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En fait je m’attendais à ce résultat. Moi-même j’en avais fait l’amère expérience. Dans les années 1980, quand je préparais le lancement de mon projet éditorial Les cahiers d’El Jadida j’avais pensé commencer par les archives de la municipalité et autres administrations qui avaient hérité des archives du temps du Protectorat. Mais quelle fut grande ma déception ! Partout où j’allais, on m’a fait comprendre qu’il n’y avait pas d’archives et que dans des sous-sols humides et poussiéreux s’entassaient des cartons de paperasses. Personne ne se souciait de la grande richesse contenue dans ses papiers. Plus tard, j’ai cru que les choses avaient évolué depuis les années 1980 mais j’ai vite déchanté après ce qui est arrivé à notre future architecte.
En 1985, lors d’une discussion avec feu Si Mostafa Bencherki, ancien président de la Chambre de commerce d’El Jadida, il m’avait confié que, lors de sa présidence de cette institution, il avait pu constater l’existence d’archives comportant des documents, des rapports commerciaux et des photos de l’époque du Protectorat. Sur son conseil, j’ai alors contacté le président alors en exercice de la Chambre de commerce qui me remit une autorisation de consulter ces archives. Mais cette autorisation ne me sera d’aucune utilité car c’était sans ignorer le rôle bloquant du directeur de la Chambre. Celui-ci, après plusieurs va-et-vient, me dira que, matériellement, les archives n’étaient pas consultables. J’ai insisté auprès de lui arguant que je suis un passionné d’archives et que ce n’était pas un problème pour moi de me salir de poussière. Mais en vain.
Par la suite, en 2008, quand je travaillais sur mon livre Le port d’El Jadida, une histoire méconnue, j’ai essayé de consulter les anciennes archives portuaires. On m’a alors balloté, un moment, entre l’administration du port et les Travaux publics. Plus tard, je suis revenu à la charge. En 2014, je préparais mon livre Médecines et médecins à El Jadida, et j’ai alors demandé, par écrit, de consulter les vieilles archives sanitaires déposées à l’ancien hôpital régional au temps du Protectorat. Après plusieurs jours d’attente, la secrétaire du délégué m’a fait savoir verbalement que les archives avaient été envoyées à Casablanca depuis belle lurette. Je n’ai pas cru à sa version car je savais bien que sa réponse n’était qu’un moyen de se débarrasser de moi.
Le paradoxe est là : alors que localement, les chercheurs souffrent de cette lacune des archives, en Occident la perception est tout autre. Là-bas, les pièces d’archives sont considérées comme des pépites d’or. Lorsque, en 2011, j’ai publié mon livre Mazagan, deux siècles d’histoire consulaire je me suis basé sur des archives étrangères. Très aisément, par de simples échanges de courrier, j’ai eu entre les mains une mine d’informations sur mon sujet. J’ai en effet reçu plus de cent documents des Centres de documentation et des ministères des Affaires étrangères des pays européens et des USA.
Il n’est un secret pour personne que, dans pratiquement l’ensemble de l’administration marocaine, la mentalité n’a toujours pas évolué vis-à-vis des archives. La majorité des dirigeants, par pure ignorance ou négligence, ne croient pas à leur utilité et ne parlons pas des subalternes! Pour avoir exercé une trentaine d’années dans l’administration je sais de quoi je parle. J’ai connu personnellement un établissement public où exerçaient quatre documentalistes, formés à l’Ecole des sciences de l’information, c'est-à-dire des personnes aptes à prendre en main les archives, mais leur hiérarchie les a chargés d’autres fonctions. Et lorsque l’un de ces quatre documentalistes s’est retroussé les manches pour créer une cellule de documentation, et a commencé à exiger les moyens adéquats pour cette tâche, il rencontra d’énormes difficultés. Puis un jour, le directeur de l’établissement voulant installer un chef de département, ne trouva pas mieux que la grande salle de documentation qu’il fit vider et aménager en quatre bureaux. Le pauvre documentaliste s’est vu relégué dans un local éloigné et ses cartons transportés dans un tracteur. Cette scène m’a tellement marqué que je l’ai évoquée dans mon autobiographie publiée chez l’Harmattan en 2012.