Passionné des matériaux plus éloquents, Moubarak met en toile des espaces scéniques structurés par les tons telluriques et l’alchimie naturaliste. Il a su exploiter la mémoire de la terre avec certitude et adresse, en captant les traces des êtres et des choses via la magie visuelle de la technique mixte. Les clairs obscurs, les vides et les pleins, l’ordre et le désordre, le visible et l’invisible, la transparence et l’opacité, la suggestion et l’effacement sont autant d’éléments plastiques qui donnent forme à ses états d’âme et à ses impressions abstraits.
Carrefour labyrinthique, le langage plastique nous révèle une abondance des touches et des compositions meublant le fond du tableau. C’est tout une œuvre ouverte qui revisite la matière, ses textures et ses transformations pour mettre en relief une palette brute à l’huile sur toile.
Dans ses œuvres récentes placées sous le signe « traces de vie », Moubarak nous fait découvrir un nouveau code pictural inspiré des formes géométriques, en l’occurrence le carré et le rectangle, tout en réinterprétant les gribouillages et les graffitis, ce qui nous fait penser à la peinture rupestre et pariétale.
Le contraste clair–obscur renforce la tridimensionnalité de l’œuvre et suggère la profondeur et le relief: C’est la profondeur des couleurs qui révèle l’impact de la mémoire visuelle sur le travail artistique et ses dimensions plurielles.
Sur son acte pictural, Moubarak nous a confié : « Je rends un hommage à la mémoire des Hommes préhistoriques qui utilisèrent les couleurs pour des rites funéraires ou magiques, des attributs guerriers, des cérémonies festives. Les peintures préhistoriques qui datent de 40.000 à 10.000 ans avant notre ère m’ont beaucoup inspiré par leurs techniques originales : des pigments pour fabriquer la peinture, des liants pour que la peinture tienne sur les parois, des outils pour déposer la peinture.
Pour moi, l’art est la plus sublime mission de l’homme puisque c’est l’acte de la pensée qui cherche à comprendre le monde et à le faire comprendre. Dans mes œuvres matiéristes, on retrouve un retour passionnant aux sources dont le souci majeur est de mettre en avant l’état pur et brut de «la vie naturelle» dans ses ramifications et ses prémices. Les transformations possibles de la matière m’intriguent et me poussent à repenser la dualité de l’esprit et la matière.
La terre, symbole d’identité et d’appartenance, est la mémoire qui signifie le plus le désir et la transcendance. C’est la trace de la communication, de la vie et de la passion. Elle est le canal par lequel les impressions s’extériorisent. Le tableau, pour moi, est un lieu variable qui ressemble au phénix. Il rend visible l’invisible et regroupe ce qui d’apparence relève du tactile. C’est notre imaginaire en peinture qui sublime le réel, le transfigure, le recompose, et le recrée afin d’en déceler l’essence».
Poète de la matière, Moubarak (vit et travaille à Agadir) donne libre cours à ses «illuminations créatrices» qui incarnent son territoire imaginaire où la peinture à la détrempe remodèle la nature. Chaque tableau est un laboratoire de traces–récits. Traces de la genèse de l’œuvre embrassant la dimension intrinsèque de la peinture. En effet, l’œuvre chez cet artiste chercheur est un espace de la prégnance du signe-trace, de sa naissance et sa renaissance à partir d’une liberté maîtrisée du geste.
Moubarak nous convie à un voyage passionnant à l’autre bout du monde, et à une rencontre entre l’art contemporain et les cultures primitives qui restent proches d’un état archaïque de l’humanité... Rencontre née de la contemplation des dimensions affectives et intuitives s’opposant aux « arts aboutis » des sociétés occidentales. Il tente de puiser aux sources même de l’art primitif en réconciliant le beau et le sacré.