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Depuis une décennie, les surfaces des terrains labourés ne font que diminuer comme une peau de chagrin. Les statistiques établies par les services compétents du Centre des travaux agricoles de Tafraout, sont tristement éloquentes à ce propos. Sur les 6000 hectares labourables que compte la région, on constate que seulement 3200ha ont été mis en orge lors de la dernière campagne agricole. Pour l'actuelle campagne, le chiffre a encore accusé une nouvelle baisse à tel point qu'on a pu comptabiliser plus de 3900 ha de la superficie totale labourable laissés en jachère. « C'est trop », commente-t-on auprès de la direction CTA. La désaffection des fellahs pour cette culture a ses raisons.
Sur les 6000 hectares
labourables, plus de 3900
laissés en jachère
En voici la première : la sécheresse et les pluies qui ne viennent jamais à temps. D'Amoh Amnzouy, un petit fellah dans la commune de Tassrirt, nous explique : « Près de cinq années successives, je laboure assidûment mes terrains, mais la récolte ne vient jamais. Même lorsque le ciel devient généreux, les pluies arrivent souvent tardivement au moment où elles ne sont plus d'aucune utilité pour les cultures. Voilà, depuis, j'ai décidé de ne plus m'y aventurer ». D'autres paysans évoquent d'autres causes. Comme la prolifération de sangliers qui s'attaquent aux cultures.
A chaque campagne agricole, les paysans perdent 20 à 30% des récoltes à cause de ce phénomène, nous renseigne la présidente d'une coopérative agricole locale. La migration effrénée des populations locales vers les centres urbains, très évoquée également, enfonce le clou, dans la mesure où plusieurs jeunes préfèrent aller en ville au lieu de prendre la relève et continuer à travailler la terre des parents qui ont pris l'âge. Mais ce sont les frais relatifs aux opérations de la moisson et le battage des récoltes qui sont aussi incriminés. Pour en savoir plus, nous avons mis le cap sur la région d'Aït Ouafka, autrefois, considérée comme le grenier de la région, en raison de ses vastes plaines exploitées d'une manière mécanisée en céréaliculture. Au village d'Iguiliz, Aami Lahcen, un grand terrien du douar, ne dissimule pas son refus ferme de procéder au labourage de ses terres, tout en levant, quand même, ses mains, les yeux fixés au ciel, afin de remercier Dieu pour les précipitations abondantes dans la région. Pour justifier sa décision, Aami Lachen nous invite à patienter. Il rentre chez lui et sort quelques instants après, muni d'un livret. Dans lequel, sont méticuleusement établis tous les coûts chiffrés ayant trait aux opérations de labourage et récolte de la campagne agricole de l'année dernière, considérée, pourtant, très bonne en raison des pluies abondantes. « Voilà ; regardez !, j'ai récolté 23 quintaux d'orge. En calculant les frais relatifs aux opérations de semence, de labourage, de moisson et de battage, je me suis aperçu que le coût d'un quintal d'orge m'est revenu à 521 DH. Alors que le tarif de vente au marché local de la même unité est de 250 DH. Aberrant, non ? Comment voulez-vous que je m'y mette encore ? », se désole-t-il.
Sur les 9000 paysans qui s'adonnaient à la culture
de l'orge, plus de 7000
ne le font plus
Les fellahs cités ne sont pas des cas isolés. S'ils étaient près de 9000 paysans à s'adonner à la culture de l'orge dans la région, plus de 7000 fellahs relevant des six communes du Cercle de Tafraout ont cessé, jusqu'à nos jours, de pratiquer cette activité dont la production locale s'en est gravement ressentie. Sachant que la production de la région qui se chiffrait toujours en millions de quintaux d'orge en approvisionnant ainsi le marché local et provincial, a énormément chuté pour accuser de piètres résultats, jamais atteints, à l'exemple de l'an dernier où la production totale s'est élevée à environ 19080 quintaux seulement d'orge. Ce qui est jugé par les responsables du Centre des travaux agricoles de Tafraout en deçà de ce qui pourrait être atteint en terme de production, surtout que la pluie est abondante et de la moyenne nationale qui est de 20 quintaux/hectare. Un résultat qui inquiète visiblement ces responsables qui ne lésinent pourtant pas sur les efforts pour inciter les agriculteurs à remettre leurs charrues dans les champs.