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Sans l'avoir annoncé officiellement, l'OCP se serait mis en arrêt stratégique de production. La décision est d'une importance telle qu'elle aurait dû être justifiée, ou du moins débattue par des instances autres que le top management de l'OCP, parce qu'elle impacte grandement l'économie nationale. A preuve, le Plan d'ajustement structurel (PAS) dont les Marocains ont souffert des années durant a été mis en œuvre, entre autres causes, suite à la dégringolade des cours des phosphates sur le marché mondial.
Curieusement, c'est dans ce contexte d'arrêt de la production des phosphates marocains qu'un partenariat stratégique entre l'Office chérifien des phosphates et le Groupe Banque centrale populaire est annoncé et qui consistera en une prise de participation croisée. C'est un rapprochement par lequel chaque entreprise prendra 6% du capital de l'autre. «Cette opération devrait permettre à la BCP de faire partie de l'actionnariat d'un groupe industriel de référence disposant d'une assise financière solide et offrant de bonnes perspectives de croissance».
Outre l'effet surprise de ce rapprochement puisque l'OCP devait s'allier à la Caisse de dépôt et de gestion, c'est le contexte qui laisse perplexe. Le problème de liquidité a amené Bank Al-Maghrib à intervenir directement en injectant 11 milliards de dirhams sur le marché.
Sur le marché mondial, les cours des phosphates observent une chute vertigineuse. Du coup, il serait rassurant de savoir les scénarios à même de permettre à l'OCP de réaliser son programme d'investissement d'envergure. S'il s'avère, donc, que l'arrêt stratégique est bel et bien décidé, cela peut signifier que l'OCP se trouve dans une situation dangereuse. Il faut, en effet, garder à l'esprit qu'en matière des phosphates, le Maroc est obligé de faire face à la concurrence redoutable des autres producteurs exportateurs dont certains profitent de la manne pétrolière pour réaliser des investissements colossaux.
En attendant, certains analystes estiment que ce rapprochement n'est que le prélude à un démantèlement de l'OCP sur la voie de sa privatisation future même si rien n'a été officiellement annoncé.
Il faut retenir que le fléchissement du prix du pétrole sur le marché mondial a provoqué un trend baissier au niveau de la plupart des matières premières. Cette conjoncture n'aurait pas épargné l'OCP qui devrait reconsidérer ses projets d'investissements d'envergure. Une chose est certaine, il a clôturé l'année 2008 sur un bon chiffre d'affaires et des gains qui rompent avec les indicateurs des années de vaches maigres. Les statistiques disponibles indiquent que les ventes des phosphates et dérivés réalisés au cours de 2008 auraient cumulé près de 50 milliards de dirhams. Malgré les avantages compétitifs du Maroc qui possède plus de 50% des réserves mondiales et en dépit de ses partenariats stratégiques, la concurrence est âpre sur ce marché très convoité par certains pays producteurs du pétrole et du gaz.
Force, donc, est de se demander: jusqu'où ira l'OCP dans ses engagements? Quels sont les filets de protection prévus en cas de chute brutale des prix des phosphates? (la courbe commence à inquiéter), Peut-on toujours tabler sur les exportations des phosphates pour maintenir l'équilibre des finances publiques? Des interrogations qui se posent dans un contexte national et mondial marqué par l'incertitude financière et économique.
Vu le rôle prépondérant que joue l'OCP dans le maintien des équilibres financiers et la paix sociale, il est à craindre que les cours des phosphates ne connaissent le même sort des matières premières en rapport avec la baisse des cours du pétrole.
Si les matières premières sont à la baisse, ceci est aussi valable à l'OCP. Force, donc, est de se demander si le groupe aura les moyens d'honorer ses engagements en matière d'investissements. Comme chacun sait, l'Office chérifien des phosphates a annoncé de gros investissements qui se chiffrent à des milliards de dirhams, notamment plus de 20 milliards de dirhams pour la mise à niveau du Groupe. Le pipeline sur une longueur de 174 km reliera Benguérir et Youssoufia à Safi et permettra le transport de 10 millions de tonnes par an de phosphates. C'est un projet qui nécessitera un investissement de 2 milliards de dirhams. A cela s'ajoutent des projets de partenariat avec des compagnies étrangères et qui s'inscrivent dans le cadre de sa mise à niveau afin que l’Office puisse faire face à la concurrence qui s'annonce rude, notamment de la part de l'Arabie Saudite, la Jordanie, la Tunisie, la Russie, les USA, sans oublier l'Algérie qui profite de sa manne pétrolière pour s'imposer en tant qu'acteur mondial dans les phosphates.
Certes, la demande restera forte sur les engrais en raison de la demande internationale du Plan Vert et des autres projets agricoles, mais c'est la gouvernance de ce Groupe qui inspirera confiance et donnera une plus grande visibilité sur les réformes réelles qui doivent être introduites au niveau du fonctionnement et de gestion. Lesquelles réformes s'imposent pour améliorer la compétitivité de ce Groupe, mais aussi de par son importance dans l'économie nationale. Il suffit de rappeler que ce sont ses ventes de phosphates qui assurent la bonne tenue de la balance des paiements. C'est grâce aussi aux devises réalisées par ce Groupe que le Royaume parvient à financer une bonne partie de ses importations.
kadimimohamed@yahoo.fr