A New York, des milliers de “recycleurs” font les poubelles


AFP
Samedi 31 Mai 2014

A New York, des milliers de “recycleurs” font les poubelles
Courbés sous d’immenses sacs de plastique transparent, poussant de vieux caddies, ils sillonnent New York nuit et jour, ramassant dans les poubelles cannettes et bouteilles individuelles.
Jeunes, vieux, femmes et hommes, chômeurs, SDF, immigrés parlant à peine l’anglais, tous tendent vers le même objectif : gagner quelques dollars en recyclant leur butin.
Armée invisible de laissés-pour-compte dans la ville des multimillionnaires, ils seraient désormais près de 7.000, selon Ana Martinez de Luco, cofondatrice de “Sure we Can” un centre de Brooklyn où ces “canners” viennent trier et revendre leur butin.  Pour chaque cannette, chaque bouteille individuelle de plastique ou de verre, ils sont payés 5 cents (3,5 centimes d’euros). S’ils trient et regroupent par marque, ils peuvent espérer 6 voire 6,5 cents, en vertu d’une loi de l’Etat de New York, la “Bottle bill”, passée en 1982 et amendée en 2009. De Times Square à Wall Street, de Central Park aux quartiers HLM du Queens, ils sont de plus en plus nombreux.
Levés avant l’aube pour passer avant les camions poubelle, couchés souvent tard. De vieilles Chinoises transportent leurs énormes sacs accrochés de chaque côté de long bâtons. Sylvernus, un SDF de 45 ans originaire du Nigeria les empile sur un caddy devenu toute sa vie. Une jeune mère latino les accumule sur la poussette de son bébé.
Ils les échangent contre du cash dans les machines à l’entrée des supermarchés - qui limitent la restitution à 250 unités (12 dollars) par jour - ou dans une vingtaine de centres de récupération. 
Il y a quelques années, il s’agissait surtout de SDF ou de marginaux. Mais ces dernières années, la population a changé. La crise de 2008 a laissé des traces. A “Sure we Can”, quelque 60% sont des personnes âgées. La plupart sont immigrées. Certains “ont été professeurs, militaires, ils ont été dans les affaires, certains ont des diplômes universitaires”, explique Ana Martinez de Luco. 
Mais leur vie, un jour, a déraillé. 
Carlos, 27 ans, ancien cuisinier dans un restaurant jamaïcain, raconte, mal à l’aise, s’être mis au “canning” après la fermeture du restaurant. Mais insiste: il n’est pas SDF.
Certains envoient ainsi un peu d’argent à des familles restées au pays. D’autres complètent une retraite trop maigre. De vieilles immigrées venues à la faveur d’un rapprochement familial essaient d’en survivre.
Anita Tirado, petite femme frêle de 74 ans, originaire de Porto Rico, explique qu’elle n’a pas droit au Medicaid, l’assurance maladie des plus pauvres. Tous les matins, parfois dès 4h, elle écume les sacs poubelle posés à même le trottoir de sa rue, avant d’aller s’occuper de sa petite-fille de 3 ans. 
Avec son petit pas fragile, elle se fait “de 20 à 30 dollars par semaine, jusqu’à 40” (14,5 à 29 euros), dit-elle.
La tâche peut être harassante, dangereuse. Il y a quelques années, elle a été battue durant sa tournée.
Ses enfants voulaient qu’elle arrête, mais elle a repris. “C’était très tôt le matin”, explique-t-elle comme une excuse. “Maintenant, je ne m’éloigne plus”, ajoute-t-elle. Beaucoup n’ont pas le choix. Pour Sylvernus, agent de sécurité licencié après le 11-Septembre, c’est depuis cinq ans une affaire de “survie”. Il rêve d’un “vrai travail”. “Celui là, c’est l’enfer” dit-il.
“Mais je dois continuer à pousser ce lourd chariot simplement pour survivre” ajoute-t-il, tout en se disant fier d’être un “recycleur”.
Les “canners” recycleraient près de 70% des bouteilles individuelles et cannettes de New York, selon une récente étude.
Difficile pourtant d’espérer en vivre, même à plein temps. Un couple d’une quarantaine d’années travaillant 7 jours sur 7 affirme se faire entre 300 à 350 dollars par semaine (218 à 254 euros). Et quand on compte en bouteille recyclée, à l’ombre des gratte-ciel, les prix sont astronomiques: 70 cannettes pour un petit Capuccino. 100 pour un sandwich. 800 pour une modeste paire de chaussures, et près de 120.000 pour un appartement de deux chambres à Manhattan (6.000 dollars mensuels - 4.360 euros). “Cela pourrait être un vrai travail, si les loyers et la nourriture n’étaient pas si chers à New York”, dit Ana Martinez de Luco .


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