Peintres lauréats des écoles, peintres anciens, peintres autodidactes, on se perd en conjecture à chaque fois qu’on tente de dresser une échelle de valeur car il en faut bien une pour que chacun soit à sa place. Les prix sont des plus prohibitifs et chacun y va de son argumentaire. Les anciens avancent l’expérience et la signature, les lauréats des écoles prétendent qu’ils apportent un nouveau souffle à des tendances et styles qui s’essoufflent, les autodidactes avancent qu’ils se sont orientés vers ce mode d’expression plutôt qu’un autre et qu’ils ont donc droit de cité parce qu’ils ont sacrifié je ne sais quoi.
Entre les uns et les autres, il est difficile de trouver un terrain d’entente car chacun campe sur ses positions et est convaincu d’avoir raison.
Un autre phénomène est venu s’ajouter à cette cohue, celui des ventes aux enchères. Personne n’arrive en effet, à comprendre comment sont fixés les prix des tableaux mis en vente et comment parfois on atteint des prix faramineux pour des productions qui ne les méritent pas. Quelle différence y a-t-il entre la vente aux enchères d’œuvres d’artistes qui sont toujours en vie et d’autres qui ont décédé. La différence est énorme mais l’esprit qui prévaut dans les ventes aux enchères au Maroc ne le considère pas ainsi et l’on ne sait pas pourquoi.
Certes le fait que l’activité plastique dépasse le cadre de l’axe Casa-Rabat, est une bonne chose mais aujourd’hui les efforts semblent éparpillés au point qu’on ne peut arriver à brosser une carte de la création plastique au Maroc.
Et si on comprend tant bien que mal que les anciens demandent des prix élevés pour leurs travaux, il n’en n’est pas de même pour les jeunes qui croient, à tort, que lorsque le prix est élevé, cela signifie que le travail est bon. Les autodidactes, eux, vacillent entre les deux. Il faut dire que parmi eux, il existe des talents indéniables comme il existe aussi des peintres qui perdent plutôt leur temps.
Et comme l’avenir appartient aux jeunes, comme on dit, c’est aux jeunes de tracer les contours d’un nouveau paysage plastique. Mais pour cela il faut qu’ils sortent de leur réserve, notamment ceux qui habitent dans des villes lointaines où les salles d’exposition manquent cruellement et où la médiatisation est quasi-absente. Et en parlant de médiatisation, force de constater que certains peintres anciens et moins anciens sont surmédiatisés parfois de façon malsaine. D’autres qui méritent n’arrivent pas à se faire connaître et donc leurs œuvres ne peuvent être cotées soit-elles de bonne facture.
Normalement c’est aux fondations d’adopter ces jeunes talents au lieu de continuer à courir derrière des étrangers dont la valeur artistique n’est pas toujours prouvée. Et des fondations, il y en a de plus en plus mais elles ne se manifestent que rarement. Il y a aussi cette question épineuse du musée national qui ne voit toujours pas le jour. Une telle initiative est susceptible de clarifier les choses en mettant chacun dans le compartiment où il doit être mis.
Les foires, les salons et autres manifestations de ce genre, ont montré leurs limites et dévoilé un souci plutôt mercantiliste qu’artistique.
Une intervention du ministère de la Culture serait salutaire si elle permettait de clarifier les choses à commencer par un certain classement des artistes, selon leur expérience, leur formation et la qualité de leurs œuvres. Il faudrait instaurer un système à même de permettre une véritable évaluation des artistes et couper ainsi avec les pratiques de certaines galeries d’art et maisons d’enchères qui ne font que verser dans la spéculation.