L’union fait la force dit Esope
Oui mais l’union de qui (et pourquoi)
répond Alain
Je me souviens toujours et avec nostalgie des tiwizis du début des années cinquante. Elles resteront à tout jamais mémorables. Ce terme "Tiwizi" qui existe dans toutes les variantes de la langue amazighe en Afrique du Nord, est devenu l’intitulé de journaux et revues amazighes et l’emblème des associations et ONG. Son substantif tiwizi appartient donc à notre patrimoine collectif. Il est ainsi passé depuis, dans l’arabe dialectal local et est devenu tiwizza. Mais par l’usage, il a dévié et pris un sens négatif et signifiant travail forcé pour le potentat, le chérif ou le caïd du coin. Par contre pour tous les
Imazighens là où ils se trouvent le mot tiwizi évoque la solidarité, et le
Bénévolat. Les formes des tiwizis et leur but varient avec les saisons.
Tiwizi d’automne
Le dernier anmougar de l’année se tient fin septembre près de la tombe d’un saint ou d’une sainte. Un bœuf noir et un mouton blanc sont sacrifiés, un repas pour tous est organisé. Des prières collectives sont dites pour la stabilité du foyer, la fécondité de l’étable et la fertilité de la terre car les premières pluies nous arrivent souvent début octobre.
Nous labourons d’abord en tiwizi les terrains de notre mosquée, et ceux de la Zaouïa de la tribu (tanalt). Ce sont des terres dites agdal (sacrées), les labourer en premier, assure bénédiction pour la session des labours. Par la suite de petites équipes familiales ou mini tiwizi se forment. Le but est de faire le gros des labours des terrains lointains arides et se desséchant vite.
Je me souviens de notre tiwizi familiale. Il y a l’oncle avec sa mule, la tante et son bœuf et ma mère avec notre âne mon ami. Nous prenons tôt le matin une soupe de semoule et de petites figues sèches noires et sucrées. Nous partons alors que les sentiers sinueux sont à peine visibles.
Les enfants débarrassent les parcelles de terrain des pierres et des mauvaises herbes. C’est un plaisir d’être en contact dès l’aube avec la terre humide, fumante et qu’il est envoutant d’en sentir son odeur.
Les semailles de l’orge se font à même les sillons par les femmes derrière les laboureurs (leurs maris). Les lentilles et petits pois sont semés aux bords des parcelles. Les sillons ensemencés sont refermés à la pioche le tout est recouvert de fumier fin et le sol est nivelé. Les oiseaux ne trouveront presque rien. En Tiwizi, femmes, hommes, enfants tous, nous travaillons dans ensemble dans la bonne humeur.
Nous fredonnons des chansons qui cadencent notre travail ce qui le rend moins fatiguant. Vers midi un bon couscous amené du village est servi à l’ombre d’un arbre ou au pied d’un rocher. Nos bêtes de trait se reposent, broutent les pousses d’herbe et boivent au ruisseau à côté. Le retour des tiwizis vers le village se fait au coucher du Soleil.
Le dernier anmougar de l’année se tient fin septembre près de la tombe d’un saint ou d’une sainte. Un bœuf noir et un mouton blanc sont sacrifiés, un repas pour tous est organisé. Des prières collectives sont dites pour la stabilité du foyer, la fécondité de l’étable et la fertilité de la terre car les premières pluies nous arrivent souvent début octobre.
Nous labourons d’abord en tiwizi les terrains de notre mosquée, et ceux de la Zaouïa de la tribu (tanalt). Ce sont des terres dites agdal (sacrées), les labourer en premier, assure bénédiction pour la session des labours. Par la suite de petites équipes familiales ou mini tiwizi se forment. Le but est de faire le gros des labours des terrains lointains arides et se desséchant vite.
Je me souviens de notre tiwizi familiale. Il y a l’oncle avec sa mule, la tante et son bœuf et ma mère avec notre âne mon ami. Nous prenons tôt le matin une soupe de semoule et de petites figues sèches noires et sucrées. Nous partons alors que les sentiers sinueux sont à peine visibles.
Les enfants débarrassent les parcelles de terrain des pierres et des mauvaises herbes. C’est un plaisir d’être en contact dès l’aube avec la terre humide, fumante et qu’il est envoutant d’en sentir son odeur.
Les semailles de l’orge se font à même les sillons par les femmes derrière les laboureurs (leurs maris). Les lentilles et petits pois sont semés aux bords des parcelles. Les sillons ensemencés sont refermés à la pioche le tout est recouvert de fumier fin et le sol est nivelé. Les oiseaux ne trouveront presque rien. En Tiwizi, femmes, hommes, enfants tous, nous travaillons dans ensemble dans la bonne humeur.
Nous fredonnons des chansons qui cadencent notre travail ce qui le rend moins fatiguant. Vers midi un bon couscous amené du village est servi à l’ombre d’un arbre ou au pied d’un rocher. Nos bêtes de trait se reposent, broutent les pousses d’herbe et boivent au ruisseau à côté. Le retour des tiwizis vers le village se fait au coucher du Soleil.
Tiwizi d’hiver
Là-haut dans l’anti Atlas à Tanalt, le gaulage des olives se fait fin décembre et début janvier. A cette époque dans notre vallée les olives sont mûres, pleines, noires et brillantes. Il faut, disent les vieux les faire rentrer vite à la maison, car tombées au sol elles pourrissent et restées sur les arbres les oiseaux les picorent. L’ouverture de la session du gaulage des olives est annoncée par le crieur public le jour du marché. L’Ecole nous libère pour quelques jours. Durant une semaine la grande oliveraie dite Targua n’Iznaguen, est en fête.
Elle est envahie dès le matin par des équipes joyeuses ce qui effraie la faune locale (couleuvres, grenouilles). Notre tiwizi pour les olives se compose des proches venus avec plaisir des villages voisins. Le travail commence au lever du Soleil après un bon petit déjeuner pris tôt à la maison. Les jeunes gens grimpent aux cimes des oliviers un long bâton (gaule) à la main. Les vieux et les enfants restent en bas munis aussi de leurs gaules.
Tous donnent des coups légers et répétés aux jeunes branches surchargées d’olives. Elles tombent au sol et le couvrent en faisant un crépitement continu, signe d’une bonne récolte. Entre temps les femmes et les filles arrivent pour le ramassage des olives. Elles se font très belles, s’habillent avec élégance, se maquillent de produits naturels, et se couvrent de bijoux en argent. Les jeunes perchés aux sommets des oliviers lancent alors dans les airs des chansons d’amour.
Les répliques en chants de la part des femmes et des filles ne tardent pas de venir d’en bas. Cette ambiance de tiwizi rend le travail agréable et le temps passe vite. Le déjeuner, un grand couscous est ramené du village. Il est suivi d’un thé à la menthe sauvage (timmija, fliou) cueillie sur place. Le travail reprend dans la joie jusqu’au coucher du Soleil. Le retour au village se fait en groupes avec mulets et baudets chargés d’olives.
Les garçons en profitent et font des brins de cour aux belles cousines C’est souvent là un prélude sûr de mariages à l’été suivant. Une danse collective est organisée. Pour clore la session du gaulage les habitants de chaque village font une tiwizi consacrée aux oliviers de la mosquée et de la Medersa de Tanalt.
Là-haut dans l’anti Atlas à Tanalt, le gaulage des olives se fait fin décembre et début janvier. A cette époque dans notre vallée les olives sont mûres, pleines, noires et brillantes. Il faut, disent les vieux les faire rentrer vite à la maison, car tombées au sol elles pourrissent et restées sur les arbres les oiseaux les picorent. L’ouverture de la session du gaulage des olives est annoncée par le crieur public le jour du marché. L’Ecole nous libère pour quelques jours. Durant une semaine la grande oliveraie dite Targua n’Iznaguen, est en fête.
Elle est envahie dès le matin par des équipes joyeuses ce qui effraie la faune locale (couleuvres, grenouilles). Notre tiwizi pour les olives se compose des proches venus avec plaisir des villages voisins. Le travail commence au lever du Soleil après un bon petit déjeuner pris tôt à la maison. Les jeunes gens grimpent aux cimes des oliviers un long bâton (gaule) à la main. Les vieux et les enfants restent en bas munis aussi de leurs gaules.
Tous donnent des coups légers et répétés aux jeunes branches surchargées d’olives. Elles tombent au sol et le couvrent en faisant un crépitement continu, signe d’une bonne récolte. Entre temps les femmes et les filles arrivent pour le ramassage des olives. Elles se font très belles, s’habillent avec élégance, se maquillent de produits naturels, et se couvrent de bijoux en argent. Les jeunes perchés aux sommets des oliviers lancent alors dans les airs des chansons d’amour.
Les répliques en chants de la part des femmes et des filles ne tardent pas de venir d’en bas. Cette ambiance de tiwizi rend le travail agréable et le temps passe vite. Le déjeuner, un grand couscous est ramené du village. Il est suivi d’un thé à la menthe sauvage (timmija, fliou) cueillie sur place. Le travail reprend dans la joie jusqu’au coucher du Soleil. Le retour au village se fait en groupes avec mulets et baudets chargés d’olives.
Les garçons en profitent et font des brins de cour aux belles cousines C’est souvent là un prélude sûr de mariages à l’été suivant. Une danse collective est organisée. Pour clore la session du gaulage les habitants de chaque village font une tiwizi consacrée aux oliviers de la mosquée et de la Medersa de Tanalt.
Année amazighe :
Nos olives rentrées, nos cousins et cousines partis, nous sommes contents. Nous fêtons alors le début de la nouvelle année amazighe ensemble entre familles voisines. Les femmes préparent un diner général et spécial pour l’occasion qui est partout le même. Il s’agit d’un grand plat chaud à base de semoule d’orge et de maïs avec au centre un bol d’huile Nos mères y mettent une poignée de tout ce qui est cultivé et récolté chez nous (orge, maïs, lentilles, petits pois, fèves, pépins, amandes, olives ) et un ou deux noyaux de datte.
Nous nous mettons en petits groupes autour de ce plat chaud d’espoir. Nous faisons de belles boulettes nous les trempons dans le bol central et nous avalons. Celui ou celle qui tombe sur le noyau de datte se considère chanceux pour l’année. Moi j’attends des babouches jaunes et ma sœur espère des bijoux et sans le dire un beau mari. Les adultes, l’air sérieux, parlent des pluies, des rivières en crue, et les jeunes rêvent d’un printemps fleuri.
Tiwizi du printemps
A Tanalt, le printemps est un éveil de la Nature : Granite rouge et verdure éclatante sont partout. La terre encore humide se couvre d’herbes et de fleurs de toutes les couleurs. Les figuiers, et les vignes renouvellent leurs feuillages. Les amandiers embellissent le paysage de fleurs roses Les odeurs naturelles embaument (thym, lavande) l’air et les oiseaux chantent leurs amours. Nos vaches sont bien nourries, nous avons une nourriture riche (lait, beurre) en attendant les récoltes proches.
Les parcelles de terres cultivées en automne sont couvertes d’orge. Les champs passent petit à petit du vert au doré. Les moissons ont lieu au mois de Mai. Elles se font en tiwizi familiales surtout pour les lopins de terre lointains. Il faut moissonner et ramasser rapidement les céréales pour éviter de les exposer aux orages et au pourrissement. Les oiseaux de saison picorent les épis, les écureuils et leurs cousines gerboises grignotent. Les moissons sont un labeur dur sous un soleil de mai toujours ardent. Par devoir la session des moissons débute en grande tiwizzi par les terrains de la mosquée et ceux de la Medersa.
Faucilles à la main, gestes rythmés, les hommes et les femmes attaquent chacun une parcelle. Ils fredonnent des chants, plaisantent et laissent derrière eux de grosses gerbes d’orge ficelées. Les femmes ramassent ces mottes d’orges les entassent et les ramènent près des maisons. Vers midi comme à l’accoutumé il y a un repas collectif pour chaque tiwizi familiale suivi d’un thé et d’une petite sieste. Le travail reprend ensuite sans relâche jusqu’au coucher du soleil. Lorsque tous les terrains du village et ses environs sont moissonnés, les paysans font de grands amas des gerbes d’orge amas de forme circulaire ou rectangulaire. Ils considèrent alors que leur devoir envers la Terre est honoré, ils la laissent se reposer durant tout l’été
Nos olives rentrées, nos cousins et cousines partis, nous sommes contents. Nous fêtons alors le début de la nouvelle année amazighe ensemble entre familles voisines. Les femmes préparent un diner général et spécial pour l’occasion qui est partout le même. Il s’agit d’un grand plat chaud à base de semoule d’orge et de maïs avec au centre un bol d’huile Nos mères y mettent une poignée de tout ce qui est cultivé et récolté chez nous (orge, maïs, lentilles, petits pois, fèves, pépins, amandes, olives ) et un ou deux noyaux de datte.
Nous nous mettons en petits groupes autour de ce plat chaud d’espoir. Nous faisons de belles boulettes nous les trempons dans le bol central et nous avalons. Celui ou celle qui tombe sur le noyau de datte se considère chanceux pour l’année. Moi j’attends des babouches jaunes et ma sœur espère des bijoux et sans le dire un beau mari. Les adultes, l’air sérieux, parlent des pluies, des rivières en crue, et les jeunes rêvent d’un printemps fleuri.
Tiwizi du printemps
A Tanalt, le printemps est un éveil de la Nature : Granite rouge et verdure éclatante sont partout. La terre encore humide se couvre d’herbes et de fleurs de toutes les couleurs. Les figuiers, et les vignes renouvellent leurs feuillages. Les amandiers embellissent le paysage de fleurs roses Les odeurs naturelles embaument (thym, lavande) l’air et les oiseaux chantent leurs amours. Nos vaches sont bien nourries, nous avons une nourriture riche (lait, beurre) en attendant les récoltes proches.
Les parcelles de terres cultivées en automne sont couvertes d’orge. Les champs passent petit à petit du vert au doré. Les moissons ont lieu au mois de Mai. Elles se font en tiwizi familiales surtout pour les lopins de terre lointains. Il faut moissonner et ramasser rapidement les céréales pour éviter de les exposer aux orages et au pourrissement. Les oiseaux de saison picorent les épis, les écureuils et leurs cousines gerboises grignotent. Les moissons sont un labeur dur sous un soleil de mai toujours ardent. Par devoir la session des moissons débute en grande tiwizzi par les terrains de la mosquée et ceux de la Medersa.
Faucilles à la main, gestes rythmés, les hommes et les femmes attaquent chacun une parcelle. Ils fredonnent des chants, plaisantent et laissent derrière eux de grosses gerbes d’orge ficelées. Les femmes ramassent ces mottes d’orges les entassent et les ramènent près des maisons. Vers midi comme à l’accoutumé il y a un repas collectif pour chaque tiwizi familiale suivi d’un thé et d’une petite sieste. Le travail reprend ensuite sans relâche jusqu’au coucher du soleil. Lorsque tous les terrains du village et ses environs sont moissonnés, les paysans font de grands amas des gerbes d’orge amas de forme circulaire ou rectangulaire. Ils considèrent alors que leur devoir envers la Terre est honoré, ils la laissent se reposer durant tout l’été
Tiwizi d’été
Dans chaque village il y a une tiwizi qui passe chez chaque famille
à tour de rôle pour le dépiquage et le vannage de l’orge. L’aire qui sert
à cet effet est plane, circulaire et entourée de pierres en murette. Le travail commence tôt le matin juste après le chant-réveil des coqs. Le dépiquage se fait par le foulage de l’orge sous les pieds de nos animaux à gros sabots.
Ils tournent autour d’un piquet central sur un grand tas de gerbes d’orges séchées. Nous les enfants nous courons derrière ces bêtes en chantant un refrain spécial pour la circonstance pour perpétuer le mouvement en rond. De temps en temps il y a une petite pause pour permettre aux animaux de se reposer et de s’abreuver.
Entre temps les hommes armés de fourches, remuent et étalent les gerbes Ils fredonnent souvent des chants rituels en accord avec leurs gestes séculaires. Après, les bêtes reprennent leur travail de rotation en piétinant de nouveau les tiges d’orge. Ce travail de dépiquage dure en général jusqu’à midi ou un peu plus. Après un bon repas mérité à l’ombre du grand arbre du coin c’est alors le début du vannage.
Les hommes font du résultat du dépiquage un long amas perpendiculaire à la direction du vent Ils en lancent de façon rythmée dans l’air des pelles pleines Le vent éloigne les brins légers de paille et la poussière. Les grains d’orge et les petits cailloux tombent sur place. Les femmes achèvent cette opération de séparation (le bon grain de l’ivraie dit la Bible) avec de petits balais à la main.
Souvent leurs gestes sont accompagnés de chants religieux remerciant Dieu, le Prophète, les saints et saintes du coin. Le vannage dure une journée ou deux au grès des vents. Si la récolte est bonne comme c’était souvent le cas à l’époque, le patriarche de la famille met un dixième de la récolte
de côté pour les démunis du village, pauvres de passage et la médersa de
Tanalt. Dès le lendemain cette tiwizi va dans une autre famille pour les mêmes opérations et fêtes.
Au bout de deux ou trois semaines toutes les familles ont leur orge et les lentilles dans le grenier la paille remplit une pièce proche de l’étable. Par ailleurs nous avons dans notre village autour des maisons sur les collines des amandiers. Dans d’autres villages non lointains il y a en plus beaucoup d’arganiers et caroubiers. Il faut faire vite les écureuils, gerboise et voleurs eux n’attendent pas. Nous nous faisons aider les uns les autres en tiwizi. De nouveau c’est le travail, les chants et la fête autour de chaque village. Nous les enfants nous nous régalons d’amande douces et quelques fois nous tombons sur une amère!
Ainsi vers le milieu de l’été nos maisons sont remplies pour toute l’année de provisions pour nous et nos animaux. Nous avons travaillé les uns pour les autres sans cupidité aucune. Nous faisons alors une fête collective avec sacrifice de deux boucs noirs devant la mosquée. Le reste de l’été se passe en fêtes, nos émigrés nous reviennent pour un mois, les filles et les garçons se marient et les amougars de tribus se déroulent dans la joie.
Dans chaque village il y a une tiwizi qui passe chez chaque famille
à tour de rôle pour le dépiquage et le vannage de l’orge. L’aire qui sert
à cet effet est plane, circulaire et entourée de pierres en murette. Le travail commence tôt le matin juste après le chant-réveil des coqs. Le dépiquage se fait par le foulage de l’orge sous les pieds de nos animaux à gros sabots.
Ils tournent autour d’un piquet central sur un grand tas de gerbes d’orges séchées. Nous les enfants nous courons derrière ces bêtes en chantant un refrain spécial pour la circonstance pour perpétuer le mouvement en rond. De temps en temps il y a une petite pause pour permettre aux animaux de se reposer et de s’abreuver.
Entre temps les hommes armés de fourches, remuent et étalent les gerbes Ils fredonnent souvent des chants rituels en accord avec leurs gestes séculaires. Après, les bêtes reprennent leur travail de rotation en piétinant de nouveau les tiges d’orge. Ce travail de dépiquage dure en général jusqu’à midi ou un peu plus. Après un bon repas mérité à l’ombre du grand arbre du coin c’est alors le début du vannage.
Les hommes font du résultat du dépiquage un long amas perpendiculaire à la direction du vent Ils en lancent de façon rythmée dans l’air des pelles pleines Le vent éloigne les brins légers de paille et la poussière. Les grains d’orge et les petits cailloux tombent sur place. Les femmes achèvent cette opération de séparation (le bon grain de l’ivraie dit la Bible) avec de petits balais à la main.
Souvent leurs gestes sont accompagnés de chants religieux remerciant Dieu, le Prophète, les saints et saintes du coin. Le vannage dure une journée ou deux au grès des vents. Si la récolte est bonne comme c’était souvent le cas à l’époque, le patriarche de la famille met un dixième de la récolte
de côté pour les démunis du village, pauvres de passage et la médersa de
Tanalt. Dès le lendemain cette tiwizi va dans une autre famille pour les mêmes opérations et fêtes.
Au bout de deux ou trois semaines toutes les familles ont leur orge et les lentilles dans le grenier la paille remplit une pièce proche de l’étable. Par ailleurs nous avons dans notre village autour des maisons sur les collines des amandiers. Dans d’autres villages non lointains il y a en plus beaucoup d’arganiers et caroubiers. Il faut faire vite les écureuils, gerboise et voleurs eux n’attendent pas. Nous nous faisons aider les uns les autres en tiwizi. De nouveau c’est le travail, les chants et la fête autour de chaque village. Nous les enfants nous nous régalons d’amande douces et quelques fois nous tombons sur une amère!
Ainsi vers le milieu de l’été nos maisons sont remplies pour toute l’année de provisions pour nous et nos animaux. Nous avons travaillé les uns pour les autres sans cupidité aucune. Nous faisons alors une fête collective avec sacrifice de deux boucs noirs devant la mosquée. Le reste de l’été se passe en fêtes, nos émigrés nous reviennent pour un mois, les filles et les garçons se marient et les amougars de tribus se déroulent dans la joie.
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Tiwizis mémorables
Ma mémoire conserve encore aujourd’hui des souvenirs de quelques grandes tiwizis d’antan. J’en ai vécues certaines d’autres m’ont été contées. Aujourd’hui il m’est difficile de trancher pour les séparer dans ma mémoire. Elles sont à l’échelle de tout le village et font date chez nous comme événements marquants. Ces Ttwizis constituent un travail bénévole de la part de tous non au profit d’un individu ou d’une famille, mais pour le bien de la communauté. Ainsi une grande tiwizi mémorable a porté au début des années cinquante sur les travaux de défrichement et de mise en terrasses* des collines voisines du village. Ces grands travaux ont été faits en tiwizi générale et tout le village a participé par le travail et la préparation des repas.
Cette tiwizi historique nous a permis d’avoir des centaines de petits lots en terrasse autour du village. Les anciens ont planté sur les bords de ces lopins de terre des figuiers, des vignes et des amandiers. C’est une manière efficace de lutter contre l’érosion, les anciens l’ont fait par instinct de paysans de montagne et non par savoir savant. Comme toujours il y a eu des chansons (individu, ou groupe) qui ont accompagné ces travaux. Cette grande tiwizi s’est terminé par le partage des terrains* mis en valeur et ce en présence des sages et du fquih du village qui notifia tout. Un repas commun a été préparé et servi sur place pour fêter la fin de ces travaux.
Le soir les jeunes filles du village nous ont gratifié d’une belle danse près d’un grand feu. De même le pressoir d’olive de notre clan familial a été construit à cette époque en partie en tiwizi. D’abord nous avons fait appel à deux artisans tailleurs de pierre réputés dans la région. Pendant des semaines ils ont préparé, burin et gros marteau à la main, deux imposantes meules à partir de deux blocs de granit. Ils étaient logés dans la meilleure maison du clan et étaient nourris par tous à tour de rôle.
Ensuite le reste du travail s’est fait en tiwizi et tout le village y a participé par devoir. Il s’agissait de déplacer ces imposantes meules sans les casser ou les fissurer sur le site choisi pour construire le pressoir. Il a fallu déraciner un grand caroubier, tailler son grand tronc et le déplacer. Il allait servir de grand levier pour presser les olives broyées. Lorsque tout cet ensemble ingénieux fut installé on construisit alors tout autour les murs qui limitaient le pressoir.
Cette tiwizi fut un travail d’hommes et de femmes. Ces dernières apportèrent de l’eau et préparèrent les repas en égaillant de leur présence et de leurs chants la Tiwizi. En 1957, et là je m’en souviens très bien, nous avons eu un automne et un hiver très pluvieux La plupart des maisons furent détruites dans notre village, la nôtre encore neuve avait résisté et nous avions accueilli deux familles sinistrées.
Nous nous sommes alors, organisés spontanément en Tiwizi d’urgence pour reconstruire un début de logis à chacun. Tout le village y participa en aidant par le travail. Chaque famille sinistrée eut en charge de payer les maçons souvent en huile et amandes. Seuls nous avions reconstruit nos maisons et réaménagés nos terrains endommagés. Comme à l’accoutumée depuis des millénaires nous nous sommes entraidés en tiwizi.
Azergui Mohamed Pr universitaire retraité
*Ces terrains et d’autres passent de force dans le Domaine Forestier, Règne des Sangliers.
Ma mémoire conserve encore aujourd’hui des souvenirs de quelques grandes tiwizis d’antan. J’en ai vécues certaines d’autres m’ont été contées. Aujourd’hui il m’est difficile de trancher pour les séparer dans ma mémoire. Elles sont à l’échelle de tout le village et font date chez nous comme événements marquants. Ces Ttwizis constituent un travail bénévole de la part de tous non au profit d’un individu ou d’une famille, mais pour le bien de la communauté. Ainsi une grande tiwizi mémorable a porté au début des années cinquante sur les travaux de défrichement et de mise en terrasses* des collines voisines du village. Ces grands travaux ont été faits en tiwizi générale et tout le village a participé par le travail et la préparation des repas.
Cette tiwizi historique nous a permis d’avoir des centaines de petits lots en terrasse autour du village. Les anciens ont planté sur les bords de ces lopins de terre des figuiers, des vignes et des amandiers. C’est une manière efficace de lutter contre l’érosion, les anciens l’ont fait par instinct de paysans de montagne et non par savoir savant. Comme toujours il y a eu des chansons (individu, ou groupe) qui ont accompagné ces travaux. Cette grande tiwizi s’est terminé par le partage des terrains* mis en valeur et ce en présence des sages et du fquih du village qui notifia tout. Un repas commun a été préparé et servi sur place pour fêter la fin de ces travaux.
Le soir les jeunes filles du village nous ont gratifié d’une belle danse près d’un grand feu. De même le pressoir d’olive de notre clan familial a été construit à cette époque en partie en tiwizi. D’abord nous avons fait appel à deux artisans tailleurs de pierre réputés dans la région. Pendant des semaines ils ont préparé, burin et gros marteau à la main, deux imposantes meules à partir de deux blocs de granit. Ils étaient logés dans la meilleure maison du clan et étaient nourris par tous à tour de rôle.
Ensuite le reste du travail s’est fait en tiwizi et tout le village y a participé par devoir. Il s’agissait de déplacer ces imposantes meules sans les casser ou les fissurer sur le site choisi pour construire le pressoir. Il a fallu déraciner un grand caroubier, tailler son grand tronc et le déplacer. Il allait servir de grand levier pour presser les olives broyées. Lorsque tout cet ensemble ingénieux fut installé on construisit alors tout autour les murs qui limitaient le pressoir.
Cette tiwizi fut un travail d’hommes et de femmes. Ces dernières apportèrent de l’eau et préparèrent les repas en égaillant de leur présence et de leurs chants la Tiwizi. En 1957, et là je m’en souviens très bien, nous avons eu un automne et un hiver très pluvieux La plupart des maisons furent détruites dans notre village, la nôtre encore neuve avait résisté et nous avions accueilli deux familles sinistrées.
Nous nous sommes alors, organisés spontanément en Tiwizi d’urgence pour reconstruire un début de logis à chacun. Tout le village y participa en aidant par le travail. Chaque famille sinistrée eut en charge de payer les maçons souvent en huile et amandes. Seuls nous avions reconstruit nos maisons et réaménagés nos terrains endommagés. Comme à l’accoutumée depuis des millénaires nous nous sommes entraidés en tiwizi.
Azergui Mohamed Pr universitaire retraité
*Ces terrains et d’autres passent de force dans le Domaine Forestier, Règne des Sangliers.