A abolir : La peine capitale inculque une culture de vengeance et de sang

Les pays subsahariens ont une belle longueur d’avance. Le Maghreb en cancre de la classe


Mourad Tabet
Samedi 14 Avril 2018

“Où va le Maroc ?». Telle est la question cruciale que s’est posée Mohamed Sektaoui, directeur général d’Amnesty international-Maroc, lors d’une conférence de presse organisée hier matin à Rabat pour présenter le rapport mondial de son organisation sur la peine de mort.
Un fait alarmant a été révélé par Mohamed Sektaoui : une seule condamnation à mort a été prononcée par la justice marocaine en 2007 et 15 cas ont été enregistrés en 2017. D’où la légitimité de la question posée par Mohamed Sektaoui au début de son allocution pour présenter les principaux résultats dudit rapport. «C’est le gouvernement qui est censé répondre à une telle question», a-t-il martelé. Et d’ajouter : « C’est le troisième mémorandum que nous adressons au gouvernement marocain ».
Dans ce mémorandum, AI-Maroc réitère son appel au gouvernement de préparer un projet de loi sur l’abolition de la peine de mort en droit et en pratique et de le présenter au Parlement pour son adoption.
«AI estime qu’il est temps de mettre fin à la peine de mort au Maroc d’autant que la Constitution de 2011 consacre le droit à la vie et que le gouvernement est composé de partis politiques dont la majorité avait exprimé déjà son appui à l’abolition de la peine capitale en présentant une proposition de loi dans ce sens au Parlement le 12 novembre 2013», lit-on dans ce mémorandum.
Pour les dirigeants d’AI, cette mesure est essentielle si le Maroc entend ne pas se marginaliser sur le plan international. D’après les chiffres publiés dans ledit rapport, plus de la moitié des pays ont aboli définitivement la peine capitale.
AI-Maroc avance un autre argument massue : le retour du Maroc à l’Union africaine en 2017. Pour cette ONG, le Royaume est dans l’obligation de respecter les chartes africaines des droits de l’Homme notamment la Charte africaine des droits et des peuples, la résolution 42 de la Commission africaine des droits de l'Homme et des peuples réunie lors de sa 26ème session ordinaire tenue du 1er au 15 novembre 1999 à Kigali, la résolution 136 de la même Commission adoptée en 2008 et la Déclaration de la Conférence continentale sur l’abolition de la peine de mort en Afrique (Déclaration de Cotonou) adoptée en 2014.
Un autre fait important : les pays africains, notamment subsahariens, ont franchi une étape importante vers  l’abolition de la peine capitale tels que la Guinée, le Kenya et le Tchad.
Selon AI, l’Afrique subsaharienne représente «une lueur d’espoir dans un contexte marqué par une baisse mondiale du nombre d’exécutions et de sentences capitales».
C’est la raison pour laquelle les dirigeants d’AI-Maroc ont organisé dans l’après-midi de ce jeudi un sit-in de protestation devant le Parlement marocain au son des tambours africains.
Pour Salah Abdellaoui, directeur exécutif à AI-Maroc, des acquis ont été réalisés au niveau des droits de l’Homme au Maroc depuis des décennies. Pour lui, le gouvernement marocain est dans l’obligation de mettre fin à cette peine inhumaine et non-dissuasive.
A l’en croire, il est regrettable que «le gouvernement soit parmi les rares Etats à maintenir cette peine, sous prétexte qu’elle «est nécessaire pour décourager le crime et préserver les spécificités religieuses et culturelles de la société». Et d’ajouter : «On oublie que l’application de la peine de mort inculque à des générations une culture de violence, de vengeance et de sang, que la majorité des Etats abolitionnistes font partie de différentes régions et de toutes les religions, et que les droits de l’Homme sont universels et s’appliquent à tous en vertu de leur esprit humaniste et pas seulement aux adeptes de certaines religions».
Il a également fait part de la préoccupation d’AI «du fait que le gouvernement continue de flatter les sentiments populistes et d’exploiter les croyances religieuses à des fins politiques, ne servant en rien le progrès humain et l’humanisation de la société».
Pour cela, Salah Abdellaoui a affirmé qu’AI attend du gouvernement «qu’il n’oublie pas la recommandation de l’IER relative à l’abolition de la peine de mort que le Roi a ratifiée et qu’il n’oublie pas non plus d’agir dans l’esprit de la Constitution et d’appliquer ses dispositions dans le domaine du respect des droits humains, y compris le respect du droit à la vie».
Il convient de rappeler qu’AI a recensé au moins 993 exécutions dans 23 pays en 2017, soit 4% de moins qu’en 2016 (1032 exécutions ont été enregistrées durant cette année) et 39% de moins qu’en 2015. Cependant, plus de 80% des exécutions ont été recensées dans 4 pays, à savoir l’Iran, l’Irak, l’Arabie Saoudite et le Pakistan.
Concernant la région du Maghreb, seule l’Egypte a procédé à des exécutions en 2017, selon AI, alors que la Tunisie, l’Algérie, et le Maroc n’ont pas mis de prisonnier à mort depuis le début des années 90. Pourtant, aucun de ces pays ne s’est engagé à abolir la peine capitale en droit.
A la fin de cette conférence, l’ancien prisonnier politique, Ahmed El Hou, qui a été condamné à mort durant les années 80, a livré son témoignage sur les couloirs de la mort dans la prison centrale de Kénitra.
«55 personnes ont été exécutées au Maroc depuis l’indépendance, 52 cas l’ont été pour des raisons purement politiques», a-t-il affirmé. Et d’ajouter que les condamnées à mort vivaient dans une angoisse quasi-quotidienne.
«Ceux qui ont été condamnés à mort sont issus de la classe populaire et défavorisée ; je n’ai jamais vu une personne riche condamnée à cette peine», a-t-il précisé.
En 1994, sa peine capitale a été commuée en peine à perpétuité grâce à une campagne d’AI. «C’était une nouvelle naissance pour moi », a-t-il assuré. 


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1.Posté par Zouaghi le 13/04/2018 17:43 (depuis mobile)
Rédaction très stylée et très soutenue sujet intéressant bravo 👏 👏 Mr Tabet

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