Bornéo malade de la fièvre du charbon


AFP
Vendredi 27 Décembre 2013

Bornéo malade de la fièvre du charbon
L'épaisse jungle qui résonnait des chants d'oiseaux exotiques a fait place à une colline pelée, où l'on n'entend plus que le bruit des pelleteuses à charbon: à Bornéo, la fièvre du nouvel or noir dévore forêts et villages.
Vue d'avion, la longue ligne de barges débordant de charbon forme comme un serpent noir sur le fleuve Mahakam: 200 millions de tonnes du précieux minerai sont expédiées chaque année depuis le Kalimantan-Oriental, souvent vers les économies en forte croissance de Chine et d'Inde.
Située dans la partie indonésienne de Bornéo, troisième plus grande île du monde, la province est à l'Indonésie ce que le Far-West était à la ruée vers l'or.
Sa capitale, Samarinda, est dorénavant occupée à plus de 70% par des mines, selon des données officielles. La ruée des grands groupes internationaux a poussé des villages entiers à quitter l'endroit, et provoqué une accélération impressionnante de la déforestation.
Selon le WWF, Bornéo a perdu plus de la moitié de la jungle qui la couvrait encore à plus de 90% il y a quelques décennies seulement, et ce en dépit d'un moratoire sur les défrichements lancé en 2011 par le gouvernement indonésien, largement considéré comme un échec.
Pourtant cette forêt tropicale est une réserve de biodiversité avec quelque 1.400 espèces animales et 15.000 espèces végétales, qui absorbe le gaz carbonique de la planète, permettant de ralentir le réchauffement climatique.
Ironie du sort, Samarinda est régulièrement plongée dans le noir, les coupures de courant se multipliant en raison d'un réseau électrique vétuste, tandis que son sol permet de faire tourner nombre de centrales chinoises.
Né à Samarinda il y a trente ans, Udin, chauffeur, se souvient encore d'un temps où la ville était entourée de forêts primaires à perte de vue.
"Quand j'étais enfant, ma maison se trouvait en pleine jungle. Il y avait des orangs-outans et des oiseaux de toutes les couleurs", raconte-t-il à l'AFP. "Maintenant, tout est désolé".
La multiplication des mines a de plus contaminé la zone, menaçant l'agriculture.
"Le riz pousse dans l'eau contaminée", explique Komari, qui vit dans la région depuis 1985. "Nous le mangeons toujours mais je pense que c'est vraiment mauvais pour notre santé", ajoute le paysan de 70 ans, les pieds dans la gadoue brune qui entoure le taudis d'une pièce qui lui sert de maison, à lui et à sa femme.
Avec 18 autres agriculteurs, Komari a déposé plainte contre les autorités, les accusant d'être responsables de la contamination en autorisant l'exploitation des mines si proches des rizières.
Ils ne demandent pas d'indemnités mais veulent que les autorités contraignent la mine à décontaminer l'eau.
Cela semble difficile, tant les sociétés minières jouissent de solides appuis au sein du pouvoir local, voire même d'un blanc-seing que leur a conféré une administration corrompue.
"On les appelle la mafia de la mine", ironise Merah Johansyah, représentant à Samarinda de Jatam, une ONG représentant les communautés affectées par l'exploitation minière en Indonésie. 
L'ONG, ainsi que l'association "Indonesian Corruption Watch", ont récemment dénoncé une affaire de corruption touchant le groupe indonésien Graha Benua Etam. Selon les organisations, la société aurait en 2009 versé des pots-de-vin d'au moins 4 milliards de roupies indonésiennes (240.000 euros) au ministre régional de l'Energie, en échange d'un permis d'exploitation. Le groupe Graha Benua Etam n'était pas disponible pour commenter. 


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