Et si l'art contemporain a pour désinvolture de se séparer, alors là, il faut bien admettre qu'apparemment ce temps est révolu. L'art que Khalid El Bekay nous donne à apprécier aujourd'hui n'a plus grand-chose à voir avec cet art contemporain - art de la séparation et du sublime détachement, du néo-plasticisme à l'expressionnisme abstrait - qui semble réjouir certains artistes peintres ou sculpteurs. En fait, il s'agit avant tout d'un soupçon vis-à-vis de l'art contemporain marocain prôné comme méthode de travail par cet artiste. Sa méthode d'approche du regardeur procède par induction de virtualités contenues dans l'oeuvre qu'il ne reste plus qu'à nommer. En chargeant un peu ses tableaux, on peut avancer qu'une telle pratique n'a de cesse de réaliser un programme idéologique, en même temps qu'esthétique, de réhabilitation des notions d'identification et de reconnaissance. Là, c'est d'ailleurs la grande force de la forme constante de notre artiste, qui n'appelle pas à contestation interprétative. «L’odyssée de la couleur conduit presque naturellement l’artiste vers l’arabesque qui confirme cette charge décorative de son œuvre sur laquelle j’avais déjà attiré l’attention dans un texte antérieur. Les pièces calligraphiques de Khalid El Bekay sont le juste pendant en arabesque de la couleur. Mais l’artiste introduit dans cet équilibre des couleurs et du geste calligraphique une zone d’ombre qui brouille les codes d’appréhension tranquille et rend l’œuvre contingente avec des territoires troubles – ceux-là mêmes qui constituent l’énigme des œuvres d’art », conclut Aziz Daki.
Par ailleurs, Khalid El Bekay demeure malgré tout un artiste moderne. Et donc, il ne peut se résoudre lui aussi à se lover dans un rassurant discours "peinture-peinture" prônant un sublime retrait. Son œuvre est à la fois une peinture et une critique de celle-ci. Une critique de l'histoire de la peinture et du discours souvent entendu sur la peinture.