«Apprends-moi à pêcher au lieu de me donner du poisson tous les jours », clame l’un des séparatistes repentis, ce mercredi soir sur le plateau de l’émission de 2M « En direct avec vous ». Ahmadou Bamba Hafidi, ancien journaliste à la Radio du Polisario, ne croyait peut-être pas mettre le doigt sur cette vraie plaie qui s’ouvre avec le flux impressionnant des originaires du Sahara marocain ayant répondu à l’appel lancé en 1989 par feu le Roi Hassan II : « La patrie est clémente et miséricordieuse ». 8000 Marocains d’origine sahraouie ont jusqu’ici répondu à cet appel. Une véritable hémorragie vient remettre sur le tapis la question non seulement de la gestion de ce flux grandeur nature mais aussi celle de leur intégration sociale, économique et psychologique dans le pays d’origine. Un réel casse-tête chinois qui n’est pas facile à gérer, à plus forte raison de maîtriser. Les récentes vagues de retours viennent compliquer davantage la tâche aux autorités, tant et si bien que le pays est amené à réfléchir, aujourd’hui plus que tout autre temps, sur de nouvelles pistes pour assurer une solution structurelle à ces flux. « Je ne demande qu’à être un citoyen actif au service de mon pays, je ne veux pas de l’assistanat », lance Ahmadou Bamba, faisant partie de la génération des jeunes ralliés qui sont nés à Tindouf. Un son de cloche partagé par Abdelmajid Belghazali, acteur associatif sahraoui. Ce dernier appelle les autorités à bien faire attention à réduire la question à sa stricte expression sonnante et trébuchante. Une allocation mensuelle de 1600 dirhams octroyée par l’Entraide nationale, un foyer, et autres moyens de subsistance. « Pourquoi me donner un foyer alors que je sais que nombre de concitoyens, dans le nord, l’ouest ou l’est du Royaume, n’en possèdent pas ? », se demande Ahmadou Bamba, sous les applaudissements d’un public admiratif. « Les ralliés ont besoin d’abord d’un accompagnement psychologique, car n’oublions pas qu’ils ont passé une bonne partie de leur vie sous une chape de plomb à Tindouf », souligne-t-il, ajoutant que la plupart des ralliés sont confrontés maintenant au problème de la schizophrénie et que, de ce fait, il incombe de réunir toutes les conditions de manière à faciliter leur intégration sociale, préserver leur dignité et leur faciliter la possibilité d’apporter leur contribution à la dynamique de leur pays. « L’intégration est par essence difficile, a fortiori dans un Maroc en mutation permanente ; les autorités devront intervenir de manière efficace pour permettre aux ralliés de rattraper le train en vitesse », plaide Ahmadou Bamba, qui se dit disposé à s’inscrire avec énergie dans ce formidable élan d’un Maroc transformé en immense chantier à ciel ouvert !
Reste à savoir maintenant comment le Maroc va gérer cette question d’intégration. L’idée de création d’une institution étatique, à l’instar de l’Agence de développement des provinces du Sud, est lancée. Cette institution sera appelée à mettre en place une stratégie réelle pour répondre aux besoins pressants des ralliés, en matière de suivi psychologique, d’accompagnement socio-éducatif, de formation professionnelle, l’objectif ultime étant de faire des ralliés des citoyens à part entière capables de participer, comme tout le reste des citoyens, au développement de leur pays.
Résumons : le retour impressionnant des séparatistes repentis, dont la cadence est appelée à redoubler dans les prochains temps, est certes la preuve irréfutable de la fin annoncée du Polisario. Mais cette fin, que la séduisante solution d’autonomie proposée par le Royaume a précipitée, ne devrait pas amener le pays à dormir sur ses lauriers. La question de la gestion du flux des ralliés et la nécessaire et urgente problématique de leur intégration se posent avec acuité aujourd’hui. Le Maroc est appelé à réfléchir déjà et sérieusement sur l’après-conflit.