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Un mois avant le Ramadan et sa programmation télévisuelle qui, tous les ans, fait couler autant d’encre que de salive, la classe politique, consommatrice elle aussi de télévision ramadanesque, n’en finit pas de tirer la sonnette d’alarme sur le mode du «niveau qui baisse et du rire gras qui ne fait rire personne. »
L’Usfpéiste Mohamed Achaari, lui, fait partie de ceux qui n’en attendent plus rien de la télévision marocaine. La télévision, explique-t-il, ne s’improvise pas en un mois, fût-il pour le mois de Ramadan. « Soit nous avons une télévision convaincante, attrayante, professionnelle, soit on ne l’a pas. Ceci est valable pour tous les mois de l’année et pas seulement le mois de Ramadan. Il faut le dire, nous n’avons pas une télévision qui nous représente. Nous n’avons pas encore trouvé quelque chose qui nous ressemble. Même les téléspectateurs ne revendiquent plus rien parce qu’ils trouvent des solutions ailleurs. Comme ils l’ont fait pour les matchs de football du Mondial », soutient celui qui a été ministre de la Culture et de la Communication.
Quand la télévision marocaine est servie à la sauce égyptienne
Tous les regards sont braqués sur la télévision en ce mois de jeûne et d’abstinence. Les critiques pleuvent, identiques à l’envi. Une baisse de niveau alarmante, du rire forcé, des feuilletons larmoyants : ce sont les mêmes remarques qui nourrissent les conversations des cafés de commerce et les critiques écrites au vitriol. « Pendant la période du Ramadan, on s’inscrit dans une logique où notre télévision est servie à la sauce égyptienne, entre feuilletons et rires souvent gras. Il faut reconnaître que la télévision n’a pas les moyens de faire de la vraie production. Et dans le même temps, les deux chaînes se livrent une rude concurrence. Pourtant, je continue de rêver à une télévision ramadanesque où pourraient se retrouver sans encombre les amateurs de bonne musique, de théâtre, de débats politiques, d’humour et de spiritualité. Je continue de rêver à la fin de ce nivellement par le bas qui nous est infligé », relève Abdelouahed Souhail, membre dirigeant du PPS. Cet homme politique ne se voile pas la face. Il a conscience qu’il constitue « une minorité » et que « la majorité des téléspectateurs demandent du rire et des feuilletons égyptiens ». « On ne peut reprocher aux télévisions de s’adapter à cette demande d’autant qu’il y a un marché et des enjeux publicitaires », reconnaît A. Souhail.
Harira, chabakia et télévision :
le réflexe du Ramadan
Ni rire ni programme « sérieux ». Pour l’islamiste Lahcen Daoudi, les télévisions du service public ne jouent pas leur rôle pendant le mois de Ramadan. Ce député du PJD en est convaincu : c’est une mission d’éducation, de sensibilisation et de pédagogie que les chaînes de télévisions publiques marocaines doivent remplir pendant le mois de jeûne. « Pendant le mois de Ramadan, les télévisions doivent être sensibles au fait religieux. Dans un contexte, où l’extrémisme menace de tous les côtés, la télévision doit cultiver un islam modéré. Faire rire les jeûneurs, c’est bien mais cela ne suffit pas. Nous avons besoin de programmes sérieux sur l’Islam, les rapports humains, les relations hommes-femmes, notre relation à l’environnement, etc. Il est essentiel de multiplier les débats qui vont élever le débat sachant que l’audimat est important pendant ce mois. Le chiisme et l’extrémisme trouvent un terreau au Maroc à cause de l’ignorance, justement. C’est pourquoi la télévision a un rôle immense à jouer».
La programmation télévisuelle n’est pas une affaire ponctuelle. Si la grille doit nécessairement s’adapter au mois de Ramadan, c’est toute la question de la satisfaction du plus grand nombre qui se pose. A quel prix faut-il le faire ? Comment gérer le nivellement par le bas et contribuer à la culture, à l’éducation et à la sensibilisation du téléspectateur lambda ? « Tout cela est un problème de politique au sens profond du terme. Ce n’est ni un problème technique ni un problème de financement. Il s’agit de faire des choix que nous n’avons pas encore faits. Nous n’avons pas accumulé l’expérience de productions artistiques ni assisté à l’émergence d’expressions artistiques. Nous bricolons et souvent à la veille du Ramadan. On prend les mêmes et on recommence. Résultat, le téléspectateur marocain est obligé de regarder les mêmes méthodes, les mêmes expressions. Souvent, cela se fait par réflexe, entre le bol de harira et la chabakia », conclut avec amertume l’Usfpéiste Mohamed Achaari.