Une récente étude élaborée sous la direction de la sociologue Aïcha Belarbi, et coécrite avec Driss Ksikes et Lahcen Achy, intitulée «Comment aller vers l'égalité économique hommes-femmes ?», répond par la négative et atteste, analyses et chiffres à l’appui, d’un recul important en matière d’égalité entre les deux sexes.
Le document publié conjointement par le Cesem, centre de recherche de HEM, et le think-think Carnegie Middle East Center, relève qu’en dépit de deux facteurs qui auraient pu laisser croire qu’il y a une évolution positive en matière d’égalité entre les genres, à savoir l’amélioration de la scolarisation des filles et la baisse notoire de la fécondité, le taux de participation des femmes au marché du travail a reculé de 30% en 1999 à 25% en 2012.
Ce «policy paper» met en lumière le déficit, non de principe mais de fait, en matière d’égalité entre les faits, au niveau de l'accès à l'emploi, des conditions de travail, des secteurs, des salaires, entre autres critères.
Il précise dans ce cadre que les évolutions constatées au niveau des lois n’ont eu aucune incidence sur le fond. Dans ce sens, le document note que sur plus d’une décennie, «le Maroc a connu au sujet de l’égalité économique entre hommes et femmes, deux trajectoires opposées».
Sur le plan des formalités, le document revient sur ce qui a été fait depuis 2001, notant, entre autres, les articles du code de travail de 2004 qui consacrent la lutte contre le sexisme dans l’accès à l’emploi et au sein de l’entreprise, la Constitution de 2011 qui a consacré les principes universels d’égalité, et spécifie l’égalité des citoyens et citoyennes sur le marché du travail, ainsi que les engagements de l’Etat marocain contre toutes les formes de discrimination, notamment par la ratification de la CEDAW1 et la levée des réserves.
En réalité, il précise que paradoxalement, cela n’a eu aucun impact sur le fond. Les auteurs de ce document constatent ainsi que «le degré d’intégration économique des femmes, et partant, leur propension à l’autonomie, l’émancipation et la négociation de leurs droits, est en chute libre, pour ne pas dire qu’elle s’est nettement détériorée».
Cela prouve, selon ladite étude, que le temps juridique et le temps sociologique sont loin d’être synchronisés, mais montre surtout l’inefficience des politiques sociales et économiques menées sur le terrain.
Cela est d’autant plus patent, selon la même source, que ces performances situent le Maroc, selon l’indice d’écart de genre du Forum économique mondial (FEM) de 2012, au 128ème rang sur 135 pays au niveau de la participation économique des femmes et le relègue à la 12ème place sur les 15 pays de la région MENA couverts, devançant à peine l’Arabie Saoudite, la Syrie et le Yémen.
A titre comparatif, l’étude note que la moyenne mondiale de l’activité féminine est de 51%, et que dans l’Afrique subsaharienne, sous-développée, les taux de participation des femmes dépassent les 60%. En gros, les auteurs indiquent que «c’est dans la traduction concrète des principes en actes que le bât blesse».
Et contrairement à ce que vient d’annoncer le ministre de la Fonction publique et de la Modernisation de l'administration, Abdelâdim El Guerrouj, en avançant un taux de féminisation de l’administration publique de 38% et que 16% des femmes fonctionnaires occupent des postes de haute responsabilité, les auteurs de ce document affirment que ce taux de féminisation dans le secteur ne dépasse pas les 31% et que le taux de femmes occupant des postes de responsabilité s’élève à 7,8%.
Beaucoup de chemin reste donc à parcourir!