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Les figures géométriques épurées et les fragments polyformes en couleur de Chine dégagent une profonde sensibilité et recèlent une grande soif de gestualité et de picturalité intense. C’est tout un code symbolique à scruter et à décortiquer.
Les nuances restent la matrice des peintures et des sculptures voire le fil conducteur de leurs paradigmes en termes de formes et de couleurs : «Lorsqu’on scrute une de ses œuvres, on s’aperçoit que le peintre nous a à la fois, séduits et piégés. Il nous a séduits par l’usage des couleurs extrêmes, des signes cabalistiques nous entraînant dans un méandre de courbures fracturées, des nuances singulières, esthétiques donnant à l’ensemble de l’œuvre une logique qui fait appel à l’esprit et une incohérence qui fait appel à l’émotion. Il nous a piégés en nous faisant croire à la facilité esthétique alors qu’il nous a emprisonnés, sans que l’on se rende compte, dans une réflexion silencieuse et méditative pour déceler le langage et la destinée. Si l’on transcende le symbolisme du signe, l’intensité de l’expression, pour échapper au labyrinthe qu’il nous a malicieusement imposé, on découvrirait alors l’archimagie d’une cabale, pleine de fascination rarement dissipée. C’est une énigme à clef que le peintre nous propose tout en nous entraînant vers un monde onirique où chacun retrouvera, enfin, une victoire apaisante. », souligne Mohamed Berrada, avocat et féru d’art.
Les nuances, fortes et mobiles, incarnent les états d’âme de l’artiste animé par la volonté d’aller plus loin de son aventure picturale. La couleur coraline exprime si bien l’éloge à l’inquiétude et le souci de l’incertitude au sens existentialiste du terme.
Ciseleur de l’image, Amine Bennis bascule le code conventionnel de la configuration pour nous révéler les dérives de l’instant présent via un plaisir inconscient à revivre l’innocence créative de l’enfance. A ce propos, l’artiste a confié à Libé : « Je cherche à générer une expérience visuelle nouvelle en déstructurant les formes, espérant ainsi surprendre le regard du spectateur .Un magnifique espace de liberté. C’est vrai que ma rencontre avec l’art brut a été une véritable révélation. J’ai été fasciné par la démarche de Jean Dubuffet, véritable précurseur de l’art brut dans les années 40 et grand artiste. Avoir eu le courage de mettre en avant et d’imposer des oeuvres si peu académiques et en décalage avec tous les courants de l’époque était un véritable défi, aujourd’hui parfaitement réussi. En ce qui concerne Cobra (mouvement avant-gardiste des années 50 et initiales de Copenhague, Bruxelles, Amsterdam), j’ai été marqué par les expositions des oeuvres de Corneille et Alechinsky, durant mes 10 années passées à Bruxelles. Même si la démarche n’est pas la même, toutes ces oeuvres possèdent en commun une très forte charge émotionnelle véhiculée le plus souvent par des couleurs très intenses et une approche figurative propre à chaque artiste et simplement inclassable. Les couleurs sont comme des notes de musique qu’on essayerait de mettre ensemble pour composer une mélodie « visuelle ». Il faut parfois en utiliser plusieurs pour créer le rythme et l’effet d’équilibre recherchés». Dans cette logique de réflexion, Amine Bennis a écrit également : «Je vois des formes et des visages partout dans la nature. Tout est prétexte à peindre. La plus banale des taches se transforme par nécessité en regards, en sentiment. ».
La démarche plastique de cet artiste peintre répond pertinemment à la lignée de l'art brut qui regroupe des productions réalisées par des non-professionnels de l'art œuvrant en dehors des normes esthétiques convenues. A ce titre, Houssein Talal, artiste contemporain de renom a écrit : « Quand je vis pour la première fois en 2004 les travaux d’Amine Bennis, artiste autodidacte, j’ai tout de suite vu qu’il s’agissait d’une expression coloriste de nature fortement expressionniste. Cela m’a fait repenser à ce grand courant appelé Cobra, né en Europe en 1945, dont les ténors étaient Appel, Corneille et Constant. C’est un art de libre expression donc de libre figuration ».
La force du graphisme d’Amine, la fougue du trait et son travail sur la couleur relèvent aussi d’un désir « d’art brut », un mouvement initié par Jean Dubuffet, fondateur du musée d’art brut à Lausanne. Le critique d’art Jean-Clarence Lambert parle de « mise en symbiose des formes modernes avec les formes populaires ». Ces artistes créent des images parce qu’ils en ressentent le désir et le plaisir, sans se soucier d’autre chose que de créer des images. Au Maroc, ce style « art brut » se fait encore trop rare. Seule ma mère Chaibia, faisait partie de cette « école » prestigieuse, qui a connu et connaît encore une grande audience internationale. Je suis content de voir qu’Amine Bennis apporte avec beaucoup de talent sa pierre à l’édifice», précise Talal.
A titre de rappel, la Galerie Alif-Ba a été créée en 1982 par Hossein Talal et Chaibia. Elle a depuis de nombreuses années multiplié les activités avec une évidente volonté d’originalité, de diversification et d’ouverture au-delà des frontières, des genres, sans a priori ni tabous. Cet espace a exposé une pléiade de peintres nationaux (Chaibia, Belkahia, Bennani, Qotbi, Kacimi, Boutaleb…) et internationaux (Cabot, Bertholo, Osa Sherdin, Natasha Pavel, Brach, Michel Barbault…). Le cadre de la galerie tranche par son caractère baroque et Talal qui est un expert en meubles anciens l’a décorée comme un lieu davantage privé que public, lui conservant une configuration en petites pièces plutôt qu’en espace vaste et unique, d’où une plus grande possibilité d’exposition et de mise en valeur de nombreux formats.