait est là. S’aventurer dans la Ville Blanche afin de la découvrir de plus près, c’est s’exposer à éprouver, sans cesse, une foule de sentiments contradictoires qui oscillent entre fascination et répulsion. L’une des premières surprises pour l’œil étranger est l’étendue de la ville. Il suffit en effet de prendre le train une fois ou deux pour constater que la capitale économique est bien la plus grande agglomération du pays. Des habitations s’étendent à perte de vue et les quartiers se succèdent et ne se ressemblent pas …
La deuxième constatation est un peu plus dérangeante. La ville ne brille pas pour sa propreté et, disons-le franchement, certains endroits sont particulièrement sales… En effet, si les villes impériales ont su rendre propres leurs grandes artères très fréquentées par les touristes, il n’en est pas de même pour de nombreux boulevards casablancais à l’instar de l’un des plus célèbres d’entre eux: le Boulevard Mohammed V.
Pourtant, réduire la ville à cet aspect serait lui faire offense. Le même boulevard offre à qui savent lever les yeux une architecture des plus intéressantes. Malheureusement défraîchis aujourd’hui, ses immeubles Arts Déco témoignent néanmoins du passé de la Ville Blanche et de son métissage. De plus, il n’est pas difficile d’imaginer comment était l’ancienne avenue de la gare lorsqu’elle était encore un lieu « à la mode ».
Le charme de la ville réside ainsi dans ce mélange subtil entre l’héritage architectural du protectorat et la modernisation de certains quartiers. Bon nombre d’immeubles ont su marier architecture européenne et arabo-andalouse afin de créer un style particulier propre à Casa et que l’on ne retrouve dans nulle autre ville du Royaume. Une réelle politique de réhabilitation du patrimoine architectural permettrait aisément de redorer le blason de la Ville Blanche surtout que les chantiers ne manquent pas : construction de logements, rénovation de la marina et création du Morroco Mall en sont les principaux exemples. Alors pourquoi ne pas d’abord sauver des bâtiments qui mériteraient de l’être ?
De plus, s’il est vrai que Casablanca est en agitation permanente, l’offre culturelle est loin d’être à la hauteur de l’envergure de la ville. Le Mégarama de la Corniche est ainsi le seul à connaître une activité digne de ce nom. Pourtant les petits cinémas de quartiers qui survivent tant bien que mal à l’instar du Lynx ou du Rialto ont un charme fou pour l’œil étranger car ils constituent un véritable patrimoine culturel et historique. Leurs balcons, leurs grandes affiches et leurs loges sont l’image même du cinéma des années 30. Dommage que rien ne soit fait pour sauver ces vestiges du passé.
D’autre part, si un projet de grand théâtre doit voir le jour à l’horizon 2014, il n’existe actuellement aucun lieu de représentation digne de ce nom. Expositions, cinémas et théâtres sont pourtant nécessaires à la dynamique de toute ville qui se respecte.
Par ailleurs, la capitale économique est très intéressante à découvrir, car à elle seule, elle rend compte de bon nombre de contrastes inhérents au Royaume et apparaît ainsi être un microcosme de la société marocaine tout entière. Ain Diab est ainsi l’endroit branché par excellence. La Corniche a réussi à se moderniser pour devenir un lieu agréable de détente et de sortie. Il suffit d’y mettre un pied le samedi soir pour comprendre l’ampleur du phénomène. Bande d’amis, couples jeunes et plus âgés désireux de sortir un peu, jeunes hommes à la recherche de conquêtes d’un soir, expatriés et touristes ; tous se retrouvent sur la Corniche et profitent au choix d’un ciné, d’un restau, d’un verre ou d’une discothèque.
L’œil étranger peut alors voir en ces jeunes couples et en ces femmes qui semblent plus émancipées, le reflet du Maroc « qui bouge ». Néanmoins il faut être prudent, car en pénétrant dans un bar pour y boire un verre tranquillement, l’on peut vite être surpris par « l’envers du décor ». A priori, la situation est la même que dans toutes les grandes villes du monde. Des jeunes filles, parfois mineures, sont là attablées autour d’un verre. Néanmoins lorsque des hommes relativement âgés et étrangers le plus souvent les rejoignent à leur table en leur offrant toujours plus d’alcool, on devine vite que l’émancipation à laquelle on croyait n’en est pas un du tout… La prostitution est ainsi omniprésente dans la Ville Blanche, bien que dissimulée tant bien que mal en certains endroits. En outre, pour le Marocain « lambda », Ain Diab ne représente qu’une infime partie de la société marocaine. L’opulence d’une minorité aisée qui s’y rend contraste fortement avec le reste de la population « Bidaouia ».
En longeant la Corniche vers la mosquée Hassan II, le contraste est évident : à droite de la chaussée, les villas de luxe se suivent au point d’en devenir ostentatoires tandis qu’un peu plus loin, sur la gauche, se dressent de nombreux baraquements autour du phare d’El Hank. Tels sont les paradoxes de la Ville Blanche et par extension du Royaume tout entier.
La classe moyenne que les économistes jugent souvent déterminante pour le bon fonctionnement de la société fait ici cruellement défaut.
Quels que soient les lieux de visite que l’on privilégie, ce dualisme est toujours là. Devant les vitrines des magasins chic du Maârif les plus miséreux mendient. Non loin de la fastueuse mosquée Hassan II se trouvent, de nouveau, de vrais bidonvilles. En périphérie, de vériatbles quartiers populaires constituent une « ville dans la ville ». Les exemples pareils peuvent se multiplier à l’infini.
Le succès de « Casanegra » peut ainsi être expliqué par la capacité du film à rendre compte à la fois de la beauté de la ville mais aussi de ses aspects les plus insupportables. Une seule réalité semble commune à tous les regards : Casablanca oscille sans cesse entre splendeur et décadence.


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1.Posté par rachid le 23/11/2009 20:42
10 ans sans voir mon pays à cause de la justice française aidez moi merci

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