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La fonction essentielle de la machine judiciaire est de faire régler l’ordre entre les justiciables, et par conséquent, d’intervenir dans les différends qui les séparent, et dont la répétition serait susceptible de troubler l’ordre public.
Il n’en fut pas toujours, ainsi, dans les civilisations primitives. Il n’existe, sur le plan étatique, aucune organisation jouant ce rôle, la personne lésée exerce son droit de vengeance aidée par le clan.
A un stade plus avancé, les adversaires, plutôt que de recourir à la violence, s’accordent à soumettre leur différend à un arbitre, c’est le stade de l’arbitrage privé ou de la justice privée. L’Etat n’intervient pas encore dans les difficultés entre les particuliers. Avec l’extension du pouvoir étatique et l’affaiblissement corrélatif de la famille, l’Etat organise lui-même l’arbitrage : il devient arbitre par l’intermédiaire de ses tribunaux, qui remplacent les arbitres privés ; cette organisation judiciaire est commandée par deux principes essentiels :
- Le premier, c’est le principe de l’impartialité du juge, qui signifie la neutralité et l’objectivité vis-à-vis des justiciables.
- Le second, c’est l’indépendance de la justice.
Au Maroc, toutefois, le système judiciaire reste encore mal perçu par les citoyens et les justiciables de bonne foi qui lui reprochent fréquemment le manque de justice, d’indépendance, de transparence et d’efficacité. Il est incontestable que la corruption anéantit la justice et nuit au développement économique et social. Le Maroc a régressé de quatre rangs dans l’indice de la corruption établi par Transparency international. Les pays démocratiques ont commencé la lutte contre la corruption et la délinquance financière dans la justice. Malheureusement, il existe encore, dans notre pays, des magistrats corrompus, médiocres et des avocats de mauvaise moralité et mafieux au sein des tribunaux. Nombre de personnes innocentes sont victimes des agissements de ces juges corrompus entourés d’une poignée d’avocats de mauvaise moralité et sont condamnées pour des faits dont elles ne sont pas les auteurs. Ces magistrats exploitent leur fonction dans le but d’empêcher le bon déroulement de la justice. Pire encore, ils sont eux-mêmes les auteurs de crimes et délits. Evidemment, ils manipulent la vérité des faits pour que soient condamnées les victimes innocentes, c’est très grave.
Mais, ne pensez pas que tous les magistrats dans notre pays soient corrompus ou mafieux. En réalité, la grande majorité sont intègres, justes et tendent à rendre la justice de leur mieux avec beaucoup de sérieux, d’impartialité, d’indépendance et de neutralité, en respectant les droits de l’Homme et les principes de la Constitution qui a honoré les juges. Ils ont la qualité de rendre les jugements au nom du Roi. Il faut donc être à la hauteur des ambitions du Souverain et à la hauteur des attentes du peuple marocain épris de paix et de justice.
Face à la problématique de la corruption, la presse et les institutions internationales voient surtout le côté de la «demande», pointant du doigt les agents publics qui abusent de leur fonction pour obtenir des avantages personnels injustifiés. Le côté de «l’offre» est souvent négligé. Ceux qui versent des pots-de-vin sont parfois décrits comme des victimes innocentes, obligés par des fonctionnaires indélicats à verser des dessous de table ou à accorder des faveurs particulières pour obtenir un marché. Interpellez votre gouvernement, vos élus politiques, les présidents des communes urbaines et rurales qui refusent d’accorder des moyens financiers à l’appareil judiciaire, car pour les mafieux, la justice n’est pas une priorité politique, ils ne savent pas tout le mal que peut entraîner une justice mal rendue et les souffrances qu’elle afflige aux citoyens. De plus, c’est la démocratie qui est menacée. Les mafieux ne veulent pas admettre cette réalité, quel dommage ! Dans ce sillage, la Chambre criminelle chargée des crimes financiers de la Cour d’appel de Rabat a condamné un parlementaire, président d’une commune à deux ans de prison ferme dans une affaire de corruption. Pour rappel, le député a été interpellé dans un café à Kénitra, alors qu’il recevait un pot-de-vin de 200.000 dirhams d’un entrepreneur pour débloquer le paiement d’un marché de près de 4,5 millions de dirhams, réalisé pour le compte de la commune. Il est tombé dans le piège. Selon la publication trimestrielle de Transparency Maroc, 68 présidents de communes urbaines et rurales ont été déférés devant la justice pour corruption. Mais d’autres présidents de communes corrompus, sont à l’abri de tout contrôle financier et poursuite judiciaire, c’est dangereux.
En fait, les deux parties (le corrupteur et le corrompu) sont également coupables : le contribuable est floué, le jeu de la concurrence faussé, les ressources gaspillées, le développement entravé et souvent les souffrances humaines aggravées. La justice est mise à mal.
Actuellement, de nombreuses organisations combattent la corruption. On doit prendre des mesures pour favoriser l’instauration d’organes de presse libres et d’une justice indépendante du pouvoir politique, capable d’enquêter sur les affaires de corruption et de poursuivre les individus, les hauts responsables et les entreprises malhonnêtes. Il faut aussi créer des bureaux de contrôleurs efficaces, des services de recouvrement des recettes ainsi que des procédures de passation de marchés publics plus claires. Le blanchiment d’argent est la cheville ouvrière de la corruption au Maroc, et tous les moyens sont bons pour contribuer à faire reculer ce fléau. Le lien entre les deux phénomènes est évident : ceux qui perçoivent des pots-de-vin ont besoin de circuits financiers internationaux sécurisés pour mettre à l’abri les fonds illicites dont ils ont bénéficié. Il est aussi de l’intérêt des corrupteurs d’aider les bénéficiaires à créer ces circuits pour blanchir cet argent.
Dans une large mesure, plusieurs grandes banques internationales servent d’intermédiaire au blanchiment d’argent (drogue) à l’échelle planétaire. Dans ce sillage, mon confrère Christian Charrière-Bournazel, ancien bâtonnier de l’Ordre des avocats de Paris et ancien professeur de français au lycée Omar Ibn Abdelaziz à Oujda dans les années 70, défenseur inlassable des droits de l’Homme, a mené une campagne courageuse contre le blanchiment de fonds d’origine frauduleuse au niveau mondial.
Il est à rappeler que les avocats, défenseurs des droits de l’Homme et la société civile doivent assumer leurs responsabilités de lutte contre la corruption et dénoncer les dirigeants et les juges corrompus. Ils n’ont de cesse de faire preuve d’un courage remarquable pour éradiquer la corruption et démasquer les corrompus qui détruisent l’économie de notre pays.
Dans cette optique, un changement culturel devrait s’opérer afin de faire évoluer la capacité les juges et leur rôle d’arbitre. La réforme judiciaire est un mécanisme de l’édification de l’Etat de droit au Maroc ; c’est un travail de longue haleine qui, pour être viable et pérenne, nécessite un engagement de la part de l’Etat, une vision et une approche stratégiques permettant d’établir un véritable système judiciaire, acteur essentiel de croissance économique et rouage indispensable pour la bonne marche de la société.
Si les grades, les fonctions ne s’obtiennent pas par la corruption, si les honneurs n’étaient achetés qu’au prix du mérite, que de gens qui sont nus seraient couverts, que de gens qui commandent seraient commandés.
Les obstacles que la profession d’avocat au Maroc doit franchir sont insurmontables. Cette noble profession est confrontée à un grand défi. Ils sont nombreux à expliquer la récurrence de la corruption dans la justice, mais le contact facile entre le juge et les justiciables demeure un élément déterminant. Le juge chargé de dire le droit reçoit des justiciables comme un médecin en ferait pour ses patients. Les couloirs qui mènent au bureau des juges sont squattés par des justiciables. En file indienne, chacun attend son tour afin d’exposer son cas au juge. Il n’est pas rare de voir un avocat sans moralité, faire le pied de grue au milieu de ce monde de corruption et de manigances, pour être reçu par un juge. " Ce n’est pas normal", se plaint un jeune avocat honnête. L’avocat doit être reçu en priorité par le juge ; le rôle du juge n’est pas de recevoir des plaignants dans son bureau. Notre ministre de la Justice et des Libertés n’a pas encore compris que les juges ne doivent pas recevoir les justiciables dans leur bureau, sauf cas exceptionnel.
L’avènement de l’Etat de droit dans notre pays, plus qu’ailleurs, ne peut cependant devenir une réalité sans l’aide de juges intègres. Les pesanteurs sont fortes et multiples, comment cette aide se manifestera-t-elle? Pourra-t-elle contribuer à une démocratisation véritable des systèmes politiques dans un domaine qui lui est propre et qui consiste à appliquer la loi et à rendre la justice?
Au niveau de leur statut tel qu’il ressort des textes, les magistrats n’échappent pas à l’emprise, directe ou indirecte, de l’autorité du ministre de la Justice, des autorités politiques et de l’immixtion du pouvoir politique dans l’exercice de la justice. Le problème de l’indépendance de la justice est très souvent évoqué, mais il n’est pas propre au Maroc, il se pose ailleurs également, y compris dans les pays occidentaux où l’on constate quotidiennement que cette indépendance n’est jamais définitivement acquise. La politisation de la justice dans le tiers-monde est une réalité et se manifeste selon les Etats. C’est, en effet, un phénomène tantôt visible, tantôt sournois.
Au cours des années de plomb, le pouvoir exerçait des pressions sur les avocats défenseurs des droits de l’Homme pour les empêcher de veiller à ce que les procès des détenus politiques se déroulent d’une manière équitable. Le Code de procédure pénale tel qu’en vigueur constitue un obstacle réduisant le rôle de l’avocat dans la protection des droits de l’Homme. On peut citer un exemple: en vertu de l’article 80 du Code de procédure pénale, en cas de prolongation de la garde à vue, l’avocat peut communiquer avec son client dès la première heure de la prolongation de cette garde à vue sur autorisation du procureur du Roi. L’entretien se déroule sous contrôle d’un officier de police judiciaire ; la durée de la communication ne peut excéder 30 minutes en garantissant la confidentialité de l’entretien. En cas de non-respect de la procédure, cela porte atteinte à l’indépendance de la profession d’avocat. Il est à rappeler que la présence formelle de l’avocat, au moment de la comparution de la personne gardée à vue devant le procureur du Roi, est vaine, par contre, l’article 63-4 du Code de procédure pénale français dispose que "dès le début de la garde à vue, la personne peut demander à s’entretenir librement avec un avocat".
Les relations entre les avocats et le ministre de la Justice et des Libertés traversent actuellement une mauvaise passe à cause des avant-projets de loi modifiant et complétant les Codes de procédure pénale et civile. Les avocats marocains estiment que "les réformes" initiées par le ministère de tutelle portent directement atteinte aux acquis de la profession d’avocat. Pour cette raison, les avocats rejettent fermement ce projet unilatéral qui vise à réduire le rôle de l’avocat dans la défense des droits de l’Homme.
Socrate avait préféré la mort pour prouver que, même dans des situations extrêmes où il est victime d’injustice, il reste fidèle aux lois de sa cité comme il l’a toujours été. A ce propos, il a déclaré devant ses juges : " Ne vous mettez point en colère contre moi quand je vous dis la vérité, personne de ceux qui vous contredisent n’est censé échapper à la mort, ni même ceux contredisant d’autres groupes dans le but de semer le désordre et l’injustice dans la cité".
Belle est l’honnêteté d’un avocat qui refuse de prendre une affaire louche. Il préférait la mort plutôt que le déshonneur. Certains avocats opportunistes de mauvaise moralité ont choisi la voie de la corruption et de la ruse, ils n’ont pas encore compris que les avocats honnêtes se contentent du peu et peuvent vivre modestement. Comme une vie professionnelle procure du bonheur quand elle commence par l’intégrité et finit par une réussite sociale. Malheureusement, les avocats ne partagent pas les mêmes principes des droits de l’Homme ; certains confrères ne tiennent pas compte des règles déontologiques. Combien un avocat malhonnête bien payé trouve plus juste la cause injuste qu’il plaide, combien un avocat honnête et de bonne moralité sombre dans une crise financière parce qu’il ne pratique pas le courtage au sein des tribunaux.
Tribunaux sans justice, magistrats corrompus, avocats de mauvaise moralité, affaires louches … telles sont les misères d’une certaine justice. Ce qu’il y a d‘horrible au monde, c’est l’oppression du faible par le fort sous le regard passif de l’Etat, dans un Etat où le principe de l’indépendance de la justice n’existe pas. Les lois sont comme des toiles d’araignée à travers lesquelles passent des filous.
Pour avoir une portée pratique, le principe de l’Etat de droit suppose l’existence de juridictions indépendantes, compétentes pour trancher les conflits entre les différentes personnes juridiques en appliquant à la fois le principe de l’égalité, qui découle de l’existence de la hiérarchie des normes, et le principe d’égalité, qui s’oppose à tout traitement différencié des personnes juridiques. Un tel modèle implique l’existence d’une séparation des pouvoirs et d’une justice indépendante. En effet, la justice faisant partie de l’Etat, seule son indépendance à l’égard des pouvoirs législatif et exécutif est en mesure de garantir son impartialité dans l’application des normes de droit ; les juridictions doivent être en mesure de garantir la protection des droits de l’Homme. C’est un travail qui nécessite de choisir et de mettre en place des juges indépendants, compétents, intègres et de grande qualité, puisque l’indépendance de la justice est aujourd’hui considérée comme la principale caractéristique des régimes démocratiques. L’impunité de la corruption et du blanchiment d’argent d’origine frauduleuse sape les institutions démocratiques et freine le développement économique et social.
* Avocat au Barreau d’Oujda
Il n’en fut pas toujours, ainsi, dans les civilisations primitives. Il n’existe, sur le plan étatique, aucune organisation jouant ce rôle, la personne lésée exerce son droit de vengeance aidée par le clan.
A un stade plus avancé, les adversaires, plutôt que de recourir à la violence, s’accordent à soumettre leur différend à un arbitre, c’est le stade de l’arbitrage privé ou de la justice privée. L’Etat n’intervient pas encore dans les difficultés entre les particuliers. Avec l’extension du pouvoir étatique et l’affaiblissement corrélatif de la famille, l’Etat organise lui-même l’arbitrage : il devient arbitre par l’intermédiaire de ses tribunaux, qui remplacent les arbitres privés ; cette organisation judiciaire est commandée par deux principes essentiels :
- Le premier, c’est le principe de l’impartialité du juge, qui signifie la neutralité et l’objectivité vis-à-vis des justiciables.
- Le second, c’est l’indépendance de la justice.
Au Maroc, toutefois, le système judiciaire reste encore mal perçu par les citoyens et les justiciables de bonne foi qui lui reprochent fréquemment le manque de justice, d’indépendance, de transparence et d’efficacité. Il est incontestable que la corruption anéantit la justice et nuit au développement économique et social. Le Maroc a régressé de quatre rangs dans l’indice de la corruption établi par Transparency international. Les pays démocratiques ont commencé la lutte contre la corruption et la délinquance financière dans la justice. Malheureusement, il existe encore, dans notre pays, des magistrats corrompus, médiocres et des avocats de mauvaise moralité et mafieux au sein des tribunaux. Nombre de personnes innocentes sont victimes des agissements de ces juges corrompus entourés d’une poignée d’avocats de mauvaise moralité et sont condamnées pour des faits dont elles ne sont pas les auteurs. Ces magistrats exploitent leur fonction dans le but d’empêcher le bon déroulement de la justice. Pire encore, ils sont eux-mêmes les auteurs de crimes et délits. Evidemment, ils manipulent la vérité des faits pour que soient condamnées les victimes innocentes, c’est très grave.
Mais, ne pensez pas que tous les magistrats dans notre pays soient corrompus ou mafieux. En réalité, la grande majorité sont intègres, justes et tendent à rendre la justice de leur mieux avec beaucoup de sérieux, d’impartialité, d’indépendance et de neutralité, en respectant les droits de l’Homme et les principes de la Constitution qui a honoré les juges. Ils ont la qualité de rendre les jugements au nom du Roi. Il faut donc être à la hauteur des ambitions du Souverain et à la hauteur des attentes du peuple marocain épris de paix et de justice.
Face à la problématique de la corruption, la presse et les institutions internationales voient surtout le côté de la «demande», pointant du doigt les agents publics qui abusent de leur fonction pour obtenir des avantages personnels injustifiés. Le côté de «l’offre» est souvent négligé. Ceux qui versent des pots-de-vin sont parfois décrits comme des victimes innocentes, obligés par des fonctionnaires indélicats à verser des dessous de table ou à accorder des faveurs particulières pour obtenir un marché. Interpellez votre gouvernement, vos élus politiques, les présidents des communes urbaines et rurales qui refusent d’accorder des moyens financiers à l’appareil judiciaire, car pour les mafieux, la justice n’est pas une priorité politique, ils ne savent pas tout le mal que peut entraîner une justice mal rendue et les souffrances qu’elle afflige aux citoyens. De plus, c’est la démocratie qui est menacée. Les mafieux ne veulent pas admettre cette réalité, quel dommage ! Dans ce sillage, la Chambre criminelle chargée des crimes financiers de la Cour d’appel de Rabat a condamné un parlementaire, président d’une commune à deux ans de prison ferme dans une affaire de corruption. Pour rappel, le député a été interpellé dans un café à Kénitra, alors qu’il recevait un pot-de-vin de 200.000 dirhams d’un entrepreneur pour débloquer le paiement d’un marché de près de 4,5 millions de dirhams, réalisé pour le compte de la commune. Il est tombé dans le piège. Selon la publication trimestrielle de Transparency Maroc, 68 présidents de communes urbaines et rurales ont été déférés devant la justice pour corruption. Mais d’autres présidents de communes corrompus, sont à l’abri de tout contrôle financier et poursuite judiciaire, c’est dangereux.
En fait, les deux parties (le corrupteur et le corrompu) sont également coupables : le contribuable est floué, le jeu de la concurrence faussé, les ressources gaspillées, le développement entravé et souvent les souffrances humaines aggravées. La justice est mise à mal.
Actuellement, de nombreuses organisations combattent la corruption. On doit prendre des mesures pour favoriser l’instauration d’organes de presse libres et d’une justice indépendante du pouvoir politique, capable d’enquêter sur les affaires de corruption et de poursuivre les individus, les hauts responsables et les entreprises malhonnêtes. Il faut aussi créer des bureaux de contrôleurs efficaces, des services de recouvrement des recettes ainsi que des procédures de passation de marchés publics plus claires. Le blanchiment d’argent est la cheville ouvrière de la corruption au Maroc, et tous les moyens sont bons pour contribuer à faire reculer ce fléau. Le lien entre les deux phénomènes est évident : ceux qui perçoivent des pots-de-vin ont besoin de circuits financiers internationaux sécurisés pour mettre à l’abri les fonds illicites dont ils ont bénéficié. Il est aussi de l’intérêt des corrupteurs d’aider les bénéficiaires à créer ces circuits pour blanchir cet argent.
Dans une large mesure, plusieurs grandes banques internationales servent d’intermédiaire au blanchiment d’argent (drogue) à l’échelle planétaire. Dans ce sillage, mon confrère Christian Charrière-Bournazel, ancien bâtonnier de l’Ordre des avocats de Paris et ancien professeur de français au lycée Omar Ibn Abdelaziz à Oujda dans les années 70, défenseur inlassable des droits de l’Homme, a mené une campagne courageuse contre le blanchiment de fonds d’origine frauduleuse au niveau mondial.
Il est à rappeler que les avocats, défenseurs des droits de l’Homme et la société civile doivent assumer leurs responsabilités de lutte contre la corruption et dénoncer les dirigeants et les juges corrompus. Ils n’ont de cesse de faire preuve d’un courage remarquable pour éradiquer la corruption et démasquer les corrompus qui détruisent l’économie de notre pays.
Dans cette optique, un changement culturel devrait s’opérer afin de faire évoluer la capacité les juges et leur rôle d’arbitre. La réforme judiciaire est un mécanisme de l’édification de l’Etat de droit au Maroc ; c’est un travail de longue haleine qui, pour être viable et pérenne, nécessite un engagement de la part de l’Etat, une vision et une approche stratégiques permettant d’établir un véritable système judiciaire, acteur essentiel de croissance économique et rouage indispensable pour la bonne marche de la société.
Si les grades, les fonctions ne s’obtiennent pas par la corruption, si les honneurs n’étaient achetés qu’au prix du mérite, que de gens qui sont nus seraient couverts, que de gens qui commandent seraient commandés.
Les obstacles que la profession d’avocat au Maroc doit franchir sont insurmontables. Cette noble profession est confrontée à un grand défi. Ils sont nombreux à expliquer la récurrence de la corruption dans la justice, mais le contact facile entre le juge et les justiciables demeure un élément déterminant. Le juge chargé de dire le droit reçoit des justiciables comme un médecin en ferait pour ses patients. Les couloirs qui mènent au bureau des juges sont squattés par des justiciables. En file indienne, chacun attend son tour afin d’exposer son cas au juge. Il n’est pas rare de voir un avocat sans moralité, faire le pied de grue au milieu de ce monde de corruption et de manigances, pour être reçu par un juge. " Ce n’est pas normal", se plaint un jeune avocat honnête. L’avocat doit être reçu en priorité par le juge ; le rôle du juge n’est pas de recevoir des plaignants dans son bureau. Notre ministre de la Justice et des Libertés n’a pas encore compris que les juges ne doivent pas recevoir les justiciables dans leur bureau, sauf cas exceptionnel.
L’avènement de l’Etat de droit dans notre pays, plus qu’ailleurs, ne peut cependant devenir une réalité sans l’aide de juges intègres. Les pesanteurs sont fortes et multiples, comment cette aide se manifestera-t-elle? Pourra-t-elle contribuer à une démocratisation véritable des systèmes politiques dans un domaine qui lui est propre et qui consiste à appliquer la loi et à rendre la justice?
Au niveau de leur statut tel qu’il ressort des textes, les magistrats n’échappent pas à l’emprise, directe ou indirecte, de l’autorité du ministre de la Justice, des autorités politiques et de l’immixtion du pouvoir politique dans l’exercice de la justice. Le problème de l’indépendance de la justice est très souvent évoqué, mais il n’est pas propre au Maroc, il se pose ailleurs également, y compris dans les pays occidentaux où l’on constate quotidiennement que cette indépendance n’est jamais définitivement acquise. La politisation de la justice dans le tiers-monde est une réalité et se manifeste selon les Etats. C’est, en effet, un phénomène tantôt visible, tantôt sournois.
Au cours des années de plomb, le pouvoir exerçait des pressions sur les avocats défenseurs des droits de l’Homme pour les empêcher de veiller à ce que les procès des détenus politiques se déroulent d’une manière équitable. Le Code de procédure pénale tel qu’en vigueur constitue un obstacle réduisant le rôle de l’avocat dans la protection des droits de l’Homme. On peut citer un exemple: en vertu de l’article 80 du Code de procédure pénale, en cas de prolongation de la garde à vue, l’avocat peut communiquer avec son client dès la première heure de la prolongation de cette garde à vue sur autorisation du procureur du Roi. L’entretien se déroule sous contrôle d’un officier de police judiciaire ; la durée de la communication ne peut excéder 30 minutes en garantissant la confidentialité de l’entretien. En cas de non-respect de la procédure, cela porte atteinte à l’indépendance de la profession d’avocat. Il est à rappeler que la présence formelle de l’avocat, au moment de la comparution de la personne gardée à vue devant le procureur du Roi, est vaine, par contre, l’article 63-4 du Code de procédure pénale français dispose que "dès le début de la garde à vue, la personne peut demander à s’entretenir librement avec un avocat".
Les relations entre les avocats et le ministre de la Justice et des Libertés traversent actuellement une mauvaise passe à cause des avant-projets de loi modifiant et complétant les Codes de procédure pénale et civile. Les avocats marocains estiment que "les réformes" initiées par le ministère de tutelle portent directement atteinte aux acquis de la profession d’avocat. Pour cette raison, les avocats rejettent fermement ce projet unilatéral qui vise à réduire le rôle de l’avocat dans la défense des droits de l’Homme.
Socrate avait préféré la mort pour prouver que, même dans des situations extrêmes où il est victime d’injustice, il reste fidèle aux lois de sa cité comme il l’a toujours été. A ce propos, il a déclaré devant ses juges : " Ne vous mettez point en colère contre moi quand je vous dis la vérité, personne de ceux qui vous contredisent n’est censé échapper à la mort, ni même ceux contredisant d’autres groupes dans le but de semer le désordre et l’injustice dans la cité".
Belle est l’honnêteté d’un avocat qui refuse de prendre une affaire louche. Il préférait la mort plutôt que le déshonneur. Certains avocats opportunistes de mauvaise moralité ont choisi la voie de la corruption et de la ruse, ils n’ont pas encore compris que les avocats honnêtes se contentent du peu et peuvent vivre modestement. Comme une vie professionnelle procure du bonheur quand elle commence par l’intégrité et finit par une réussite sociale. Malheureusement, les avocats ne partagent pas les mêmes principes des droits de l’Homme ; certains confrères ne tiennent pas compte des règles déontologiques. Combien un avocat malhonnête bien payé trouve plus juste la cause injuste qu’il plaide, combien un avocat honnête et de bonne moralité sombre dans une crise financière parce qu’il ne pratique pas le courtage au sein des tribunaux.
Tribunaux sans justice, magistrats corrompus, avocats de mauvaise moralité, affaires louches … telles sont les misères d’une certaine justice. Ce qu’il y a d‘horrible au monde, c’est l’oppression du faible par le fort sous le regard passif de l’Etat, dans un Etat où le principe de l’indépendance de la justice n’existe pas. Les lois sont comme des toiles d’araignée à travers lesquelles passent des filous.
Pour avoir une portée pratique, le principe de l’Etat de droit suppose l’existence de juridictions indépendantes, compétentes pour trancher les conflits entre les différentes personnes juridiques en appliquant à la fois le principe de l’égalité, qui découle de l’existence de la hiérarchie des normes, et le principe d’égalité, qui s’oppose à tout traitement différencié des personnes juridiques. Un tel modèle implique l’existence d’une séparation des pouvoirs et d’une justice indépendante. En effet, la justice faisant partie de l’Etat, seule son indépendance à l’égard des pouvoirs législatif et exécutif est en mesure de garantir son impartialité dans l’application des normes de droit ; les juridictions doivent être en mesure de garantir la protection des droits de l’Homme. C’est un travail qui nécessite de choisir et de mettre en place des juges indépendants, compétents, intègres et de grande qualité, puisque l’indépendance de la justice est aujourd’hui considérée comme la principale caractéristique des régimes démocratiques. L’impunité de la corruption et du blanchiment d’argent d’origine frauduleuse sape les institutions démocratiques et freine le développement économique et social.
* Avocat au Barreau d’Oujda