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Le gouvernement Benkirane a achevé l’année 2012 dans la répression. A Marrakech, les habitants du quartier populaire de Sidi Youssef Benali se souviendront longtemps encore de ces deux jours d’encerclement, d’arrestations et de terreur, 48 heures qui ont été très probablement les plus longues de leur vie. Une sorte d’état d’urgence a été imposé à ce quartier. Selon plusieurs témoignages concordants, des heurts violents ont opposé forces de l’ordre et citoyens venus protester contre l’extrême cherté des factures d’eau et d’électricité. Très vite le dérapage a cédé la place aux revendications sociales. «Une dérive sécuritaire aux antipodes de ses premiers pas au pouvoir et des promesses d’un Maroc forcément meilleur !» s’exclame ce député de l’Union socialiste des forces populaires. Lundi 31 décembre, alors que le monde s’apprête à accueillir la nouvelle année, Mohand Laenser, le ministre de l’Intérieur, est interpellé par un groupe parlementaire de la majorité, celui de l’Istiqlal. A la séance des questions orales de la Chambre basse, le ministre haraki tente de justifier l’injustifiable, c’est-à-dire la violence des forces de l’ordre. «Lorsqu’il y a des jets de pierres soit on applique la loi, soit l’occupation illégale de la voie publique continue (…) Face au refus des manifestants de quitter les lieux, les forces de sécurité doivent choisir entre accomplir leur devoir ou permettre l’occupation illégale de la voie publique par les manifestants», a expliqué celui qui préside aux destinées du département de l’Intérieur tout en soutenant devant les députés que «des instructions ont été données afin de ne pas user de violence et il n’existe aucune volonté d’en abuser».
«Une telle déclaration signifie au moins une chose : que les instructions du ministre de l’Intérieur ne sont ni écoutées ni appliquées. Si c’est bien le cas, il faut des sanctions contre ceux qui se sont rendus coupables de ces violences. Et si M. Laenser est dans l’incapacité de sanctionner des agents de services qui sont sous sa responsabilité, il doit avoir l’honnêteté de démissionner», réplique ce membre du bureau national du Parti authenticité et modernité.
A Marrakech ces 28 et 29 décembre, la violence a été de part et d’autre de mise. Jets de pierres, biens publics saccagés mais aussi bastonnades, encerclement et arrestations. Des associations locales en témoignent. Cette fois, la répression policière a été particulièrement violente. «Et pour cause. Il ne fallait surtout pas effrayer la jet-set nationale et internationale venue fêter la nuit de la Saint-Sylvestre. L’autre Marrakech, celui de l’exclusion, de la misère et de la précarité n’avait pas droit de cité en ces nuits de fête dans les palaces et les riads. Dans cette ambiance festive et pétillante, entre paillettes et cotillons, les manifestations et les revendications étaient vraiment les malvenues», ironise cet acteur associatif qui a bien du mal à cacher son indignation.
Le PJD et sa bien
commode théorie
du complot
L’Exécutif que conduit l’islamiste Abdelilah Benkirane est-il en train de prendre le dangereux virage du tout-sécuritaire ? Tout porte à le croire. Il y a quelques jours, au cœur de la capitale et devant le Parlement, une manifestation a été violemment dispersée. Un député du PJD, et donc de la propre famille du chef du gouvernement, n’a pas été épargné par les coups et les matraques des forces de l’ordre. Ce dérapage a été porté jusque sous la Coupole. Les groupes parlementaires de l’opposition ont exprimé leur solidarité avec ce député de la majorité.
Au gouvernement et dans les rangs d’une majorité fragilisée par ses incohérences et ses tiraillements, on a de plus en plus de mal à serrer les rangs de «la cohésion gouvernementale». Le ministre de l’Intérieur est pointé du doigt. Les couloirs bruissent de rumeurs. Mohand Laenser serait-il en train de faire de la résistance pour « saboter l’expérience» d’un PJD au pouvoir ? C’est en tout cas l’hypothèse très paranoïaque que développe, mercredi 2 janvier, le journal porte-parole des islamistes du gouvernement, Attajdid, dans son éditorial du jour. Abdelilah Benkirane et ses ouailles du PJD ont, semble-t-il, trouvé la parade. Les manifestations sociales qui ont éclaté dans plusieurs villes marocaines, de Taza à Marrakech en passant par Figuig, et leur lot de dérapages seraient «téléguidées» dans la perspective de faire avorter «l’expérience réformiste» du gouvernement. «Face à ses dérives politiques, sécuritaires, le prix sera lourd à payer politiquement», menace l’éditorialiste islamiste.
«Il y a des manifestations sociales, des citoyens excédés qui sortent dans la rue pour exprimer leur ras-le-bol de la précarité et de l’exclusion qu’ils vivent. Ceci est une réalité criante. Il n’y a que Benkirane et ses ministres qui refusent de voir la crise sévère que traverse le Maroc. La théorie du complot a fait long feu. L’Exécutif se doit d’assumer la politique sécuritaire déployée presque tous les jours à travers le pays. Il n’est pas question que le chef du gouvernement et leader du PJD nous fasse croire à coup d’éditoriaux dans sa presse que la décision de violenter les citoyens qui manifestent est prise ailleurs qu’au gouvernement. Le temps des belles promesses et des beaux discours est terminé. A l’évidence, le gouvernement Benkirane n’a pas de baguette magique mais une matraque !», conclut ce cacique de l’Union socialiste des forces populaires.