-
Un mégaprojet d'hydrogène vert menace l'observation du ciel dans le désert d'Atacama
-
Au salon CES, la bataille des lunettes connectées fait rage
-
Agent révoqué pour avoir reçu une tronçonneuse en pot-de-vin
-
Le coût des catastrophes naturelles exceptionnellement élevés l'an dernier
-
Un garçon retrouvé vivant après cinq jours dans un parc truffé de lions
"Bien sûr, je suis d'origine phénicienne avant tout. Je ne pense pas que les Libanais soient des Arabes", dit Rebecca. "La civilisation a évolué mais nous sommes là depuis des siècles", ajoute-t-elle.
Sa copine Marianne, 22 ans, tente de nuancer. "Nous ne pouvons pas nier notre arabité", avant d'ajouter : "Nous ne sommes pas vraiment arabes, nous sommes plus ouverts que les autres".
L'origine de la polémique remonte au début du XXe siècle, quand les maronites, groupe chrétien le plus puissant du pays, ont commencé à revendiquer une filiation avec les Phéniciens, un peuple antique de commerçants habiles et de navigateurs expérimentés.
Le but était alors de se distinguer du reste des pays et communautés musulmanes qui affichaient leur "arabité".
Ce débat idéologique s'est intensifié à la veille de la guerre civile (1975-1990). Après le conflit, l'article de la Constitution qui, depuis l'indépendance en 1943, stipulait que le Liban était "à visage arabe", a été remplacé par celui affirmant qu'il était "un pays arabe". Le contentieux continue cependant d'agiter le Liban, et même au-delà de ses frontières. Le président syrien Bachar al-Assad s'étonnait encore récemment dans une interview que certains Libanais "disent être des Phéniciens". "Nous sommes arabes", proclame Chehadé, un Libanais de 50 ans. "Il n'y a pas de débat là-dessus, nous vivons dans un environnement arabe". L'essentiel pour le sociologue et historien libanais Boutros Labaki est que "tout le monde se perçoive actuellement comme Libanais".
"Il reste une perception contradictoire dans le cerveau des gens en raison des identités fabriquées au cours des deux derniers siècles comme appui à des revendications politiques et communautaires", explique-t-il toutefois.
"Chaque communauté a voulu légitimer ses options politiques, son pouvoir par l'identité", poursuit-il. "Derrière chaque affirmation, il y avait un projet politique." La génétique est récemment venue balayer certains préjugés. Pierre Zalloua, généticien à l'Université libano-américaine (LAU), a effectué ces dernières années des études sur les origines des populations du Proche-Orient et découvert des "signatures" phéniciennes dans l'ADN d'au moins 30% des Libanais.
"C'était très surprenant de trouver après des milliers d'années qu'il reste autant de traces", dit-il à l'AFP.
Mais le scientifique, qui a publié ses études dans l'American Journal of Human Genetics et Annals of Human Genetics, a aussi confirmé que ces gènes n'étaient pas l'apanage d'une religion : on peut être musulman ou chrétien et porter des traces du passé phénicien. "Ce peuple a vécu avant les religions et les divisions géopolitiques".
M. Zalloua précise avoir retrouvé également au Liban beaucoup de traces provenant de la péninsule arabique, sans doute depuis l'époque de l'expansion musulmane, ainsi que des Croisés.
Pour lui, la confusion vient du fait que certains assimilent les Arabes à une ethnie homogène : "Or, je peux avoir un héritage génétique cananéen (phénicien) et être arabe, car l'arabité est liée à la langue, à la culture".
Une étude de M. Zalloua sur le Levant (Syrie, Liban, Palestine) souligne que les gens habitant le littoral ont le même bagage génétique.
"Cela montre qu'on est beaucoup plus semblable que différent", explique-t-il.