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Le projet mûrit depuis plusieurs mois déjà et pour ce faire, le comité préparatoire de la constitution de ce réseau –c’est le groupe parlementaire du Parti authenticité et modernité qui est à l’origine de cette initiative- a fait appel, explique cette ancienne ministre de gauche en charge de la Famille, de la Solidarité et du Développement social «à la conscience des parlementaires». «Tant il est vrai que la question de la suppression de ce châtiment cruel et inhumain relève de la conscience des uns et des autres. Sommes-nous autorisés à donner la mort et à priver une personne du plus sacré des droits, le droit à la vie?», s’interroge-t-elle.
Des parlementaires venus des rangs de l’USFP, du PPS, du PAM et de l’UC se sont passionnément engagés contre la peine de mort. On s’en souvient, ces quatre formations politiques ont officiellement réclamé l’abolition de ce châtiment suprême lors du grand débat public relatif à la réforme de la Constitution.
«Seuls deux partis politiques n’ont pas adhéré à ce réseau et ont décidé de l’ignorer. Il s’agit du PJD et du Mouvement populaire. On ne peut que regretter que des parlementaires refusent toute idée de débat sur une question de société éminemment importante. Ce que nous souhaitons, c’est l’ouverture d’un débat serein car tout pousse à l’abolition de la peine de mort chez nous», affirme ce député du PAM. La mobilisation du réseau parlementaire pour l’abolition de la peine de mort ne fait que commencer. «Il s’agit pour nous de faire en sorte d’inscrire le Maroc dans le mouvement international abolitionniste. 137 Etats ont aboli la peine capitale», explique N. Skalli. Le tout nouveau réseau qui vient en appui à la Coalition marocaine pour l’abolition de la peine de mort compte puiser ses atouts et son argumentaire dans la Constitution qui consacre le droit à la vie et interdit toute atteinte à l’intégrité physique. «Il ne faut surtout pas oublier que le Maroc a interdit et criminalisé la torture. Et la peine de mort est à nos yeux la forme la plus violente de la torture», soutient notre interlocutrice.
Autre objectif de ces parlementaires constitués en réseau, la ratification du deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international des droits civils et politiques, relatif à l’abolition de la peine de mort ainsi que l’adhésion au moratoire des Nations unies sur la suppression de ce châtiment.
115 condamnés dont deux femmes attendent dans les couloirs
de la mort
En décembre dernier, les abolitionnistes marocains ont reçu une douche froide. A la 67ème Assemblée générale des Nations unies, le Maroc s’est, contre toute attente, abstenu de voter en faveur de la résolution portant sur ce moratoire.
Les tribunaux marocains continuent de prononcer des sentences de peine de mort même si la dernière exécution d’un condamné à mort remonte à 1993. Aujourd’hui, 115 condamnés dont deux femmes attendent dans le couloir de la mort. «Au pays de la symbolique, il faut tout de même relever que dans le dossier Gdim Izik, le tribunal militaire a condamné à des peines de prison ceux qui se sont rendus coupables de l’assassinat de membres des Forces armées Royales», fait remarquer un activiste de l’Organisation marocaine des droits humains.
Les activistes se sentent pousser des ailes. Les clameurs de la suppression de cette sentence, cruelle et inhumaine, seront-elles entendues par un gouvernement dirigé par le PJD, un parti résolument anti-abolitionniste ? Au Conseil national des droits de l’Homme, c’est la circonspection qui est de mise. L’abolition de la peine de mort est une question sensible et délicate, y explique-t-on. «Comme toute question de société qui touche à la foi. Il faut bien l’admettre, la problématique de la peine de mort divise la société marocaine. Une partie très importante de la société est en faveur de ce châtiment. C’est pourquoi il est important d’engager un débat public et pluraliste sur cette question sachant que la peine de mort n’est pas un châtiment exemplaire, qu’elle ne fait pas reculer le crime et qu’elle rabaisse la société au niveau du criminel qui ôte la vie», expliquait en octobre dernier à «Libération» Driss El Yazami, le président du Conseil national des droits de l’Homme. «C’est par le débat et la conviction et non par un oukaze que nous pouvons avancer. D’autant qu’en matière de peine de mort, on n’est jamais à l’abri d’une erreur judiciaire », poursuit celui qui était membre de l’Instance équité et réconciliation, une instance qui a recommandé l’abolition de la peine capitale dans son rapport final.
L’abolition de la peine de mort est-elle au menu des réformes que le gouvernement Benkirane a l’intention d’engager? Pas si sûr. «La Constitution adoptée en juillet 2011 n’a pas interdit expressément ce châtiment suprême. D’ailleurs, un débat sur la question a divisé les membres de la commission consultative en charge de la réforme constitutionnelle. Ceux qui étaient contre l’abolition l’ont emporté. Certes, la Constitution consacre le droit à la vie. C’est un principe général que l’Etat doit garantir au quotidien et qu’il ne faut pas interpréter de manière stricto sensu », prévient un membre de la commission en charge de la réforme de la Constitution.
En terre marocaine, la peine de mort est une sentence prévue par 49 articles dont 33 dans le Code pénal.