Besoin d'une vision globale en matière de planification dans le secteur de l’énergie

Zineb El Adaoui lors d’une séance plénière conjointe des Chambres des représentants et des conseillers


Libé
Samedi 18 Janvier 2025

Besoin d'une vision globale en matière de planification dans le secteur de l’énergie
La présidente de la Cour des comptes, Zineb El Adaoui, a déclaré, devant les deux Chambres du Parlement, le besoin de consacrer une vision globale en matière de planification dans le secteur de l’énergie.

Lors d'une séance plénière conjointe des Chambres des représentants et des conseillers consacrée à la présentation d'un exposé sur les activités de la Cour des comptes au titre de la période 2023-2024, Mme El Adaoui a indiqué que la Stratégie énergétique nationale (SEN) 2009-2030 englobe plusieurs volets importants tels que les secteurs de l'électricité, des énergies renouvelables, de l'efficacité énergétique, des carburants et des hydrocarbures, de l'énergie nucléaire, de l'exploration des hydrocarbures, des schistes bitumineux et des bioénergies.

D'importantes réalisations ont été accomplies pour consolider la position du Maroc dans le domaine de la transition énergétique, a-t-elle affirmé, rappelant que le Royaume occupe actuellement la quatrième place au niveau africain et la troisième dans le monde arabe en termes de capacité installée de production d'électricité à partir d'énergies renouvelables.
La présidente de la Cour des comptes a relevé, en revanche, que certains aspects de cette stratégie "sont à améliorer, notamment la gouvernance du secteur de l’énergie et le degré de réalisation des objectifs fixés pour chacune des composantes de la stratégie".

Concernant la planification énergétique, Mme El Adaoui a fait observer qu’elle s’est focalisée sur le secteur de l’électricité avec, particulièrement, l’élaboration de plans d'équipement relatifs à la production et au transport de l'énergie électrique, "tandis que d'autres aspects importants, tels que la sécurité d’approvisionnement, l'efficacité énergétique et la diversification des sources d'énergie, n’ont pas été inclus", ce qui met en évidence la nécessité d’instaurer une vision holistique dans la planification énergétique".

De même, en matière de contractualisation entre l’Etat et les établissements et entreprises publics du secteur de l’énergie, Mme El Adaoui a constaté un "recours limité" à ce mécanisme, "malgré le lancement de plusieurs initiatives dans ce sens", notant que "depuis 2008, soit à la veille du lancement de la SEN, seulement deux contrats-programmes ont été conclus avec l'ONEE : un premier couvrant la période 2008-2011, puis un deuxième pour la période 2014-2017".

Pour ce qui des réalisations enregistrées dans les différentes composantes de la SEN, les données contenues dans la présentation de Mme El Adaoui montrent que la part des énergies renouvelables dans le mix électrique est passée de 32% en 2009 à 40% à fin 2023, pour atteindre 44,3% en août 2024.

Afin d'atteindre l'objectif fixé de 52% à l'horizon 2030, la présidente de la Cour des comptes a souligné la nécessité d’accélérer le rythme de réalisation d'un certain nombre de projets liés à la production de ces énergies, notant, à titre d'exemple, que certains projets présentés par le secteur privé conformément à la loi n° 13.09 n'ont pas encore été autorisés, faute de capacité suffisante du réseau de transport de l'électricité.

Dans ce sillage, Mme El Adaoui a considéré que l’élaboration, l’approbation et la mise en œuvre d’une stratégie nationale d’efficacité énergétique deviennent une nécessité impérieuse, au même titre que la mise en place d'un cadre incitatif pour promouvoir les mesures d'efficacité énergétique. Bien que la SEN a fait de l’efficacité énergétique une priorité nationale, "aucune stratégie relative à ce secteur n’a été adoptée dans ce domaine, compte tenu de l’insuffisance et du manque d’efficacité des mesures appliquées", a-t-elle signalé, ajoutant qu'à cause de ce manquement, le taux d’économie de l’énergie n’a pas dépassé 5,8%, un pourcentage qui reste en deçà de l’objectif fixé de 20% à l’horizon 2030.

Cette situation marquée par la mise en œuvre limitée des mesures d’efficacité énergétique est due à la faiblesse des moyens financiers, au retard de publication de certains textes d’application de la loi° n° 47.09 relative à l’efficacité énergétique et à l'absence d'un dispositif d’incitation capable de faire adhérer les secteurs énergivores, a expliqué Mme El Adaoui.

S’agissant du secteur des hydrocarbures, elle a précisé qu'il se trouve dans une situation nécessitant la mise en place de mécanismes de gestion et de contrôle de ses stocks de réserve afin d'atténuer l'impact des fluctuations des prix sur le marché international et leurs répercussions sur les prix au niveau du marché national.

Depuis l’adoption de la SEN en 2009, les stocks de réserve des différents produits pétroliers sont restés en deçà du niveau requis de 60 jours, a-t-elle ajouté, rappelant à titre d’exemple qu'en 2023, "les stocks de gasoil, d'essence et de gaz butane n'ont pas dépassé respectivement 32, 37 et 31 jours".

En ce qui concerne les produits pétroliers importés, la présidente de la Cour des comptes a fait état d'une "diversification limitée des points d'entrée avec un seul et unique nouveau point d’entrée réalisé depuis le lancement de la stratégie en 2009, et ce au niveau du port Tanger Med".

Pour ce qui est du gaz naturel, Mme El Adaoui a constaté que les initiatives prises depuis 2011 pour développer ce secteur sont restées inachevées, "ce qui affecte les efforts visant l'abandon progressif du charbon dans la production de l'électricité". Pour faire face à cette situation, elle a préconisé "le déploiement de ces initiatives dans le cadre d'une stratégie officielle et d’un cadre juridique adéquat, permettant l’émergence d’un marché gazier transparent et attractif pour les investisseurs".

Chantiers des grandes réformes
 
La présidente de la Cour des comptes a fait état du suivi de la mise en œuvre et de l'identification des risques potentiels
La Cour des comptes a poursuivi ses efforts en matière de suivi de la mise en œuvre des chantiers des grandes réformes initiés par le Royaume, tout en identifiant les risques pouvant entraver l’atteinte des objectifs assignés à ces chantiers, a-t-elle estimé.

S'exprimant lors d’une séance commune des deux Chambres du Parlement consacrée à la présentation d'un exposé sur les activités de la Cour au titre de 2023-2024, Mme El Adaoui a indiqué que dans le cadre du suivi de la mise en œuvre des chantiers des grandes réformes, la Cour des comptes a procédé, au titre de l'exercice 2023-2024, et à l'instar des deux dernières années, à une appréciation de l’état des actions réalisées et celles en cours, et a identifié les risques potentiels et ce en matière de réalisation des chantiers de la protection sociale, l'investissement, les établissements et entreprises publics, ainsi que de la réforme fiscale.

Aussi, et dans le cadre de ses travaux de contrôle et de suivi de la mise en œuvre des grands chantiers, la Cour a accordé une attention particulière à deux problématiques, en l’occurrence l'eau et la régionalisation avancée en y consacrant des recommandations dans le présent rapport, a ajouté Mme El Adaoui.

S'agissant du secteur de l'eau, le Royaume a adopté des politiques hydriques proactives depuis les années 60, en commençant par la politique de construction des barrages, afin d'améliorer la durabilité des ressources en eau et de renforcer la capacité à faire face aux défis environnementaux et économiques, jusqu'au lancement du Programme national d’approvisionnement en eau potable et d’irrigation 2020-2027 (PNAEPI), avec pour objectif de sécuriser l'approvisionnement en eau potable et satisfaire les besoins des secteurs productifs, et dont le budget a été porté à 143 milliards de dirhams (MMDH), a-t-elle rappelé.

A cet égard, la capacité totale de stockage des barrages est passée de 18,7 milliards de m³ en 2020 à 20,7 milliards de m³ en 2023 grâce à la mise en service d’un ensemble de barrages, dont la construction a commencé avant le lancement du programme, notamment les barrages Todgha, Tiddas, Agdz et Fask, a-t-elle relevé, notant qu'en raison principalement des résiliations des marchés de travaux les concernant, certains projets de grands barrages ont enregistré du retard par rapport aux prévisions, notamment les barrages de M’dez et Targa Ou Madi.

Compte tenu de la retenue actuelle des barrages, qui ne dépasse pas 29% à fin décembre 2024, Mme El Adaoui a mis l’accent sur l'impératif d’orienter les projets de construction des barrages vers les régions bénéficiant de fortes précipitations, afin d'éviter toute perte des apports hydriques et d'en maximiser l’exploitation, notamment aux niveaux des bassins hydrauliques de Sebou, Loukkos, Bouregreg et Oum Er-Rbia.

De surcroît, il est nécessaire d'accélérer le rythme de réalisation des projets d’interconnexion des bassins hydrauliques, en tant que solution innovante pour atténuer la pénurie d'eau dans les zones souffrant d'une diminution de leurs ressources hydriques, et pour réduire les disparités territoriales dans la répartition de ces ressources, a-t-elle ajouté.

Il s'agit également de parachever les projets d'interconnexion entre les bassins hydrauliques de Loukkos, Sebou, Bouregreg et Oum Er-Rbia, ainsi que l'accélération des projets de mobilisation des ressources non conventionnelles, tels que le traitement des eaux usées et le dessalement de l'eau de mer, de sorte, a-t-elle expliqué, à renforcer la gestion intégrée des ressources en eau tout en veillant à la préservation des réserves stratégiques en eaux souterraines.

Toutefois, les efforts déployés, pour moderniser les réseaux d’irrigation collective et promouvoir l’irrigation localisée n’ont pas permis de stabiliser la demande en eau d’irrigation, a fait remarquer Mme El Adaoui, précisant que la superficie équipée en systèmes d’irrigation localisée a représenté près de 50% de la superficie irriguée à l’échelle nationale à fin 2023 et ce, "compte tenu de la lenteur de la dynamique d'équipement interne des domaines agricoles dans le cadre des projets collectifs de conversion à ce système d'irrigation".

Le secteur agricole ne tire pas profit pleinement du potentiel des eaux usées traitées, sachant que leur volume a atteint environ 37 millions de m³ en 2023, a-t-elle noté, expliquant cette situation par plusieurs facteurs dont l'absence de normes fixant les caractéristiques de qualité des eaux usées traitées, destinées à être utilisées dans le secteur.

La gestion efficace de l’eau passe également par la poursuite de la réduction des quantités importantes de fuites dans les réseaux en augmentant leur efficacité de 77%, comme moyenne nationale actuelle, à 80% comme objectif d’ici 2030, a-t-elle enchainé.

Bien que le Maroc ait œuvré à adapter l’arsenal juridique lié à l’eau, "l’approche juridique reste insuffisante à moins qu’elle ne soit conjuguée à une approche multidimensionnelle garantissant la réalisation de l’intégration et de la convergence entre les secteurs de l’eau, de l’agriculture et de l’énergie et la compatibilité de leurs stratégies au niveau territorial".

Tenant compte des expériences réussies à l'échelle mondiale, Mme Al Adaoui a appelé à renforcer le recours aux énergies renouvelables pour mobiliser les ressources en eau, à promouvoir la recherche scientifique dans le domaine de l'eau et à encourager la collaboration avec les universités et les laboratoires de recherche, en vue de contribuer à l'élaboration de solutions locales aux problématiques environnementales, en l’occurrence celles liées à l’eau et au sol.

Elle a également souligné la nécessité d’exploiter tous les canaux de communication possibles afin de sensibiliser les entreprises, les ménages et les citoyens à la nécessité de rationaliser leur comportement en matière de consommation d’eau, en plus de renforcer les mécanismes de dissuasion contre les comportements irresponsables concernant la consommation d’eau.

D’autre part, Mme El Adaoui a confirmé que, concernant le chantier de réforme de la régionalisation avancée, la Cour des comptes a suivi cette réforme au cours de l’année 2024, poursuivant ainsi la mission thématique qu’elle avait accomplie à cet égard en novembre 2023.

Elle a affirmé que les autorités publiques ont initié l’accélération de ce chantier à travers une série de réformes juridiques et institutionnelles liées à la décentralisation et à la déconcentration administrative, en plus de l’allocation de mécanismes renouvelés et de ressources pour soutenir les régions dans l'exercice de leurs compétences et le renforcement de leurs capacités de gestion, faisant état de la poursuite de la tendance ascendante des ressources financières allouées par l’Etat en faveur des régions.

A cet égard, elle a précisé que les contributions du Fonds spécial relatif au produit des parts d'impôts affectées aux régions sont passées de 3,79 MMDH en 2016 à 8,79 MMDH en 2023, soulignant que le total des ressources transférées par l’Etat s’élevait à environ 57,64 MMDH du 1er janvier 2018 à fin 2024, auxquelles s'ajoutent les ressources du Fonds de solidarité interrégionale qui ont atteint 6,19 MMDH durant la même période.

Mme El Adaoui a noté que la mise en oeuvre de ce chantier structurel nécessite davantage d’efforts pour accélérer la mise en application de la Charte nationale de la déconcentration administrative sur le terrain. Cela implique l'application des mesures programmées et l'évaluation des résultats, confirmant que le taux d'avancement de la feuille de route relative à cette charte n’avait pas dépassé 36% jusqu’à mi-octobre 2024.

Elle a également ajouté que le rythme de transfert et de délégation des compétences prioritaires en matière d’investissement vers les services déconcentrés, reste insuffisant, avec un taux ne dépassant pas 38% à mi-octobre 2024.

Concernant le cadre juridique et institutionnel de la régionalisation avancée, Mme El Adoui a expliqué que la réalisation des objectifs escomptés, notamment permettre aux régions de remplir leurs rôles dans le développement, est tributaire de la précision et de l’adaptation des textes législatifs et réglementaires qui régissent les domaines d’intervention des départements ministériels liés aux compétences des régions, y compris 18 domaines relevant des compétences propres des régions et trois domaines dans les compétences partagées, afin de délimiter les champs d’intervention des différents acteurs institutionnels et d’atténuer le chevauchement de leurs attributions avec celles des régions.

Il est également important de définir les compétences et l’organisation des représentations administratives régionales communes et sectorielles approuvées par la Commission interministérielle de la déconcentration administrative, et la délégation des compétences décisionnelles à celles-ci, afin d'assurer l’unité d’action des services de l’Etat au niveau régional et de garantir une bonne coordination entre eux, a ajouté Mme El Adaoui, indiquant qu'il a été procédé à l'approbation de trois représentations communes, et deux sectorielles.

En ce qui concerne les mécanismes d’activation de la régionalisation avancée, Mme El Adaoui a assuré que la Cour a noté une utilisation limitée du mécanisme de contractualisation entre l’Etat et les régions pour l'exécution des projets prioritaires inclus dans la première génération des programmes de développement régional.

Elle a fait remarquer que, durant la période 2020-2022, seules quatre régions ont finalisé la procédure de signature des contrats-programmes avec l’Etat, englobant 197 projets de développement pour un coût total de 23,56 MMDH. Toutefois, le taux de projets complètement achevés dans le cadre de ces quatre contrats-programmes n’a pas dépassé 9%, tandis que 80% des projets étaient encore en cours de réalisation jusqu'à fin avril 2024.

Elle a insisté sur le fait que la réussite de la contractualisation entre l’Etat, les régions et les autres parties prenantes dépend de l’adoption d’un cadre réglementaire qui définit clairement les obligations des différentes parties durant les phases de préparation et de mise en œuvre, ainsi que de la rationalisation et du contrôle des délais des procédures relatives à la conclusion du contrat, dans le but de combler les lacunes observées dans l'implémentation de la première génération des programmes de développement régional.
Cette situation nécessite une grande précision dans la définition des projets prioritaires à réaliser dans le cadre d’un contrat entre l’Etat, la région et les autres intervenants, intégrant les mécanismes susceptibles de garantir leur succès, notamment par la définition des formalités et des conditions de signature et de mise en œuvre de ce contrat, a-t-elle fait valoir.
Et de poursuivre qu'il est également nécessaire d’accompagner les régions dans la réalisation des programmes de développement régional qui ont été approuvés afin de remédier aux lacunes précédemment enregistrées, en tenant compte de leurs capacités de gestion et des ressources financières engagées.

Mme El Adaoui a conclu en indiquant que, concernant la feuille de route pour la prochaine étape, la Cour des comptes a pris note des recommandations issues des travaux de la deuxième édition des Assises nationales de la régionalisation avancée, tenus en décembre dernier, qui sont en phase avec les conclusions du rapport d'évaluation institutionnelle de la régionalisation avancée de la Cour de novembre 2023.


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