Berceau d'un patrimoine archéologique national très diversifié

Ifrane, une destination de choix pour l'écotourisme


MOHAMMED DRIHEM
Lundi 27 Avril 2009

Berceau d'un patrimoine archéologique national très diversifié
La date de naissance officielle de cette petite ville de montagne en 1929 a coïncidé avec celle de feu Hassan II. La date de son statut de municipalité remonte à 1947 celle-là même où de Tanger, feu Mohammed V prononça son mémorable discours sur la nécessité de libérer le Maroc du joug colonial. Elle est promue au rang de chef-lieu de province en 1979, année où le Maroc a parachevé la récupération de son Sahara par le retour à la mère patrie de la province de Oued Eddahab. En 1992, elle est choisie par feu Hassan II pour accueillir l'Université Al Akhawayne qui donnera une impulsion extraordinaire à son expansion et modifiera ses structures socio-économiques. En janvier 2007, SM le Roi Mohammed VI apporta une nouvelle touche de modernité à la cité et donna le coup d'envoi aux travaux de mise à niveau de la ville d'Ifrane.
En l'espace de 70 ans à peine, la ville est passée de l'état d'un modeste petit centre d'estivage dont les installations plus ou moins provisoires étaient éparpillées entre les chênes et les cèdres millénaires du Moyen Atlas à une charmante et pittoresque ville de détente et de quiétude unique en son genre au Maroc et en Afrique. Avec sa nouvelle fonction universitaire et touristique - Plan Biladi l'explique-, elle joint ainsi à ses qualités récréatives et génératrices une activité intellectuelle, scientifique, culturelle et touristique qui portera son rayonnement bien au-delà des frontières nationales. Il  nous importe de préciser que la ville d'Ifrane noyée dans son arboretum, apparaissant comme dans un parc à la gloire de la nature comme disait Michel R. Tarrier, se trouve être la capitale d'une province jouissant de grandes richesses historiques moins connues et inexploitables à ce jour. En plus de ses paysages pittoresques (parcs national, lacs, cours d'eau, cascades, forêts, etc.), selon Pr. Lahcen Taouchikht (ex-enseignant-chercheur en archéologie à l'Institut national des sciences d'archéologie et du patrimoine de Rabat), la ville d'Ifrane et toute sa province sont aussi le berceau d'un patrimoine archéologique national très diversifié prouvant que les premières traces de l’homme dans la région d'Ifrane remontent probablement au paléolithique. Les grottes éparpillées dans tout le territoire ifranien, notamment celles de Tizguite (Zaouïa de Sidi Abdeslam bou Yaagoub) et les vestiges des sites archéologiques anciens appartenant en général à la même période tels que Zerrouka, Paysage Itto et Ghabt Al Bahr et Boutkhoubay entre autres en sont témoins.
Concernant la période islamique, on peut signaler la Kalâa d'El Mehdi Ben Saoula ou Ben Taoula qui date de l'époque almoravide et se situe, d'après quelques sources historiques, près de la localité de Timahdite.
Durant le règne de la dynastie alaouite, on peut citer les deux Kasbah d'Azrou et celle de Aïn Leuh. Dans le même sens, les confréries «zaouïa» de Sidi Abdeslam, Sidi El Makhfi, Sidi Mehdi, Sidi Brahim, Bensmim et d’Oued Ifrane datent des 18ème et 19ème siècles. Selon les mêmes sources, les premières prospections et observations de cette région ont été effectuées par L. Siret dans les années vingt du siècle dernier. Elles seraient suivies par celles de P. Pallery qui explora une partie du Moyen Atlas septentrional et oriental ainsi que la vallée de la Moulouya. En 1945, H. Koehler a effectué des prospections dans les deux contrées d'Ifrane et d'Imouzer du Kandar, alors que D. Lefevre a procédé à des ramassages de surface sur les sites d'El Hajeb, de Aïn Leuh et de Aguelmam Sidi Ali.
Concernant les sites préhistoriques de la ville d'Ifrane et de sa province, ils datent presque tous de l'ère du paléolithique. Les indices matériels de la période protohistorique demeurent rares, le seul gisement sûrement rattaché à la protohistoire est la grotte dite : Ifri N'Ouberrid située près de Aïn Leuh où l’on a recueilli quelques ossements humains et des objets en poterie. Quant aux sites protohistoriques répertoriés dans la ville d'Ifrane et sa province, ils sont au nombre de cinq.
Par ailleurs, le Pr L. Taouchikht relève que la période de l'Antiquité dans la province d'Ifrane semble bien obscure par manque d'informations écrites et de recherches archéologiques approfondies. Toutefois, si les vestiges qui attestent une occupation antique de la province sont peu abondants tels les meules en basalte trouvées à Volubilis et dans d'autres sites contemporains qui laissent supposer leur provenance du Moyen Atlas, on peut déduire qu'il y a eu au moins des échanges commerciaux entre cette région et les cités romaines avoisinantes.
De même, l'histoire de la province d'Ifrane ne semble pas s'éclaircir aussi à l'époque islamique même dans ses grandes lignes. Les sources écrites nous relatent quelques sites dont le plus célèbre est celui dénommé Tagragra situé probablement dans la vallée d'Oued Tigrigra. Il était un atelier de monnaies où furent frappés des dinars idrissides datant de  221 et 233 de l'Hégire. Durant le 11ème siècle, les Almoravides ont mis fin au pouvoir des principautés zénètes et dominaient désormais le Moyen Atlas afin de mieux contrôler les voies commerciales. Le 13e siècle a été marqué par l'affaiblissement du pouvoir mérinide ainsi que par l'arrivée des tribus sanhajites dans la région. L'axe commercial Fès-Sijilmassa perdait alors son importance au profit des axes Nord-Est. Après le 16ème siècle et sous la pression des sécheresses et des Arabes Ma'quil, la région a connu un début de plusieurs mouvements de tribus.
La fondation par le Sultan Moulay Ismaïl d'une ceinture de forteresses stoppa le flux de ces dernières vers le Nord. Ceci a favorisé la création des noyaux de sédentarisation et par conséquent, il a impliqué un changement radical du mode de vie dans les centres ultérieurs construits comme Kasbah notamment à Azrou et à Aïn Leuh.


Recherche scientifique

L'INSAP a lancé de vastes chantiers visant la réalisation d'une carte archéologique de la province d'Ifrane. Cette opération de grande envergure qui entre dans le cadre des programmes de recherches initiés sous la conduite du Pr. Lahcen Taouchikht vise à :
- appliquer les recommandations de la table ronde sur la carte archéologique au Maroc qui s'est déroulée à l'INSAP à Rabat en octobre 1997 ;
- collecter et inventorier un matériel archéologique très utile au vrai démarrage du futur musée régional du Moyen Atlas prévu à Azrou;
- sauvegarder et valoriser un patrimoine culturel riche et diversifié, mais qui est en voie de disparition; - intégrer ce patrimoine dans le processus de développement local, tel le tourisme culturel en particulier;
- réaliser la première démarche du projet directeur intitulé : «La carte archéologique du Moyen Atlas».


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