Cet artiste hors du commun a pu développer tout un savoir artistique personnalisé à l’instar des créateurs illuminés dont la démarche plastique sort des sentiers battus. Son œuvre se distingue par la maturité du style, le perfectionnement de la conception et la spontanéité de la réalisation. L’artiste a su expérimenter trois typologies procédurales : les travaux à l’encre de Chine sur du papier, avec des taches abstraites d’une grande sensibilité esthétique, qui évoquent les cellules vues à travers le microscope, les travaux de moyen format extrêmement bien faits, qui reproduisent les thèmes de son répertoire pictural. Et, finalement, les peintures, principalement sur du papier, où les têtes et les visages sont les protagonistes avec une importante dose d’ironie. Tout cela avec une grande maîtrise du métier pictural. Les œuvres sont un univers de silence et recueillement qui ouvre une brèche dans notre imaginaire commun.
Le monde inédit de ce peintre s’éloigne dans tous les cas de la reproduction fidèle du réel, et s’attache plutôt aux états d’âme de l’homme, ses émotions, ses visions subjectives du monde. Il s’agit d’un acte pictural empreint d'une esthétique intériorisée, ce qui met en toile des formes hallucinantes et introspectives, s’inspirant de la vie quotidienne.
Il peut être utile de rappeler l’importance de l’observation participative de la réalité, dénonçant les méfaits d’une société injuste. L’art pour Habbouli se présente comme un hymne à la vérité qui s’intéresse à l’homme plus généralement, l’homme agité par ses émotions, ses contradictions et plongé dans une angoisse existentielle face à une société pervertie.
Imagier, Habbouli est l’auteur d’une peinture fragmentée, lyrique, mais combien expressionniste. Il est le fruit de l’absence et de la marge ombragée. Dans sa palette libre et autonome, il fait table rase des œuvres précédentes, évitant ainsi de reproduire à l’infini le même style avec les mêmes artifices. Il veille sans cesse à dépasser les contraintes et les lois complexes du marché de la peinture : « Cette démarche tend au dépassement et s’opère avec rigueur, à l’écart des courants dominants. Elle se veut passion conductible, d’une expérience à l’autre, et se structure autour de la recherche de l’inédit, aussi bien comme vision que matière, sans pour autant renier la richesse et de l’acquis, ainsi que la continuité cohérente, mais combien déroutante.
Habbouli se singularise par une présence discrète, un regard marginal et des positions bien tranchées. Du bistre, au brou de noix, à l’encre de Chine, il ne cesse de brouiller les frontières, d’interroger les genres et les matériaux considérés par grand nombre de ses pairs comme « forme déchue de la peinture », mineurs, pauvres, sans intérêt esthétique. L’essentiel pour lui, c’est d’élargir l’éventail de ce qui est réputé rebut d’atelier, de le réhabiliter en lui insufflant une expression dans une nouvelle vie. », lit-on dans le catalogue de l’exposition.
Avec cette exposition, Habbouli confirme encore une fois son positionnement de militant en faveur de la cause culturelle et artistique et revient avec plus de verve pour défendre la belle création au sens plein du terme. Il partage avec les passionnés d’art ses émotions et livre ses secrets de création avec audace et assurance. Sa peinture apporte un souffle nouveau à l’art marocain contemporain et invite les récepteurs avisés à un labyrinthe subliminal à saveur expressionniste, et ce loin de s’inscrire dans l’opposition entre figuration et abstraction.
Chant de l’oiseau captif, la peinture connotative de ce peintre chercheur inaugure un style spécifique basé sur la métamorphose et l’économie d’expression. L’artiste reste attaché, sans condition, à ses origines culturelles et puise les thématiques de ses œuvres dans l’imaginaire collectif. Singulier est donc le parcours de Habbouli, qui reste un monde chimérique plein de richesse et de profondeur.