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En cas de franc succès du Rassemblement national, Marine Le Pen a esquissé, dans un entretien au Télégramme, une cohabitation rugueuse: "Chef des armées, pour le président, c'est un titre honorifique puisque c'est le Premier ministre qui tient les cordons de la bourse". Conséquence, selon elle: "Sur l'Ukraine, le président ne pourra pas envoyer de troupes", alors qu'Emmanuel Macron a refusé d'exclure cette option.
Cette déclaration a fait bondir François Bayrou, proche allié du chef de l'Etat, pour qui Marine Le Pen remet "en cause profondément la Constitution" avec cette affirmation "extrêmement grave".
"Les partis nationalistes et populistes lorsqu'ils ont conquis le pouvoir partout en Europe ont mis en oeuvre une stratégie méthodique pour s'arroger les pleins pouvoirs", a renchéri le ministre aux Affaires européennes Jean-Noël Barrot.
La probable candidate à la présidentielle de 2027 a semblé nuancer cette déclaration jeudi matin sur X en évoquant "le domaine réservé du Président de la République". Mais, elle a maintenu que "le Premier ministre a, par le contrôle budgétaire, le moyen de s'opposer" à l'envoi de troupes à l'étranger.
"Si nous arrivons aux responsabilités (...), ce n'est pas pour faire semblant", a abondé le vice-président du RN Sébastien Chenu en évoquant d'autres "lignes rouges" comme le refus de livrer à Kiev des armes à longue portée comme l'a décidé Emmanuel Macron.
Lors des trois précédentes cohabitations de la Ve République, le président avait conservé de larges pouvoirs en matière de politique internationale et de défense, en vertu de ce "domaine réservé".
Dans une déclaration à l'AFP, le président ukrainien Volodymyr Zelensky s'est cependant dit convaincu que "le prochain gouvernement continuera à soutenir pleinement l'Ukraine" et ce "quelle que soit la situation politique".
Une nouvelle cohabitation passe par l'obtention d'une majorité absolue pour le RN en sièges à l'Assemblée à l'issue du second tour le 7 juillet.
Pour l'instant, l'extrême droite est donnée largement en tête du premier tour dimanche, avec 36% des intentions de vote, selon une enquête Ipsos-Fondation Jean-Jaurès-Cevipof-Institut Montaigne pour le Monde portant sur près de 12.000 personnes.
Selon cette vaste étude, qui ne propose pas de projections en sièges, la gauche rassemblerait 29% des voix, le camp macroniste 19,5% et LR 8%.
Mais les 577 élections, dans chaque circonscription, recèlent de nombreuses inconnues, les équations étant par ailleurs appelées à être profondément bouleversées entre les deux tours selon les maintiens, désistements voire consignes de votes.
Une majorité seulement relative ouvrirait la perspective d'un éventuel blocage institutionnel, renforcée par le refus de Jordan Bardella de constituer un gouvernement s'il ne dispose pas d'une majorité absolue.
D'ici là, les représentants des trois blocs étaient attendus jeudi soir sur France 2 pour un ultime débat, 24 heures avant la fin de la campagne officielle fixée vendredi à minuit.
Comme l'avant-veille sur TF1, Jordan Bardella pour le RN et Gabriel Attal sous la bannière "Ensemble pour la République" croiseront le fer.
Mais la gauche a cette fois-ci envoyé le patron du Parti socialiste, Olivier Faure, pour tenir la contradiction, quand c'était l'Insoumis Manuel Bompard qui s'y était collé mardi soir.
La joute pourrait être l'occasion d'une dramatisation accrue des enjeux du scrutin, alors que la première confrontation avait tourné à une bataille de chiffres parfois inaudible.
Reste que l'intérêt pour ces législatives anticipées ne se dément pas: deux tiers des électeurs prévoient d'aller voter dimanche, selon Ifop-Fiducial, ce qui correspondrait au meilleur taux de participation à ce type d'élections depuis 1997.
Et, preuve de cet engouement, la barre des deux millions de procurations a été franchie mercredi soir.
Lors de la confrontation télévisée, chacun des trois prétendants à Matignon aura quoi qu'il en soit sa partition à jouer.
Pour Jordan Bardella, continuer à rassurer sur son sérieux et sa clarté, quand ses adversaires ont pointé les supposées imprécisions de son projet quant aux retraites ou vilipendé son idée d'exclure les binationaux à certains postes jugés sensibles.
L'actuel locataire de Matignon entend quant à lui sonner à nouveau la "mobilisation générale" en renvoyant dos à dos le RN qui "stigmatise" et ce qu'il appelle toujours la "Nupes", qu'il accuse de légèreté vis-à-vis du "communautarisme".
Olivier Faure aura pour sa part à jurer de l'unité de la vaste coalition de gauche, toujours prompte à s'enflammer sur le cas de La France insoumise en général et de son leader Jean-Luc Mélenchon en particulier.
Ce dernier est-il toujours candidat à Matignon? "Je ne dis ni oui, ni non", a-t-il répondu mercredi sur LCI.