A l’ère de l’iPad, les fanas américains de machines à écrire font de la résistance


Libé
Vendredi 7 Juin 2013

A l’ère de l’iPad, les fanas américains de machines à écrire font de la résistance
Dans son atelier, Ermanno Marzorati bichonne des antiquités: des machines à écrire qui ont parfois appartenu à des écrivains ou des célébrités et que les collectionneurs s’arrachent, célébrant un culte de la lenteur incongru à l’ère d’Internet et de l’iPad.
L’Italien âgé de 68 ans, qui vit à Los Angeles depuis 1969, a restauré les machines à écrire ayant appartenu à Ian Fleming —le créateur de James Bond—, Tennessee Williams, Ray Bradbury, Ernest Hemingway, Orson Welles ou John Lennon.
“Sur celle-là, Welles a écrit +Citizen Kane+”, sourit-il en montrant la photo d’une Underwood rouge. “Elle était totalement détruite quand je l’ai reçue”.
Propriétaire d’une impressionnante collection, l’homme d’affaires Steve Soboroff explique à l’AFP “adorer” l’idée que “des auteurs, des célébrités, ont passé tant de temps sur ces machines”.
“Ce sont des objets tellement personnels. Il n’y en a qu’une ayant appartenu à chacune de ces stars”, ajoute celui qui est le principal client d’Ermanno Marzorati, dont l’atelier est encombré de vieilles imprimantes, de machines à écrire ou de machines à calculer mécaniques.
Le Milanais travaille actuellement sur une Underwood datant de 1930 appartenant à Tom Hanks, lui aussi fana de ces antiquités. Il a même dédié à son client le plus célèbre une étagère entière, sur laquelle une dizaine de machines attendent d’être réparées.
Au total, Ermanno Marzorati a quelque 60 machines en attente d’être réparées dans son atelier. “J’ai du travail pour six mois...”, sourit-il, quelque chose d’inimaginable il y a encore trois ans. “Les collectionneurs constituent une exception, la plupart des machines que je répare sont pour des clients qui vont s’en servir”, explique-t-il: “J’ai l’impression que certains commencent à en avoir marre de toute la technologie qui nous entoure, des iPhones, des appareils électroniques. Ils veulent revenir aux fondamentaux”.
Mais pourquoi donc choisir aujourd’hui d’utiliser un clavier dur et peu pratique et se priver de la possibilité de corriger, copier-coller, effacer, réécrire si facilement?
“Parce que cela t’oblige à aller lentement”, répond Ermanno Marzorati. “Il faut bien choisir ses mots, parce qu’on ne peut pas les corriger. Cela prend beaucoup de temps d’appuyer sur une touche”.
Christopher Lockett, réalisateur et documentariste indépendant, est précisément de cet avis. De temps à autre, il emporte sa machine à écrire dans son sac et va taper à l’air libre dans le parc Griffith, en plein coeur du quartier branché de Los Feliz, à Los Angeles. “Il n’y a pas de fenêtre qui s’ouvre pour +chatter+, tu ne peux pas écouter de musique...”, énumère celui qui a réalisé l’an passé un documentaire à la gloire de ces vieilles machines, “The Typewriter in the 21st Century” (“La Machine à écrire au XXIe siècle”).
“J’éteins mon iPhone, je sors ma machine, je fais abstraction des erreurs et j’écris, pa pa pa pa pa, ding!”, lance-t-il, imitant le bruit caractéristique qui marque l’arrivée au bout d’une ligne.
“Vu le nombre de romans importants du XXe siècle dont elles sont responsables, je me suis dit que si les machines à écrire sont en train de disparaître, elles méritaient une soirée d’adieux digne de ce nom”, explique-t-il à propos de son documentaire, actuellement sur les écrans des cinémas indépendants à Los Angeles.
Sur Internet, forums de collectionneurs ou blogs dédiés pullulent et un jeune inventeur vend même sur son site des machines à écrire connectées à des iPads.
“Personne dans mon film ne dit que cela doit être la seule manière de travailler”, souligne Christopher Lockett. “On veut seulement défendre un objet que tout le monde jette à la poubelle”.


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